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PATRIMOINE - Une école religieuse chiite dans le périmètre de protection du site de Tyr La loi sur les antiquités à nouveau bafouée (photo)

Une fois de plus, l’État affiche son impuissance face aux autorités religieuses. La loi sur les antiquités est en effet à nouveau bafouée par l’édification d’un nouveau bâtiment, une école religieuse chiite, qui se construit à Tyr dans le périmètre de protection du site archéologique. Une zone classée non-edificandi par deux décrets présidentiels, le premier datant de 1991, le second de 2002. Et comme s’il ne suffisait pas déjà de construire dans le périmètre de protection d’un site archéologique, classé sur la liste du patrimoine mondial, ce nouvel immeuble de quatre étages s’étend sur 2000 m2 et s’élève sur deux parcelles de terrain : la première appartenant certes aux Wakfs chiites de Tyr, mais la seconde tombant dans le domaine maritime ! Ce qui a évidemment nécessité un – nouveau – remblayage de la côte. Face à cette situation dramatique en regard de la richesse historique des lieux, experts et autres spécialistes locaux ont réagi. La Direction générale des antiquités, soutenue par le ministère de la Culture, la Direction générale de l’urbanisme et les inspecteurs de l’ingénierie ont tous envoyé des lettres exigeant l’arrêt immédiat des travaux. Certaines des lettres étaient même adressées au Conseil des ministres. Mystérieusement, tous ces documents se sont volatilisés et les forces de l’ordre de la ville de Tyr n’ont jamais reçu les instructions nécessaires pour faire arrêter les travaux dans cette zone. Pourtant, aucun permis de construire n’avait été livré par la municipalité de Tyr. Le mystère a toutefois pu être éclairci lorsque l’identité du principal donateur de cette école a été connue : il s’agit, selon des sources concordantes, elles-mêmes corroborées par des témoignages, du fils d’un notable chiite de haut rang. Lequel finance, en grande partie, ce projet appartenant à l’association caritative, Jamiat el-Berr wa el-Ihsan. Certes, les donateurs affirment que le projet n’est qu’une « restauration » de l’ancienne école datant des années 60. Mais force est de constater que l’édifice en question a disparu ! Il avait été démoli en août dernier pour céder la place à un immeuble dont l’envergure met en péril les vestiges archéologiques. Le bâtiment est en effet érigé dans le port sud de la ville phénicienne, en prolongement de son mur extérieur. Des vestiges ont-ils été déterrés lors des travaux de constructions ? Nul ne peut l’affirmer. Aucun archéologue n’était sur les lieux. Mais afin sans doute d’éviter une situation embarrassante, les entrepreneurs ont préféré engloutir les profondes fondations sous une large dalle de ciment. Cette école religieuse est certainement nécessaire à la ville de Tyr, mais n’était-il pas possible de l’édifier ailleurs ? Était-il impératif de la construire dans la zone de protection du site archéologique et sur la promenade piétonne ? Était-il nécessaire de la doter de quatre étages ? N’était-il pas possible de minimiser cette déformation du paysage en limitant la construction à un seul étage ? Pour une application rigoureuse de la loi En 2003, le Liban recevra un prêt de 55 millions de dollars de la Banque mondiale pour la restauration et la réhabilitation de cinq sites archéologiques, dont celui de Tyr. De nouveaux plans de gestion, des études pour la rénovation du centre historique et du site archéologique ont déjà été entrepris. Ils visent tous à moderniser la vieille ville et à l’adapter aux technologies et attentes des touristes du XXIe siècle. Mais à quoi servirait tout cet argent si l’on est incapable d’appliquer la loi, en exigeant l’arrêt immédiat des constructions dans les zones non-edificandi ? N’est-il pas déjà suffisant que l’hippodrome de Tyr soit encerclé d’immeubles ? Faut-il encore déformer le site maritime ? Le Liban compte sur le tourisme pour son redressement économique. Les photos du site de Tyr sont affichées sur toutes les pancartes, dans toutes les ambassades libanaises du monde. Est-il nécessaire aujourd’hui de mentir aux touristes ? Par ailleurs, quelles sont les garanties assurant que pareille situation ne se répétera pas à l’avenir, pour une autre confession ? Que faire alors ? Appliquer la loi et susciter des zizanies confessionnelles ou laisser faire, une fois de plus ? Si la loi sur les antiquités ne peut être appliquée sur un site aussi prestigieux que celui de Tyr, et dont la préservation a exigé le lancement d’une campagne internationale par l’Unesco, quel est l’avenir des autres monuments archéologiques de ce pays dont l’histoire a été tant chantée par les poètes ? Joanne FARCHAKH
Une fois de plus, l’État affiche son impuissance face aux autorités religieuses. La loi sur les antiquités est en effet à nouveau bafouée par l’édification d’un nouveau bâtiment, une école religieuse chiite, qui se construit à Tyr dans le périmètre de protection du site archéologique. Une zone classée non-edificandi par deux décrets présidentiels, le premier datant...