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Actualités - REPORTAGES

Patrimoine - L'église Saint Louis des capucins en est à sa troisième restauration Toute une vie dans la ville (photos)

C’est l’histoire d’une église, une «maison du Bon Dieu» où chacun trouve asile et apporte sa pierre. Elle en est actuellement à sa troisième restauration et l’équipe d’ingénieurs et d’architectes qui s’occupe bénévolement des travaux de Saint-Louis des capucins (Cabbouchié, pour les familiers) est tombée sous le charme de ce lieu. Tout comme la chanteuse Fayrouz qui a demandé d’elle-même à y animer la messe de Pâques 2000. Déjà en 1732, les pères capucins avaient érigé une chapelle – premier acte naturel d’un ordre missionnaire – à proximité de leur lieu de débarquement : quartier Assour, à Beyrouth, prés de l’actuel Capitole. Louis XV leur avait offert un tableau représentant saint Louis touché par la Grâce. C’était l’époque où des missions de toutes sortes affluaient sous nos latitudes : diplomatiques, archéologiques, médicales, techniques, mais aussi des commerçants, des fuyards, des aventuriers, des touristes un peu téméraires, souvent peintres ou poètes. Vers le milieu du XIXe siècle, il restait de tout ce beau monde une communauté de près de sept cents âmes de confession latine qui avaient choisi de s’implanter au Liban, auxquelles s’ajoutaient le personnel des ambassades et les autochtones déçus des querelles de clochers qui minaient les chrétiens de la région. Le besoin s’est donc fait sentir de construire une véritable église pour y accueillir les fidèles de plus en plus nombreux. Nous sommes en 1860. Le terrain est acheté à M. Laurella, consul d’Autriche (l’Autriche et les capucins... encore une histoire que raconte admirablement Joseph Roth). La nouvelle église est alors bâtie en partie à cheval sur les fortifications, à l’Ouest de la ville, près de la porte qui conserve encore son nom de Bab Edriss, là où les vagues, arrivant à l’époque jusqu’aux remparts, venaient écraser leur écume. Il fallut également l’intervention de l’ambassadeur de France auprès de la Sublime Porte pour obtenir le firman autorisant la construction de ce lieu de culte qui se voulait une cathédrale. Autorisation accordée «vu la petitesse de l’ancienne église, vu la pleine liberté dont jouissent les différents rites qui existent dans l’empire...». Depuis la bénédiction de la première pierre, le 2 août 1864, jusqu’aux travaux de restauration actuels, Saint-Louis des capucins connaîtra les sorts les plus divers et sa petite vie de grande église sera directement liée à celle de Beyrouth. Dès le début du siècle dernier, elle se retrouve, sans bouger, en plein cœur du centre-ville. Dessinés au départ par deux ingénieurs français, ses plans sont modifiés par les capucins architectes qui veillent à l’exécution du chantier (voir encadré). Un prêtre anonyme couvrira de fresques l’enduit blanc des murs qui n’était pas préparé à les recevoir. Longtemps, et au grand dam de certains, saint Louis et son dais de lys d’or sur fond d’azur trônera, d’abord en peinture puis en statue, au-dessus du maître-autel et même du crucifix. Un maître-autel tellement chargé, dans sa première mouture, qu’il fallait des heures au sacristain pour le préparer avant les offices. À l’extérieur, son architecture s’apparente à celle des églises de Toscane. Pour bien marquer son intégration à la ville, sa muraille accueille des échoppes qui disparaîtront lors de la restauration de 1952, en même temps que les fresques rongées par l’humidité. Soumises au hasard des révolutions, des guerres, des mobilistations et des armistices, les missions connaissent des passages à vide. Les Italiens prennent la relève des Français qui reviennent à leur tour. Mais la vie de l’église continue et on y célèbre en présence des personnalités les plus marquantes de la région les Te Deum des grands événements. Telle est donc la particularité de cette église : les plus humbles y côtoient les notables, les passants de toutes confessions s’y attardent, les malheureux, en vertu des œuvres innombrables des pères capucins, y trouvent toujours pain et gîte, les artistes, religieux ou laïcs y exercent leurs talents les plus divers, de la peinture au chant en passant par la musique – le plus grand orgue de la région animera les offices jusqu’à sa destruction par la guerre en 1976. Havre de paix et de piété dans le tumulte du siècle, la clarté recueillie de sa nef et la qualité exceptionnelle du silence qui y règne ne sont franchies ni par les cris des marchands ambulants ni par les mélopées des mendiants ni par les klaxons intempestifs des voitures bloquées dans les ruelles étroites qui l’entourent. Tant de souvenirs y sont attachés, en particulier pour les Beyrouthins, qu’il s’est toujours trouvé de bonnes volontés pour la faire revivre et entendre à nouveau retentir ses cloches. Il fallait cet aperçu historique pour expliquer la tâche du comité qui s’occupe actuellement de la restauration de Saint-Louis. Plus qu’un travail d’architecture, il s’agit d’un véritable exorcisme : retrouver les traces de l’œuvre originale, déceler les modifications apportées avec plus ou moins de bonheur d’abord lors de l’édification, par rapport au plan initial, puis lors de la première restauration des années 52 à 54, lorsqu’un enduit tracé de fausses briques avait remplacé les fresques détériorées par l’humidité. Enfin, en 1992, le CDR avait entrepris de tout décaper, et selon l’ingénieur en charge des travaux actuels, tout en étant agréable, l’atmosphère obtenue par la mise à nu de la pierre s’oppose à la tradition des églises d’Orient selon laquelle la matière brute doit être couverte d’un enduit pudique pour être digne de la maison de Dieu. Le décapage des plafonds a révélé l’existence de briques dans la voûte, ce qui explique l’aspect perforé de celle-ci. Certaines colonnes ont été dotées de circonférences bien plus larges que celles prévues dans les plans initiaux. Les fresques de l’abside, représentant sur fond d’or des anges portant les effets de saint Louis ont toujours été conservées et continueront à l’être. Aujourd’hui, le sol vient d’être remis à neuf. Un bel autel sobre, sculpté dans un même bloc de pierre vient d’être livré. Les travaux définitifs sont près d’être achevés, l’enduit ne sera repris qu’au plafond pour des raisons économiques, le clocher de 1930, malgré la présence des buildings alentour continuera à culminer parmi les plus hauts de Beyrouth. Les frais jusque-là assumés par des membres de la communauté latine de Beyrouth se montent jusqu’à présent à 400 000 dollars. S’il faut y ajouter des vitraux et un orgue aussi prestigieux que celui qui a fait les grandes heures de Saint-Louis, il faut compter 200 000 dollars supplémentaires. Avis ! pour que revive l’un des lieux les plus fédérateurs de la ville.
C’est l’histoire d’une église, une «maison du Bon Dieu» où chacun trouve asile et apporte sa pierre. Elle en est actuellement à sa troisième restauration et l’équipe d’ingénieurs et d’architectes qui s’occupe bénévolement des travaux de Saint-Louis des capucins (Cabbouchié, pour les familiers) est tombée sous le charme de ce lieu. Tout comme la chanteuse...