Ponzo Pilato & Herr Tartüff * *

Embuscade. Ruse de guerre. Il faut parfois faire l’effort de lire entre les lignes (de démarcation). Pour démystifier l’Histoire ou certains de ses acteurs.
Tenez, Fontenoy, 11 mai 1745. La célébrissime apostrophe : Messiurs les Anglais, tirez les premiers ! Nous a-t-on assez lavé le cerveau aux temps (trop) lointains de l’école, avec ce pur diamant de panache chevaleresque. Eh bien, c’était un peu (trop) enjolivé. Sur le fond, comme sur la forme. Tout d’abord, c’était lord Charles Hay, commandant de la garde anglaise, qui avait, le premier, invité son vis-à-vis français, le comte d’Anterroches, à faire tirer ses gens. Pour se voir répondre texto, sur le mode sarcastique : À vous l’honneur ! Les deux officiers jouaient à malin malin et demi. En effet, à l’époque, le premier rang mettait un genou à terre pour tirer sa salve. Et se relevait ensuite, pour rembourrer de poudre les fusils. Devenant ainsi une cible facile pour le premier rang d’en face !
C’est à peu près au même noble art martial que s’exercent présentement nos duellistes dirigeants. À nos seuls dépens, bien entendu. Pour le moment. Car plus tard – ils semblent d’accord sur ce point –, il devrait y avoir parmi eux un gagnant et un perdant. En d’autres termes, l’équation qui leur sert de règle commune se résume comme suit : la reconduction de l’un induit l’éviction de l’autre. Et vice versa.
Au stade actuel d’escarmouches tactiques, Hariri vient d’utiliser (prématurément ?) son joker Siniora, lui-même représentant cette carte maîtresse qu’est le budget. Comme le ministre des Finances l’indique, on ne touche à rien, ou presque. Pas de nouveaux impôts, mais pas d’assainissement financier non plus ni de réduction du déficit. Politiquement, le message haririen se traduit de la sorte : le régime brandit, contre notre slogan du redressement, l’étendard de la réforme. On va voir comment il va s’y prendre, avec le budget que nous lui avons mijoté. Dans la même ligne de pensée, et de proposition implicite, la manœuvre comptable vise à prouver que s’il y a prorogation du mandat présidentiel, le Liban économique est condamné à l’impasse.
On attend avec curiosité la riposte des lahoudistes. Pour l’heure, ils continuent à dire que la réforme est inéluctable. Mais sans encore mettre aucun projet concret sur la table. Du Conseil des ministres.
Dans ce jeu du chat et de la souris, on ne sait pas qui traque qui. Tel est pris qui croyait prendre. Sans doute, mais en attendant l’échéance (quelle ironie, ce mot), c’est à n’y rien comprendre.
J.I.

* D’Irving Rapper, 1961, avec Jean Marais et Jeanne Crain.
* De F.W. Murnau, 1925, avec Emil Jannings.