Rechercher
Rechercher

Actualités - OPINION

Opposition - Une stratégie à long terme s’impose L’unification des rangs, principal challenge pour l’Est

Il est courant de relever qu’il n’existe pas une opposition mais plusieurs. On peut de même souligner que la contestation est fractionnée, éparse, voire même disloquée, au sein de chaque courant de pensée globale, l’Est ou l’Ouest. Comme dans chaque communauté et dans chaque région. Les sautes d’humeur, les revirements, les valses-hésitations de pôles majeurs qui oscillent entre le pouvoir et sa négation, les disputes entre officiels, les ministres qui grognent, ajoutent à la confusion des genres. Ces contradictions se neutralisent au point que l’on a souvent l’impression d’assister à un combat sans finalité, absurde. Et qu’il est aussi habituel d’entendre cette exclamation : « L’opposition ? Quelle opposition ? C’est comme le Cinzano mauve, ça n’existe pas ! » Dans le même esprit réducteur, fataliste, l’on entend également, à tous les niveaux, dans toutes les couches sociales, ce constat amer, désabusé, définitif : « S’il y avait un peuple, un vrai peuple, ça n’irait pas comme ça. Mais il n’y a pas de peuple ! » Conclusion de désenchantement compréhensible, mais objectivement abusive. Car le peuple est une réalité physique, qui s’ignore peut-être, mais qui existe. Par ses souffrances comme par ses espérances, aussi diffuses ou variées qu’elles soient. Il ne faut donc pas voir dans les divisions locales un signe de néant, mais de faiblesse. Réparable. Par cette union qui, si elle ne représente pas en soi un certificat d’existence, fait toujours la force. En n’oubliant pas, cependant, que tout est relatif. Surtout dans ces sciences humaines dont la politique est le major. À partir de là, il est nécessaire, comme le Arafat des débuts en avait très vite pris conscience, de bien distinguer stratégie et tactique. Si une coalition ne se cristallise qu’autour d’objectifs du moment, conjoncturels, elle se trouve évidemment condamnée à faire long feu. Le cas d’exemple le plus marquant reste, chez nous, le rassemblement animé certes par Bkerké, mais largement national, qui avait abouti au boycott (87 % !) des législatives. Cette coagulation était la plus frappante, la plus significative, à l’Est. Car là, il y avait du sang à peine séché, réel ou politique, entre nombre de partis, de courants ou de leaders. Certains avaient d’ailleurs refusé d’en rencontrer d’autres. N’empêche : tout le monde avait adhéré à un pacte net et clair, en trois lettres : Non ! Mais l’échéance écoulée, l’axe d’urgence s’était effiloché progressivement, pour s’évaporer ensuite sans laisser d’autres traces que la nostalgie des irréductibles. Pourquoi ? Parce que le but n’avait pas été atteint ? Non, le boycott s’était soldé par une vraie victoire psychopolitique autant qu’arithmétique. Qu’on n’avait pas su exploiter. Par un déficit criant de stratégie. Dans le feu de l’action, on avait tout simplement oublié que la pensée doit impérativement précéder. Pour ordonner, pour coordonner, une suite solide. Et personne n’avait proposé ce « programme commun » qui avait permis onze ans auparavant à la gauche française de blackbouler une droite au pouvoir depuis vingt-trois ans. Les temps, dira-t-on, ont changé. Mais le principe, élémentaire, fondamental, reste le même. Aujourd’hui même, le couvert est remis. Dans ce sens que l’Est opposant, qui se résigne en bloc à rejoindre Taëf, se cherche une unité. En vue des municipales. Dont l’importance politique tient dans le fait qu’elles servent de test probatoire pour la présidentielle. Et surtout (puisque cette dernière échéance dépend aussi, ou surtout, d’une volonté extérieure), pour les législatives de l’an prochain. Qui pourraient permettre de recomposer d’une manière significative le paysage politique libanais. En redonnant à ce que l’on appelle communément le camp chrétien, son droit effectif de participation. Ce qui veut dire, dans un pays composite, son droit à l’existence. L’intérêt, la potentialité, de l’étape actuelle réside donc dans le fait qu’elle constitue une préparation pour un trajet plus long, plus substantiel sur le plan politique. C’est d’autant plus évident que nul n’ignore le caractère localisé des municipales. Cependant, l’opposition juge, à juste titre, que dans plusieurs sites forts, comme la montagne, le Metn, Beyrouth ou même le Nord, la mutation, la promotion d’une échéance quasi administrative en rendez-vous politique est à portée de main. De plus, tous ses pôles s’accordent à souligner que l’expérience peut jeter les bases d’intéressantes alliances, marquées par l’idéologie plutôt que par des calculs étroitement électoraux, en 2005. Mais nul encore, à ce stade, ne projette ou ne propose de plan dépassant le court ou le moyen terme. On ne discute pas des constantes, des priorités essentielles comme la refonte du système ou la récupération de la souveraineté. On s’abstient, de même, de déborder le cadre d’accords ponctuels pour envisager la création d’un corps politique unifié. Qu’il soit monolithique, bien structuré, ou élastique, laissant à chaque composante une autonomie plus ou moins accentuée, plus ou moins atténuée. Comme la gauche plurielle ou l’UMP, en France. Tant que les tractations s’embrouilleront dans les complexités d’un tissu microcosmique, l’opposition, singulièrement à l’Est, ne peut pas espérer changer vraiment les choses. Ni même s’imposer comme un contre-pouvoir écouté. Par les décideurs, syriens, américains et tutti quanti. Jean ISSA
Il est courant de relever qu’il n’existe pas une opposition mais plusieurs. On peut de même souligner que la contestation est fractionnée, éparse, voire même disloquée, au sein de chaque courant de pensée globale, l’Est ou l’Ouest. Comme dans chaque communauté et dans chaque région. Les sautes d’humeur, les revirements, les valses-hésitations de pôles majeurs qui...