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Actualités

Opinion La position de l’Église catholique sur la peine de mort

La question de la peine de mort resurgit ces derniers jours, et le débat sur son application ou son abolition anime actuellement certaines tranches de la société libanaise. Le présent texte ne prétend pas apporter une solution définitive et exhaustive à l’ensemble du problème posé. Il veut uniquement présenter quelques clarifications au sujet de la position officielle de l’Église catholique par rapport à la peine de mort et enlever ainsi une ambiguïté à ce sujet qui s’est propagée ces derniers jours.
Rappelons pour commencer les principes bibliques et théologiques de l’enseignement de l’Église concernant la peine de mort. Le premier principe est que Dieu est le créateur de l’univers et de l’homme (Genèse 1, 1-27), et donc qu’Il est l’unique maître de la vie en chacun de nous et dont nous ne sommes que les intendants. Le second principe complète le premier et lui donne plus de sens, car il confère à la vie humaine sa dignité inaliénable. Dieu a en effet créé l’homme, non comme toutes les autres créatures, mais Il l’a créé « à son image et selon sa ressemblance » (Genèse 1, 26-27). Ce qui signifie que la dignité humaine qui vient du fait que nous sommes à l’image de Dieu ne dépend pas de raisons extérieures, personnelles ou sociales, ni des actes qu’on fait ou on ne fait pas. Tout être humain, indépendamment des conditions de sa vie et de son histoire personnelle, depuis sa conception jusqu’à sa mort, porte en lui donc cette dignité inaliénable d’être créé par Dieu, à son image et appelé à être son fils. Le troisième principe est que ce Dieu Créateur est aussi le Dieu Sauveur qui, malgré le péché de l’homme, ne désespère pas de lui et ne détruit pas son image en lui, mais vient la restaurer par l’œuvre de salut accomplie en Jésus-Christ.
À partir de ces trois principes, quelle est donc la position de l’Église catholique par rapport à la peine de mort ? L’enseignement de l’Église à ce sujet s’est toujours inscrit dans le cadre de la problématique du devoir de défendre sa vie et celle des autres. Le cinquième commandement du décalogue donné par Dieu à Moïse, « Tu ne tueras pas » (Exode 20, 13) implique aussi le devoir d’empêcher quelqu’un de me tuer ou de tuer autrui. C’est pourquoi le catéchisme de l’Église catholique enseigne que « la légitime défense peut être non seulement un droit, mais un devoir grave pour qui est responsable de la vie d’autrui. La défense du bien commun exige que l’on mette l’injuste agresseur hors d’état de nuire » (n° 2265). Dans ce sens, le même catéchisme reconnaît que l’enseignement traditionnel de l’Église n’exclut pas le recourt à la peine de mort, si celle-ci est l’unique moyen praticable pour protéger efficacement de l’injuste agresseur la vie d’êtres humains (n° 2267).
Or, le texte précise aussitôt que, par opposition aux conditions qui ont amené jadis l’Église à avoir ce discours traditionnel, aujourd’hui, étant donné les possibilités dont l’État dispose pour réprimer efficacement le crime en rendant incapable de nuire celui qui l’a commis, sans lui enlever définitivement la possibilité de se repentir, les cas d’absolue nécessité de supprimer le coupable « sont désormais assez rares, sinon même pratiquement inexistants » (n° 2267 ; voir aussi : Jean-Paul II, Evangelium vitae, n° 56).
Nous concluons de cet enseignement deux choses. En premier lieu, l’Église pense le problème de la peine de mort uniquement dans les termes de légitime défense de soi et de la société par rapport à l’agresseur. En second lieu, jamais l’Église n’a dit ou accepté de dire que la peine de mort peut être appliquée comme une vengeance des victimes et de leurs familles ou comme une punition exemplaire qui aurait une valeur dissuasive pour les autres criminels possibles.
En revanche, l’Église espère et œuvre dans le sens de la conversion du criminel, d’un côté – et les exemples ne manquent pas –, et le pardon de la part des familles et proches des victimes, de l’autre –, là aussi les exemples héroïques et saints existent.
Par ailleurs, ces dernières années, l’Église catholique a franchi encore un pas et s’est engagée pour l’abolition définitive de la peine de mort. À Rome, la Communauté San Egidio a lancé une campagne internationale pour l’abolition de cette peine capitale. Pour sa part, et lors de sa participation au 1er Congrès mondial contre la peine de mort à Strasbourg en 2001, Mgr Richard Gallagher, observateur permanent du Saint-Siège au Conseil de l’Europe, a ainsi résumé la position de l’Église catholique en disant : « Le Saint-Siège a constamment recherché l’abolition de la peine de mort, et le pape Jean-Paul II a, personnellement et sans discrimination aucune, demandé, à de nombreuses reprises, que de telles sentences soient commuées en un moindre châtiment, qui puisse donner au coupable le temps et le courage de s’amender, permettre à l’innocent d’espérer et sauvegarder le bien-être de la société civile et des personnes qui, sans l’avoir choisi, se retrouvent étroitement liées au destin des condamnés à mort. » Et il ajoute : « Là où la peine de mort est un signe de désespoir, la société civile est invitée à affirmer sa foi en une justice qui sauve l’espérance menacée par les maux dont notre monde est envahi. L’abolition universelle de la peine de mort réaffirmerait, de manière courageuse, la conviction que l’humanité peut réussir à traiter le problème de la criminalité, ainsi que notre refus de succomber au désespoir face à de telles forces. Cela ferait renaître une nouvelle espérance en notre propre humanité » (Documentation catholique, n° 2259, p. 1029).
En définitive, c’est non la mise en application de la peine de mort, mais son abolition qui serait la meilleure leçon à donner à ceux qui osent mettre en péril et voler la vie des innocents. Le grand courage que cela nous demande ne peut qu’interpeller le cœur de tout homme, et peut-être l’aiderait à prendre conscience de la valeur inestimable et inaliénable de la vie, même celle du criminel le plus cruel. Aussi espérons-nous que le sang des victimes innocentes ne serait plus jamais un cri de vengeance, mais un cri pour la vie.

P. Fadi DAOU,
Conseil culturel catholique
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