Le voici qui devient attentif, prévoyant, ronchonneur. Ou même carrément (forcément ?)...
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Humeur Bye bye, la joie de vivre
Par ISSA Jean, le 03 avril 2004 à 00h00
Chaque sou compte. On compte chaque sou. La crise est un savant fou. Qui transforme la cigale en fourmi. Rieur, insouciant, fantasque, prodigue, fastueux, le Libanais ? Plus tellement. Il s’anémie. Se recroqueville sur ses soucis. Rétrécit de jour en jour. Comme une peau de chagrin.
Le voici qui devient attentif, prévoyant, ronchonneur. Ou même carrément (forcément ?) mesquin.
Regardez-le attendre les 5 piastres, pardon les 250 LL, du bon compte rendu sur sa note hebdomadaire de 70 000 LL chez Abou Farouk, le boutiquier d’en bas.
Un tableau de mémoire (perdue) tiré des archives d’une généreuse convivialité de rue : le taxi-service qui sort, de la pochette de sa chemise, un paquet d’américaines pour en offrir à la ronde. Puis qui met pied-à-terre pour acheter le lahm bi ajine, et la gazeuse, réservés à son policier. Qui ferme les yeux, pudiquement, sur ses inévitables infractions de courseur en goguette. Aujourd’hui, plus de pattes à graisser. Plus moyen. Le ticket-passager était à 1 000 LL quand l’essence était à 10 000. Il reste le même, maintenant qu’elle est à 24 000. Et le concurrent syrien, comme le Tchétchène dans le poème de Pouchkine, rôde sur l’asphalte pour ramasser la mise. Sans que jamais, malgré les vives protestations des pauvres drivemen de chez nous, la préférence nationale ne joue. En joue, feu. Tir à volonté sur notre volonté de vivre. De survivre.
Effet bizarre de l’appauvrissement (faut-il s’en féliciter ?) : le pot-de-vin, le backchiche traditionnel qui accélère le zèle des petits fonctionnaires, se diététise, s’amaigrit et risque de périr bientôt par inanition. Donnant-donnant. La mini-corruption souriante, cette forme ensoleillée de gentleman’s agreement, cède la place progressivement à une acrimonie de tous les instants, de tous les endroits.
D’autant que pour beaucoup de choses de la vie (et de la mort) courante, il est évident que ce qui est moins coûteux est aussi plus pratique. Il est ainsi bien plus commode, à tous les points de vue, de ne plus recevoir les condoléances chez soi. Mais dans le salon public d’un édifice communautaire. Cela résout le problème, souvent complexe dans un pays sans numérotage, de l’adresse. Avec en sus, il faut bien le reconnaître, une assez considérable réduction des frais, en extras ou autres.
Au quotidien, pour faire ses courses ou pour aller au travail, prendre un bus, ou un service, à 500 ou à 1 000 LL, c’est évidemment moins cher, mais également moins stressant, que de se mettre au volant. Mais on en veut au pays, et l’on s’en veut à soi-même, en son for intérieur, d’en être arrivé là. De devoir frayer avec le vulgum pecus. Tout comme on peut rager de ne plus pouvoir se payer le cinéma à l’heure sélecte des séances surtaxées.
Mais c’est là un détail assez futile en regard des retombées de la gêne généralisée sur la mentalité ambiante. Qui se ferme. Comme le visage d’une maman blessée de refuser à son garçonnet le ballon Ronaldo qu’il convoite. Ou à sa fillette la poupée joufflue, Star Academy, dont elle rêve.
C’est le moral d’une population entière qui est en train d’évoluer. De muter. Passant du rose au morose. Pour se faire aussi grisâtre que le ciel (politique ?). Pollué.
Jean ISSA
Chaque sou compte. On compte chaque sou. La crise est un savant fou. Qui transforme la cigale en fourmi. Rieur, insouciant, fantasque, prodigue, fastueux, le Libanais ? Plus tellement. Il s’anémie. Se recroqueville sur ses soucis. Rétrécit de jour en jour. Comme une peau de chagrin.
Le voici qui devient attentif, prévoyant, ronchonneur. Ou même carrément (forcément ?)...
Le voici qui devient attentif, prévoyant, ronchonneur. Ou même carrément (forcément ?)...
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