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Actualités - ANALYSE

Pouvoirs : Taëf à l'origine des fractures

Taëf, on ne le sait que trop, a institué un nouvel ordre politique arrachant en pratique le pouvoir aux uns… sans vraiment le donner aux autres ! D’où une boussole en folie et un état de déséquilibre permanent. Le rôle de balancier étant à l’occasion assumé par les décideurs. Entrant dans les détails, un ancien président de la République pointe le doigt sur l’article 55 C (Constitution) qui dit : «Le président peut, dans les cas prévus par les articles 65 et 67 C, demander au Conseil des ministres la dissolution de la Chambre avant l’expiration de la législature. Si le Conseil décide d’y souscrire, le président de la République promulgue le décret de dissolution. Auquel cas, les collèges électoraux sont réunis comme prévu à l’article 25 C et la nouvelle Chambre est convoquée dans les quinze jours qui suivent la proclamation des résultats de l’élection. Le bureau de la Chambre sortante continue à expédier les affaires courantes jusqu’à la date du scrutin. Si les élections ne sont pas organisées dans les délais prévus à l’article 25 C, l’acte de dissolution est considéré comme nul et non avenu et l’Assemblée en place continue à exercer ses prérogatives conformément aux dispositions de la Constitution». À première vue, il n’y a pas de quoi sursauter et ces dispositions ne paraissent avoir rien de spécial. En réalité, elles apportent un bouleversement fondamental. Car dans les Constitutions libanaises antérieures, dont on peut citer celle du 8 mai 1929, un droit direct de dissolution est octroyé au chef de l’État qui peut «par décret motivé pris sur avis conforme du Conseil des ministres renvoyer la Chambre des députés».Ce pouvoir pratiquement discrétionnaire se réduit dans la présente formule à un simple droit de requête, la décision appartenant au Conseil des ministres. De plus, la Constitution actuelle édicte, pour que l’Exécutif puisse sévir, des conditions sinon impossibles du moins hautement invraisemblables. Comme le refus de la Chambre de tenir séance pendant toute une session ordinaire, sans cas de force majeure, ou de répondre à deux convocations successives pour des sessions extraordinaires d’un mois au moins chacune. De même la Chambre peut être renvoyée si elle rejette le Budget «dans l’intention de paralyser l’action du gouvernement» ; ou encore si le gouvernement refuse une proposition de loi visant à amender la Constitution, votée en première lecture à la majorité des deux tiers et en deuxième passage à la majorité des trois quarts des membres de l’Assemblée. La marge très faible d’emprise de l’Exécutif sur le Législatif signifie que ce pouvoir jouit d’une solide immunité en cas de conflit et qu’il n’a plus à craindre d’être renvoyé à tout moment devant les électeurs. Soulagé de cette épée de Damoclès qui était jadis suspendue au-dessus de sa tête, le Parlement devient en pratique plus fort que le gouvernement. D’où le déséquilibre des pouvoirs, selon l’ancien chef de l’État cité. Qui exprime ensuite certaines craintes : la prochaine Chambre pourrait ne pas répondre aux vœux de changement du régime, ni représenter vraiment les différentes composantes politico-sociales du pays. Elle ne constituerait dès lors pas le creuset où le dialogue national doit s’opérer, ce rôle risquant d’être dévolu à la rue, ce qui mettrait en péril la coexistence. Dans une telle situation, le pouvoir se retrouverait bloqué, selon l’ancien chef de l’État, puisqu’il ne pourrait se débarrasser d’une Chambre qui serait un poids mort. Et de relever ensuite que «le nouvel ordre ne respecte même pas le rôle naturel d’arbitre du président de la République, gardien des institutions comme de la Constitution, puisqu’il n’est pas habilité à trancher un éventuel conflit entre le gouvernement et le Législatif. Alors même que le Parlement peut quand bon lui semble, à tort ou à raison, faire chuter le Cabinet». Il faut quand même relativiser sur ce point, car comme on l’a vu souvent, le verdict véritable en matière ministérielle est rendu par les décideurs. Et la Chambre, même entièrement montée contre le gouvernement, vote toujours la confiance quand ses tuteurs l’en prient aimablement. Toujours est-il que nombre de spécialistes conviennent avec l’ancien chef de l’État cité qu’il faut assouplir considérablement les conditions permettant à l’Exécutif de larguer le Législatif et d’organiser des élections anticipées, pour redonner du mordant aux gouvernants. Ces professionnels proposent notamment qu’on devrait pouvoir renvoyer les députés chez eux s’ils acceptent l’implantation ; s’ils votent la fusion avec un autre pays ; s’ils entérinent des dispositions bafouant la souveraineté ou l’indépendance ; s’ils insistent pour la concrétisation d’une loi refusée par le président de la République ; enfin, s’ils soutiennent une légalité contraire au pacte de coexistence. À dire vrai cependant et à y regarder de bien près, certains de ces rajouts sont logiques et d’autres pas du tout. Il est par exemple possible, quoique assez invraisemblable, que la Chambre décide de fouler aux pieds la Constitution en acceptant l’implantation ou la fusion. Mais il est surréaliste de l’imaginer chassée par «une légalité contraire à la coexistence» sous le motif qu’elle aurait accepté cette même «légalité». Quoi qu’il en soit, l’amendement de l’article 55 C est maintenant sur le tapis. Les loyalistes proches du régime tenteraient d’y travailler dans la prochaine Chambre. Pour une amélioration des équilibres entre les pouvoirs.
Taëf, on ne le sait que trop, a institué un nouvel ordre politique arrachant en pratique le pouvoir aux uns… sans vraiment le donner aux autres ! D’où une boussole en folie et un état de déséquilibre permanent. Le rôle de balancier étant à l’occasion assumé par les décideurs. Entrant dans les détails, un ancien président de la République pointe le doigt sur...