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SOCIAL - Cinquantième anniversaire de l’appel de l’abbé Pierre Au Liban, l’AEP prend le relais de la solidarité

Depuis plusieurs jours, l’abbé Pierre, indétrônable dans le cœur des Français, fait la une des médias éclipsant une fois de plus l’actualité morbide pour redonner au monde une nouvelle lueur d’espoir. À l’occasion du cinquantenaire d’Emmaüs International, presse, radio et télévision ont voulu rendre une fois de plus hommage à l’action d’un homme qui n’a cessé d’inspirer la littérature humaniste: «résistant», «prophète», « mystique », « agitateur social » ou encore « parrain de la charité », autant de qualificatifs qui restent en deçà de cette réalité qu’a pu métamorphoser le compagnon des « damnés de la terre ». Le monde des pauvres, mais aussi celui des riches, se souvient encore de son initiative de l’hiver 1954, lorsqu’il avait lancé un appel au secours à la suite du drame atroce d’une femme morte gelée. En somme, « une interpellation qui deviendra une provocation pour nous tous », dira sur un ton défiant l’indifférence le président d’Emmaüs International, Renzo Fior. Cette « insurrection de la bonté », prêchée par un prêtre pas comme les autres, instituera ce qui deviendra, cinquante ans plus tard, un véritable hymne à la solidarité. Le Liban n’a pas, lui non plus, été oublié par l’œuvre gigantesque de ce prêtre non conformiste. Comme partout ailleurs dans le monde où il a lutté contre la misère, l’abbé Pierre en a inspiré plus d’un au pays du Cèdre. À commencer par Mgr Grégoire Haddad et l’ancien président du Conseil Takieddine Solh, qui dès 1959 ont créé le répondant libanais d’Emmaüs, baptisé l’Oasis de l’espérance. Ainsi sont nées chez nous les premières communautés de chiffonniers qui, à l’image de l’exemple français, ont voulu regrouper des déshérités qui se sont mis, par leur travail de récupération, au service des plus déshérités selon un credo des plus originaux : « Donne-moi ton aide pour aider les autres ». Comme l’avait si bien défini l’abbé Pierre lui-même, Emmaüs et ses partenaires internationaux – 421 groupes répartis dans 41 pays – ne sont rien d’autre qu’« une récupération d’hommes à l’occasion de la récupération des choses ». Fondée sur le principe du compagnonnage constitué par les marginalisés de la société – les membres d’Emmaüs s’occupaient activement du ramassage de vieilleries, qui étaient ensuite recyclées et revendues pour assurer un minimum de subsistance aux personnes âgées, aux sans-logis, aux alcooliques, anciens tôlards, délinquants, etc; –, l’association s’est transformée petit à petit en un immense mouvement international de lutte pour la justice, propageant ainsi une nouvelle philosophie de la solidarité humaine, qui va marquer toutes les consciences à travers le monde. L’appel de 1954 visait à protéger les gens à la rue des catastrophes sociales, et de nos jours, il demeure d’actualité, alors que « le monde est plus malheureux que jamais », dira l’abbé Pierre qui vient d’annoncer, dans un communiqué publié le 29 janvier dernier, son nouvel appel intitulé « Ensemble, agir, dénoncer » (voir encadré). Un modèle pour la BM Au Liban la misère galopante, due notamment à la crise économique, a poussé les fondateurs de l’Oasis de l’espérance – dont les activités ont été suspendues en 1982 – à opérer une mutation qui devait s’adapter à la nouvelle logique économique et aux nouveaux besoins apparus sur le terrain. Ainsi est née en 1996 l’Association d’entraide professionnelle (AEP), une ONG qui prône le droit à l’initiative économique ou le droit au crédit pour tous. Cette idée, particulièrement avant-gardiste pour l’époque, servira de modèle à une multitude d’institutions internationales financières telles que l’Onu et la Banque mondiale, qui petit à petit adopteront le principe du micro-crédit comme fondement d’une action de développement et d’aide favorisant l’insertion de certaines catégories de la société dans le circuit économique. Souscrivant aux valeurs de la démocratie et de la sécularité, l’AEP a pour objectif de prévenir contre la paupérisation les porteurs de petits projets et de susciter de nouveaux emplois. Bénéficiant principalement aux personnes qui ont à charge une famille et qui possèdent une expérience professionnelle dans un domaine précis mais ne pouvent obtenir un crédit bancaire, l’AEP a pu profiter à près de 6 750 personnes depuis sa création. S’inscrivant à l’opposé de la politique d’assistanat pratiquée dans les années 70 et 80, cette nouvelle oasis se veut à la fois un apport financier et une entreprise de solidarité humaine. Une politique qui s’inscrit dans la droite ligne d’Emmaüs International, qui dès le départ a su redonner leur dignité aux plus marginalisés en prônant la recherche de l’autonomie par le travail. « L’originalité du projet de l’AEP est qu’il s’inspire d’un respect profond de la personne humaine, qui consiste à éviter l’humiliation au demandeur de prêt », explique le président de l’association, Fernand Sanan. En aidant l’emprunteur à réaliser son propre projet, l’AEP lui redonne confiance tout en l’intégrant dans la vie économique. Une manière d’abattre les barrières financières et techniques devant les plus défavorisés. Le succès de la formule poussera d’ailleurs l’AEP à paver la voie à l’exportation de son modèle vers d’autres pays. Participant activement à la vie d’Emmaüs International, dont elle partage les valeurs de base, l’AEP entend aujourd’hui redonner ses lettres de noblesse à la fraternité, entendue désormais comme une entraide rationnelle qui libère les plus défavorisés de la dépendance à la bienfaisance. Et pour reprendre une des dernières formules de l’abbé Pierre, « la démocratie sera en grand danger si la fraternité cesse un jour d’exister ». Jeanine JALKH
Depuis plusieurs jours, l’abbé Pierre, indétrônable dans le cœur des Français, fait la une des médias éclipsant une fois de plus l’actualité morbide pour redonner au monde une nouvelle lueur d’espoir.
À l’occasion du cinquantenaire d’Emmaüs International, presse, radio et télévision ont voulu rendre une fois de plus hommage à l’action d’un homme qui n’a...