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Actualités - INTERVIEWS

P. Hélou : les chrétiens doivent impérativement montrer qu'ils existent, et voter

Pourquoi avoir choisi la liste Arslane plutôt que celle parrainée par Joumblatt ? «Il est difficile de me suspecter d’inimitié permanente ou viscérale avec les Joumblatt. J’étais fier de mon amitié avec feu Kamal bey, et longtemps j’ai été l’ami de Walid bey, qui a d’ailleurs souhaité me voir à la présidence de la République à la suite du décès du président Moawad, en 1989. En 1992, nous avons fait liste commune avec M. Joumblatt, liste sur laquelle figuraient Fouad el-Saad et Marwan Abou-Fadel. Ce qui s’est passé par la suite tient, si vous voulez, du caractère des relations qu’entretient M. Joumblatt avec le commun des mortels». Vous n’avez pas été sensible aux récents changements de ton de M. Joumblatt, et notamment par rapport aux chrétiens ? «En 1992, nous avons voulu que M. Joumblatt se charge du ministère des Déplacés. Mais nous n’avons pas tardé, dès 93/94, à nous apercevoir que le projet était exploité sur les plans politique et financier, notamment avec le pillage de la Caisse des déplacés. Le projet du retour des déplacés devait coûter 450 millions de dollars et M. Joumblatt avait réussi à ramener les huit villages du Harf avec 357 000 dollars. Maintenant, chaque village demande des millions. Pourquoi ? Parce que l’on a dilapidé l’argent et politisé le retour. Ça, c’est la faute de Walid Joumblatt. Et puis il y a, comme toujours, des considérations personnelles : en 94, j’ai été invité à déjeuner, en tant que président de la commission des Déplacés au Parlement, par des jeunes druzes de la Croix-Rouge, à Kabrchmoun. J’étais très heureux de pouvoir aider ces jeunes, et j’ai été au déjeuner sans intention politique aucune. Ce que j’y ai entendu de la bouche d’une espèce de malabar m’a carrément suffoqué : “Votre présence ici est indésirable, elle peut provoquer une échauffourée sanglante, cette région appartient au PSP”». Depuis nous avons rompu les ponts immédiatement». Votre alliance avec l’émir Arslane est-elle donc une alliance par défaut ? Vous êtes pro-Arslane ou anti-Joumblatt ? «Pas du tout. J’ai fréquenté autant les Joumblatt que les Arslane. Et je défie quiconque d’avoir décelé chez les Arslane ne serait-ce qu’une velléité qui aille contre la vie en commun druzo-chrétienne. Et pour moi, c’est extrêmement important». Et avec Fouad el-Saad, auquel vous vous étiez unis longtemps dans un même combat ? «Je garde mon amitié à Fouad el-Saad, et cela ne changera pas. Nous avons assez de souvenirs en commun et assez de savoir-vivre pour garder notre amitié, même si une bataille électorale nous sépare momentanément. Mon différend avec Fouad el-Saad a commencé lorsqu’il a souhaité une loi électorale unissant le Chouf et Aley, c’est-à-dire lorsqu’il a souscrit au projet de Walid Joumblatt visant à la création d’un émirat druze. J’étais contre ce projet parce que faire preuve d’allégeance à M. Joumblatt, ça non. Les déclarations de M. el-Saad le rapprochaient de Walid Joumblatt, tandis que les miennes m’en éloignaient». C’est donc uniquement M. Joumblatt qui vous sépare ? «Certainement. Moi il est hors de question que je travaille avec M. Joumblatt, je n’y arrive pas et je le regrette, parce que je pense que Walid bey est indispensable pour l’équilibre de la montagne. Il a sa place mais je ne souhaite pas qu’il prenne la nôtre». Deux mots sur l’actuel découpage électoral… «Il pâtit de deux défauts majeurs : Jezzine au Sud et Bécharré au Nord, elle est “bizarre” cette histoire de Bécharré... À Beyrouth, la division est excellente, elle réduit la mainmise financière de M. Hariri sur la ville. À la Békaa, tout le monde est satisfait, les chrétiens de Zahlé ont retrouvé leur place. Et ainsi de suite… Il n’y a pas de découpage idéal, cela n’existe pas. En ce qui concerne le Mont-Liban, il s’agit que les chrétiens votent. Les lois électorales peuvent être mauvaises, mais l’abstention est un suicide, nous n’avons pas le droit de ne pas être concernés, nous devons impérativement montrer que nous existons, même si, pour cela, nous utilisons les bulletins blancs». Et la réconciliation nationale ? Par quel biais pourrait-on enfin y arriver ? «Tout d’abord, cela tient à une participation massive des chrétiens à ces élections, et par la suite à la vie politique libanaise. Mais vous savez, pour se réconcilier, il faut commencer par être deux. Je ne jette pas la pierre aux chrétiens, loin de là, mais ce n’est pas en boudant ou en s’exilant que l’on résout quoi que ce soit. Nous allons vers un cataclysme, moi je veux lutter de l’intérieur. Taëf est une œuvre humaine avec tous les défauts qui y sont inhérents et nous pouvons modifier tout ce qui à l’usage se devrait de l’être. Et je pense qu’il n’y a rien de viscéralement antinomique entre les Libanais. Ce qui les unit aujourd’hui, malheureusement, c’est la crise socio-économique». Par rapport à la présence des soldats syriens au Liban, maintenant que la résolution 425 a été appliquée ? «Maintenant, c’est le problème de la paix que nous allons affronter, et notamment au Liban-Sud. Et une fois la paix régionale obtenue, il ne restera pas un soldat syrien sur le sol libanais». Et les rapports syro-libanais ? «Je suis entièrement pour leur redéfinition. Il y a déjà deux ans, Bachar voulait établir un courant de confiance entre les chrétiens et les dirigeants syriens. Il est indispensable d’établir un dialogue constructif. Il faut commencer par unir les chrétiens du Liban, qu’il n’y ait plus d’effritement, et ensuite tout ira très vite. La condition du retrait syrien, c’est la paix». La crise économique, enfin, comment pensez-vous pouvoir la réguler ? «J’accuse le régime précédent, nous avons vécu neuf ans de pillage, enfin ce n’était pas loin, vous vous rendez compte, 25 milliards de dollars de dettes… Il faut impérativement donner une crédibilité au prochain gouvernement, qui devra être politique, ensuite le plus dur sera à faire : redonner confiance aux capitaux qui ont fui le Liban, il faut créer des emplois». Comment vous qualifierez-vous, M. Hélou ? «Je préfère largement que ce soit les gens qui me qualifient…».
Pourquoi avoir choisi la liste Arslane plutôt que celle parrainée par Joumblatt ? «Il est difficile de me suspecter d’inimitié permanente ou viscérale avec les Joumblatt. J’étais fier de mon amitié avec feu Kamal bey, et longtemps j’ai été l’ami de Walid bey, qui a d’ailleurs souhaité me voir à la présidence de la République à la suite du décès du président Moawad, en...