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Retour de Bagdad, des correspondants de guerre racontent leur calvaire

Amman – de Joanne FARCHAKH Des reporters anglais, ayant plus de quinze ans d’expérience dans le journalisme de guerre racontent leur séjour à Bagdad. Leurs noms ne seront pas donnés pour ne pas compromettre leur sécurité. Ils assurent que le quotidien dans la capitale irakienne est devenu « dur et épuisant ». « Sans eau courante depuis une semaine, nous puisons actuellement dans les réserves faites de sacs en plastique déposés dans nos chambres. Évidemment, les incessantes tempêtes de sable rendent le quotidien encore plus difficile, surtout que l’on doit même limiter la consommation de l’eau. De plus, les coupures d’électricité, notre chambre étant située au 13e étage, nous obligent à nous habituer aux hurlements de notre petit générateur installé sur la terrasse. Le plus dur reste toutefois le contact humain avec les fonctionnaires irakiens. Ces derniers sont devenus d’une “sensibilité” maladive et, sachant que leurs jours sont comptés, ils exigent des prix (pourboires) faramineux pour tout service rendu. Nous sommes maintenant des prisonniers dans cet hôtel. Toute circulation dans la ville nous est interdite, sauf s’il s’agit de tournées organisées par le ministère de l’Information et nous sommes alors accompagnés d’un “guide”. Ce dernier nous introduit nos interlocuteurs et reste à nos côtés à chaque interview demandée. On ne peut même pas utiliser notre téléphone via satellite en dehors de notre bureau (chambre d’hôtel), car nous sommes sur écoute. Même les conversations avec les collègues sont devenues une denrée rare. Nous sommes tout le temps surveillés par des membres de moukhabarat (police secrète irakienne) qui peuvent nous arrêter pour tout propos considéré comme menaçant. Quant au tournage, les autorités irakiennes nous interdisent l’accès au toit de l’hôtel – qui surplombe Bagdad – ou de tourner à partir des terrasses de nos chambres. On ne peut filmer qu’à partir du premier étage où la vue sur le Tigre et le reste de la ville reste très limitée. Sécurité militaire oblige. » Avant le pilonnage de leur hôtel, les journalistes restaient dans leurs chambres à suivre les bombardements. « On devinait le point de chute à la durée des secousses, explique Bonnie, correspondant du Sunday Times. Ainsi, les six missiles tirés sur le centre de télécommunications rue al-Rachid ont fait trembler l’hôtel pendant trois longues minutes. La seule consolation dans cette guerre et ce qui nous donne un peu de confiance, c’est que les cibles sont très localisées. » Cette confiance dans l’aviation américaine n’est toutefois pas partagée par Jamil Bassil, cameraman libanais travaillant pour la télévision Abu Dhabi. Il était sur le toit de l’immeuble de trois étages où se trouve son bureau, à filmer les attaques sur le ministère de l’Information quand le feu d’un missile Tomahawk a éclairci ses prunelles. « En moins de trois secondes, j’ai vu la mort. Je ne savais plus si je devais sauter du toit ou attendre pour voir où le missile va éclater. Mais pour ma chance, il a fini par dépasser l’immeuble pour exploser dans le jardin du palais présidentiel situé à une centaine de mètres. Le plus dur était de tourner ma caméra vers le lieu d’explosion pour filmer les flammes. Dans ce métier, on s’oublie souvent. On devient la caméra ou le crayon. Nos images ou nos textes nous apportent la vie ou la mort. » Épuisé, Jamil a quitté Bagdad pour la Jordanie, mais il ne savait pas que la route reliant les deux villes est devenue une longue aventure. À quelques kilomètres seulement de la capitale, deux hélicoptères Apache ont tiré six missiles sur des bâtiments industriels édifiés sur le bord de l’autoroute. « Le plus dur était de maintenir le véhicule sur la route et de continuer à brandir de la fenêtre le drapeau blanc, en espérant que les pilotes lisent les gigantesques lettres “TV” collées sur le toit de la voiture avant de tirer », raconte-t-il. Chanceux, ils se sont tirés d’affaire pour tomber à une centaine de kilomètres plus loin sur un check-point américain. « Les militaires, en tenue de Marines américains, parlaient l’arabe couramment, mais suivaient visiblement les ordres des officiers assis dans leur Hummer en pointant leurs missiles dans notre direction. » Les check-points américains peuvent venir aussi du ciel. Un journaliste américain indépendant a eu droit à l’atterrissage d’un hélicoptère en pleine autoroute. Armés jusqu’aux dents, des soldats des forces spéciales australiennes l’ont obligé à se mettre à plat ventre pour une demi-heure alors qu’ils fouillaient la voiture. Après cela, ils l’ont laissé partir. En plus de l’armée, la route est actuellement tenue par des bandits. Des journalistes espagnols en ont été victimes. Des Bédouins irakiens les ont planqués au sol, vidé leur voiture de tout matériel, pris tout leur argent et leur ont conseillé de rebrousser chemin.
Amman – de Joanne FARCHAKH Des reporters anglais, ayant plus de quinze ans d’expérience dans le journalisme de guerre racontent leur séjour à Bagdad. Leurs noms ne seront pas donnés pour ne pas compromettre leur sécurité. Ils assurent que le quotidien dans la capitale irakienne est devenu « dur et épuisant ». « Sans eau courante depuis une semaine, nous puisons...