Rechercher
Rechercher

Actualités - OPINION

Présidentielle - Dans l’attente du test traditionnel, sans doute allégé Le système ne permet plus aux candidats d’avoir vraiment un programme

Selon une personnalité dont le nom est cité parmi les favoris de la course à la présidence, le système libanais ne permet pas aux postulants de se baser sur un programme d’action déterminé. Cela du simple fait que ce système n’est pas présidentiel, le pouvoir exécutif étant détenu depuis Taëf par le Conseil des ministres. Antérieurement, on pouvait toujours interroger les candidats sur leurs vues. Ils étaient même soumis, comme on le sait, à un test d’intentions effectué par les grands électeurs, régionaux ou internationaux. Ils pouvaient passer cette épreuve, que certains toutefois refusaient, avec succès ou avec échec. Nicolas Nassif raconte dans son ouvrage République de conscience la visite d’examinateur rendue par l’émissaire américain Dean Brown à Raymond Eddé. Voici, pour l’exemple, des extraits de ce dialogue modèle : – Brown : « Le Liban aborde la présidentielle. Les Libanais vous veulent, vous aiment, et vous êtes le plus populaire. Nous pensons que vous avez le plus de chances, car la majorité musulmane est à vos côtés, ainsi qu’au moins la moitié des chrétiens. » – Eddé : « Mais, mon cher, comment vous autorisez-vous à vous immiscer dans la présidentielle libanaise ? » – Brown : « Je suis chargé d’établir un rapport par mon président. La question représente pour les États-Unis un intérêt vital... Nous savons que vous êtes probe, que votre passé est honorable et mon gouvernement apprécie autant vos positions que le rôle que vous jouez. Nous sommes prêts à vous soutenir pour que vous accédiez à la présidence de la République. Mais nous souhaitons cerner d’abord vos capacités, et vos choix, pour mettre fin à la guerre dans ce pays, en y rétablissant l’autorité de la loi. » – Eddé : « Ministre de l’Intérieur en 1958, j’ai pu imposer la sécurité, l’application de la loi et mettre fin à la guerre civile, qui était, il est vrai, moins étendue. J’avais alors tissé de bons liens avec les cadres de la police et de la gendarmerie. J’avais de même de bons rapports avec l’armée. » – Brown : « Mais la situation ets radicalement différente. On ne peut faire en 1976 ce qui a été fait en 1958. Si vous êtes élu aujourd’hui, sur qui pourrez-vous vous appuyer pour rétablir l’ordre ? » – Eddé : « Je compterai sur les gendarmes, sur les FSI et, au besoin, j’aurai recours à l’armée. » – Brown : « Cela ne suffirait pas. D’autant que l’armée est divisée, dispersée, non unifiée... » – Eddé : « S’il m’est impossible d’assurer la sécurité par le truchement des forces régulières locales, je me rabattrai sur une idée identique à celle qui avait été retenue en 1958, quand les Américains avaient débarqué des Marines sur nos côtes pour mettre un terme à la révolution. On peut rééditer l’expérience. » – Brown : « C’est hors de question. Nous n’intervenons pas. » – Eddé : « S’il en est ainsi, comme mon pays est petit, que l’armée n’est pas en mesure d’y rétablir l’ordre, que l’Amérique ne veut pas aider comme en 58, je n’aurai d’autres choix que de m’adresser à l’Onu pour l’envoi de contingents internationaux. » – Brown : « Jamais les Nations unies n’enverront de forces au Liban. » – Eddé : « Je comprends que vous puissiez préciser formellement que votre gouvernement n’enverra pas l’armée américaine. Mais je ne comprends pas que vous puissiez être aussi affirmatif en ce qui concerne l’Onu. Sur quoi vous basez-vous pour avancer une telle assertion ? » – Brown : « Sur le droit de veto dont les USA disposent au Conseil de sécurité. » La grande question – Brown, de nouveau, et surtout : « Pourquoi n’adresseriez-vous pas un appel à l’armée syrienne afin qu’elle vous épaule ? » – Eddé : « Tout sauf cela. » – Brown : « C’est ce que je voulais vous demander. Cela serait la solution…” – Eddé : « Dans ce cas, vous ne pouvez compter sur moi. » – Brown : « Mais l’armée syrienne se déploierait dans le cadre d’une force arabe, placée sous votre autorité effective en tant que président de la République de ce pays. » – Eddé : « De quelle autorité effective parlez-vous ? Cela fait quarante ans que la Syrie refuse d’établir des relations diplomatiques avec le Liban. Et puis, comment pourrais-je décider ? Quelle force de sécurité libanaise serait à ma disposition pour imposer cette autorité que vous évoquez ? L’armée syrienne serait la seule force effective déployée sur le territoire libanais. » – Eddé enchaîne : « Il n’y a pas de conflit avec la Syrie sur la nature des relations qui doivent exister entre les deux pays. Mais sur sa façon de traiter de fait avec le Liban. Si je deviens président, je contrerai tout complot visant la Syrie à partir du territoire libanais. Je sais où se trament les conspirations, et, avec moi, il n’y en aura aucune dirigée contre la Syrie et son régime de pouvoir. Mais je veux que la Syrie traite le Liban par la réciproque. » Dean a insisté sur le même point, répétant trois fois sa question. Et Eddé lui a répondu qu’il ne permettrait pas le déploiement de l’armée d’un pays ayant des frontières avec le Liban. Pour conclure : « Si vous autres Américains avez décidé cela (le déploiement syrien) et le posez comme condition sine qua non, je peux toujours vous fournir une liste de quelque 50 personnalités maronites toutes prêtes à l’accepter. Élias Sarkis approuve, allez le voir. Pour ma propre part, je refuse que le Liban se trouve placé sous mandat syrien. » Bien entendu, Raymond Eddé avait été recalé à l’examen que les Américains lui faisaient passer. Car ses réponses ne convenaient pas à la conception qu’ils avaient à l’époque de la défense de leurs intérêts dans la région. Aujourd’hui cependant, les candidats potentiels ne risquent pas, a priori, de se voir poser des questions aussi pointues. Car nul n’ignore, répétons-le, que le pouvoir exécutif n’est plus, sur le papier, aux mains du président. Sur le plan des faits, comme des intentions, si jamais une question d’avenir devait être posée aux candidats pour les situer sur le tableau politique, ce serait plutôt aujourd’hui de savoir s’ils sont pour le retrait ou pour le maintien des forces syriennes. Émile KHOURY
Selon une personnalité dont le nom est cité parmi les favoris de la course à la présidence, le système libanais ne permet pas aux postulants de se baser sur un programme d’action déterminé. Cela du simple fait que ce système n’est pas présidentiel, le pouvoir exécutif étant détenu depuis Taëf par le Conseil des ministres. Antérieurement, on pouvait toujours interroger...