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Vie universitaire - « Les responsables doivent changer leur façon de traiter avec nous », avertit Charbel Kfoury L’Université libanaise en grève pour huit jours Le budget 2003 n’a pas été débloqué et la Caisse de la mutuelle est à sec

« La situation est devenue intenable. » C’est ainsi que Charbel Kfoury, président de la Ligue des professeurs de l’Université libanaise (UL), justifie la décision d’observer une grève générale dans cette institution pour huit jours à partir d’aujourd’hui. 2003 touche à sa fin, et le budget consacré par l’État à l’UL pour cette année n’a toujours pas été débloqué, « il est temps, par conséquent, de dire : ça suffit », affirme M. Kfoury. Et le problème n’est pas que financier. « C’est toute la façon de traiter avec l’UL et ses professeurs qui doit changer », ajoute-t-il.
Les motifs de faire la grève se multiplient à l’UL, comme l’assure le président de la Ligue des professeurs : il y a non seulement les problèmes liés au budget mais également la question de la Caisse de la mutuelle des professeurs qui est à sec.
Pour ce qui est du budget, le conflit avec le ministre des Finances, Fouad Siniora, avait déjà éclaté l’année dernière.
« Quand le budget 2003 de l’UL a été adopté, raconte M. Kfoury, nous avions eu la mauvaise surprise de constater que des 150 milliards de livres exigées par le conseil de l’université, le ministre ne voulait accorder que 135 milliards. Notre ligue avait annoncé son refus, mais le conseil de l’université avait obtempéré. »
Selon lui, les problèmes ne se sont pas arrêtés là. « Le ministre des Finances a décidé de placer 14 milliards de livres de la somme totale en réserve, sans les inclure dans les articles du texte du budget, poursuit-il. Dans ce cas, il devient difficile de débloquer cette somme puisqu’il faut suivre une procédure qui requiert les signatures de deux ministres. Pour nous, c’est une façon de garder l’université à la merci du ministère. »
Devant le refus opposé par le conseil de l’université à cette dernière mesure, M. Siniora a accepté de réduire cette somme à neuf milliards puis à cinq, mais la protestation a continué, sur fond de mésentente entre les ministres des Finances et de l’Enseignement supérieur sur ce point, toujours selon M. Kfoury. Le dossier a été renvoyé en Conseil des ministres, « ce qui leur fait gagner un mois de plus », explique-t-il.
Pourquoi ces complications ? « M. Siniora nous accuse de gaspillage, répond-il. Mais si gaspillage il y a, qu’il nous précise à quel niveau il se produit et par quels moyens ! » À la question de savoir comment l’université peut passer une année entière sans avoir à sa disposition les sommes prévues dans son budget, M. Kfoury explique : « Nous avons pratiqué la règle du un douzième. Cela signifie qu’à chaque fois que nous avions besoin de débloquer de l’argent, nous ne dépensions que le douzième de la somme qu’il nous fallait. Cela nous a permis de payer les salaires et d’exécuter quelques projets seulement. »

Dettes aux hôpitaux
La seconde raison principale du déclenchement de la crise est le tarissement de la Caisse de la mutuelle des professeurs, dont le sort reste aujourd’hui incertain. Là aussi, le ministère des Finances est montré du doigt. « L’État devait consacrer pour l’année 2003 la somme de 14,7 milliards de livres à cette caisse, explique M. Kfoury. Face au refus du ministère des Finances d’adopter ce chiffre et suite à nos protestations, M. Siniora a finalement accepté de débloquer 13,5 milliards pour cette caisse, et il a signé un document en ce sens. Mais il semble qu’il ne respecte pas sa signature puisqu’il ne nous a finalement accordé que 12,15 milliards. »
Il y a six mois que les professeurs multiplient les rencontres avec le Premier ministre Rafic Hariri, effectuant même un sit-in le 5 septembre dernier. M. Hariri a promis de prélever les 2,3 milliards manquants de l’argent de la réserve du budget national. Mais, manque de chance, la réserve est vide ! Pour transférer de l’argent du budget national vers la caisse de réserve, il faut un processus passablement compliqué : il a été décidé que le Conseil des ministres présente un texte de loi pour le déblocage de 25 milliards, portant le numéro 10 965 et daté du 17 septembre 2003. Il a été transféré au Parlement, mais n’a été pris en charge par la commission des Finances que le 5 octobre. À cette date, l’ordre du jour de la première session parlementaire avait déjà été établi, et l’adoption du texte retardée par le fait même.
« À mon avis, soit la promesse n’était pas sérieuse, soit il y avait une intention de faire échouer le projet, déclare M. Kfoury. Il faut que les responsables trouvent une solution rapide à ce problème parce que leur crédibilité est en jeu. Entre-temps, les dettes envers les hôpitaux se multiplient, et ceux-ci commencent à rechigner à accepter les professeurs, bien que la caisse ait toujours eu la réputation de payer ses dus sans retard. Nous mettons en garde autant l’État que les hôpitaux contre une tentative de prendre à la légère la santé des professeurs. »

Trop tard pour 2003 !
Pour toutes ces raisons, l’UL est en grève à partir d’aujourd’hui et pour huit jours, une grève ouverte étant même envisagée si la crise n’est pas résolue. Quelque 47 branches universitaires, 3 000 professeurs et plus de 65 000 étudiants interrompront les cours. La ligue prévoit également des sit-in dont le programme sera annoncé incessamment.
Qu’attend-il de cette grève ? Qu’adviendra-t-il si les responsables ne fléchissent pas ? « Premièrement, il faut savoir que nous ne sommes pas en grève pour obtenir des droits supplémentaires, mais tout simplement pour défendre nos acquis, précise M. Kfoury. Pour nous, il est primordial qu’un plan d’avenir de l’université soit préparé, que l’argent de la mutuelle des professeurs soit payé immédiatement et que les responsables prennent position clairement dans l’affaire du budget de l’UL. Cette fois, nous n’accepterons que des propositions concrètes et non plus des promesses creuses. »
En ce qui concerne le budget de l’université, M. Kfoury affirme qu’il est trop tard pour débloquer l’argent du budget 2003. « Nous exigeons en premier lieu que le budget de 2004 soit fixé par le Conseil de l’université, selon les besoins de l’institution, dit-il. Nous n’accepterons pas que le ministère nous impose un chiffre qui n’est pas en rapport avec la réalité. En second lieu, nous réclamons que les sommes non dépensées du budget 2003 soient ajoutées à celui de l’année suivante, mais selon le barème de 2004. »
Il ajoute : « Notre devoir est de tirer la sonnette d’alarme et de refuser de nous soumettre à un fait accompli. Nous saurons alors si les responsables sont aussi responsables qu’ils le prétendent. Après tout, l’UL est la propriété du peuple libanais, dispensant le savoir à 70 000 étudiants chaque année. »
Et de s’interroger sur la raison de cet acharnement à fragiliser cette institution et sur un possible lien avec « les intérêts de plusieurs responsables qui possèdent des universités privées ». M. Kfoury rappelle que « depuis 1997, 300 professeurs ont pris leur retraite pour n’être replacés que par... 93 ».
Suzanne BAAKLINI
« La situation est devenue intenable. » C’est ainsi que Charbel Kfoury, président de la Ligue des professeurs de l’Université libanaise (UL), justifie la décision d’observer une grève générale dans cette institution pour huit jours à partir d’aujourd’hui. 2003 touche à sa fin, et le budget consacré par l’État à l’UL pour cette année n’a toujours pas été...