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Actualités - OPINION

Hommages Edouard Stephan, visionnaire, pionnier

HOMMAGES Édouard Stephan, visionnaire, pionnier Par le professeur Élie CHECRALLAH J’ai connu Édouard Stephan alors que j’étais encore écolier. Ma tante souffrait, depuis déjà deux mois, d’une fièvre, sans diagnostic précis, et son état se dégradait de jour en jour. Sur recommandation d’un sien ami, mon oncle, désespéré, appela à son chevet le Dr Édouard Stephan. Le hasard fit que je me trouvais, avec ma mère, dans la chambre de ma tante, quand le Dr Stephan y entra pour l’examiner. Pendant qu’il l’interrogeait, je fus surpris de le voir lui prendre les mains et se mettre à presser le bout des phalanges, ce que n’avait jamais fait mon pédiatre, en m’examinant ! Ma tante lui révéla alors, sur le ton d’un détail inutilement mentionné, qu’à deux reprises déjà elle avait vu éclore des nodules douloureux, à l’endroit où il appuyait, mais qu’ils avaient disparu le lendemain. C’est des années plus tard, étudiant en médecine, que je compris la signification de son geste et comment il avait posé le diagnostic d’encocardite oslérienne. Il expliqua à mon oncle la gravité de la maladie autrefois mortelle, devenue susceptible de guérison. Ma tante guérit au bout de 3 mois et vit encore ; apprenant sa mort, elle me fit part de toute sa tristesse. Comme elle, des centaines de patients lui doivent la vie. Parlant de DieulaFoy, Marcel Proust écrivait : «Sa notoriété fut telle que s’abstenir de le consulter pour un malade grave était considéré comme un manquement à l’éthique médicale». Je peux en dire autant du Dr Stephan. Devant partir en voyage un jour, il me confia un de ses patients, à un stade terminal, qui ne tarda pas à décéder, pendant son absence. Et j’ai pu entendre sa fille dire : «Si le Dr Stephan avait été là, il ne serait pas mort! Peut-être est-ce vrai, tant il savait inspirer confiance à ses malades et leur donner la force de lutter». Sur le plan professionnel, il avait un sens clinique hors du commun. Je ne citerai, pour l’illustrer, que sa conception de l’insuffisance cardiaque. Discutant, une fois avec lui, de sa physiopathologie, il me dit qu’il était indispensable de ralentir le rythme pour espérer une amélioration, et que la digitale n’agissait que par cette action. Fort de cette conviction intuitive, il ajoutait, de façon presque systématique, au traitement de cette maladie, la réserpine, à cause de ses effets bradycardisants. Ancré dans ce concept, je pense qu’il fut le premier au monde à utiliser les bêtabloquants dans le traitement de l’insuffisance cardiaque, sitôt découverts. Aux sourires qui accompagnèrent la prescription de la réserpine, succédèrent, de la part de ses confrères, des critiques acerbes, pour son usage dans cette pathologie, des bêtabloquants, considéré alors comme rédhibitoire, à cause de leur inotropisme négatif. Quinze ans plus tard, commencèrent à paraître les premières publications, préconisant leur emploi dans l’insuffisance cardiaque. Certes, beaucoup de restrictions, d’ajustements ont été apportés pour cette thérapeutique, mais il n’en reste pas moins qu’Édouard Stephan fut un visionnaire et un pionnier dans ce domaine. À ses qualités de grand clinicien, d’excellent pédagogue qui a contribué à la formation de plusieurs générations de cardiologues, de professeur aux connaissances encyclopédiques, le Dr Stephan alliait une dignité, une bonté et une simplicité admirables. Insensible au faste, détaché de tout matérialisme, il a consacré une longue vie au soulagement de la souffrance et à la science médicale. Retraité, mais resté laborieux jusqu’à ses derniers jours, vieilli mais demeuré alerte, souffrant mais surmontant ses fatigues, il n’a eu de cesse de démontrer l’importance génétique dans les maladies cardiaques. La cardiologie libanaise perd en lui une grande figure qui fut, pendant des décennies, parmi les plus marquantes, les plus représentatives et les plus prestigieuses. Mais son souvenir persistera longtemps dans nos esprits.
HOMMAGES Édouard Stephan, visionnaire, pionnier Par le professeur Élie CHECRALLAH J’ai connu Édouard Stephan alors que j’étais encore écolier. Ma tante souffrait, depuis déjà deux mois, d’une fièvre, sans diagnostic précis, et son état se dégradait de jour en jour. Sur recommandation d’un sien ami, mon oncle, désespéré, appela à son chevet le Dr Édouard...