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Actualités - REPORTAGES

Partenariat Euromed - Une réunion d'experts pour dresser un bilan Des négociations suspendues depuis deux ans

Après le Maroc, la Tunisie, Israël... le Liban sera-t-il le prochain signataire d’un accord d’association avec l’Union européenne ? Beyrouth affirme qu’il s’agit d’un objectif prioritaire, pourtant, les pourparlers sont suspendus depuis deux ans. Les négociations entre le Liban et l’Union européenne pour la signature d’un partenariat euro-méditerranéen sont au point mort depuis deux ans. La visite, les 6 et 7 avril dernier, du commissaire européen aux relations extérieures, Chris Patten, a été l’occasion pour Beyrouth de réaffirmer son engagement dans le processus entamé en novembre 1995, à la suite de la conférence de Barcelone. Les discussions pourraient donc reprendre bientôt, le Liban ayant mis à profit ces deux dernières années pour consolider sa position. L’aide financière obtenue au cours de cette période, qui totalise 180 millions d’euros depuis 1996 permet en outre au gouvernement de présenter des avantages tangibles à une opinion publique surtout effrayée par les sacrifices qu’il faudra consentir. Côté européen, l’état d’avancement du processus est un critère essentiel pour déterminer le montant de l’aide qui sera allouée au Liban dans le cadre du programme Meda II, instrument financier du partenariat. C’est pourquoi Chris Patten a fait comprendre aux autorités libanaises qu’il était de leur intérêt de faire un nouveau pas. À l’initiative du gouvernement libanais, les deux parties sont donc convenues de préparer dans les prochains mois une réunion d’experts chargée de dresser un bilan du chemin parcouru, d’effectuer une sorte de mise au point des positions respectives, avant de reprendre officiellement les négociations, selon un calendrier éventuellement fixé par avance. L’enjeu est évidemment autrement plus important pour le Liban que pour l’Union européenne. D’un côté, il s’agit d’un bouleversement majeur dont les implications positives ou négatives seront de grande ampleur. De l’autre, l’orientation est certes stratégique, mais ses conséquences seront plus diffuses et ne seront en tout cas tangibles qu’au terme de l’engagement de tous les pays de la Méditerranée. Option stratégique Il n’existe pas encore d’étude globale sur l’impact de l’accord sur les économies des pays signataires. Le Maroc débute à peine une enquête de grande envergure dotée de deux millions d’euros. Le gouvernement libanais n’en est pas moins convaincu que ce partenariat avec l’Union européenne est un défi stratégique qu’il doit relever pour ancrer le pays dans le monde moderne, un monde d’économies ouvertes et compétitives. Les avantages attendus sont nombreux en matière de transferts de technologie, d’effet d’entraînement sur les investissements, etc. Mais il faut aussi se préparer à des problèmes à court terme qui apparaîtront certainement pendant la période de transition. Lorsque les négociations ont commencé en novembre 1995, le travail s’est engagé à plusieurs niveaux, explique Alia Moubayed, conseillère du ministre de l’Économie, du Commerce et de l’Industrie, Nasser Saïdi. Le premier consistait en un examen approfondi du texte lui-même. L’Union européenne a proposé à Beyrouth un texte standard pour l’accord. L’une des équipes a alors entrepris de l’adapter aux spécificités de l’économie libanaise puis de le comparer, article par article, avec les accords déjà conclus avec l’Égypte, la Tunisie, le Maroc et Israël. Cet inventaire a notamment permis de demander que les volets scientifique et technologique soient aussi développés qu’avec Israël. Le deuxième niveau d’analyse concerne l’étude des relations entre le Liban et l’Union européenne son principal fournisseur (45 à 50 % des importations proviennent de l’UE). L’objectif est notamment d’évaluer l’impact du démantèlement tarifaire sur les recettes fiscales de l’État, dans la perspective d’une intégration plus large au commerce international et en particulier de l’adhésion à l’Organisation mondiale du commerce. Le troisième niveau concerne les conséquences de l’ouverture des frontières sur la structure productive : quelles entreprises devront se reconvertir, lesquelles seront en mesure d’exporter vers l’UE, comment les aider... Réformes préalables Il est alors apparu à Beyrouth qu’il lui fallait entreprendre d’urgence des réformes structurelles, notamment fiscales, avant de s’engager davantage. Le ministre Saïdi a ainsi obtenu un soutien financier de l’Union européenne pour lancer un programme d’évaluation doté de 137 000 euros. Trois experts sont chargés d’étudier l’impact d’un accord éventuel sur les secteurs de l’industrie, de l’agriculture et des services, tandis qu’un quatrième tente de mettre au point un modèle économétrique pour évaluer ses conséquences sur les agrégats macroéconomiques. Cette première étude limitée devrait servir de base au développement des capacités du ministère de l’Économie à gérer et suivre le processus. Bruxelles assiste le Liban pour l’introduction d’une taxe sur la valeur ajoutée, seule en mesure de compenser la diminution des droits de douanes qui assurent 45 % des recettes budgétaires. Le succès de cette réforme est une condition essentielle pour l’augmentation de l’aide budgétaire directe de 50 millions d’euros fournie en avril dernier. Un plan de développement et de réorientation de l’industrie est également lancé, avec le soutien de la Banque européenne d’investissement. Il comporte deux composantes, un prêt de 30 millions d’euros de la BEI destiné aux petites et moyennes entreprises et un don de onze millions d’euros pour financer la première partie d’un programme de modernisation industrielle. Enfin, dans le cadre de l’aide à la réforme de l’administration libanaise, une enveloppe de 1,6 million d’euros sera bientôt consacrée à la création d’une unité économique et commerciale, responsable du pilotage des négociations bilatérales et multilatérales. «Forts de ces avancées concrètes, nous espérons le déblocage rapide des fonds promis, condition essentielle de la reprise des négociations», affirme Alia Moubayed. Désaccords La suspension des négociations, il y a deux ans n’était pas uniquement due aux besoins de réformes structurelles libanaises, elle résultait aussi de la persistance de points de désaccord concernant le contenu de l’accord. L’un d’entre eux portait sur le montant de l’aide financière réclamée par le Liban qui s’estime défavorisé par les règles d’allocation de l’Union européenne. Ces critères reposent sur le degré d’évolution des réformes dans le pays, sur la taille de la population, le montant du PIB par habitant. Or le Liban est une économie bien plus ouverte que celle des autres candidats, sa population est relativement petite et son revenu par habitant relativement élevé. Ce qui ne diminue en rien ses besoins, immenses à la suite de la guerre dévastatrice et du retrait des forces d’occupation israéliennes, fait valoir le ministre Nasser Saïdi. Les motifs de l’interruption correspondent aussi à des divergences sur la question agricole. Le Liban souligne que son agriculture est en piteux état et qu’une ouverture des frontières aux marchandises européennes subventionnées lui serait fatale. Il souhaite donc, en compensation, un accès préférentiel au marché unique européen, d’autant que le volume concerné est minime. La réponse de Bruxelles aurait été négative, la question agricole étant hautement sensible au sein de l’Union européenne. Les deux parties divergeaient aussi sur la question des règles d’origine et de leur cumul régional, celles qui permettent de certifier qu’un bien a été produit au Liban et constituent donc la base de toute mesure. L’Union européenne voulait considérer comme libanais tout produit comportant 60 % de valeur ajoutée libanaise. Or le Liban et les pays arabes appliquent entre eux la règle des 40 % pour encourager la coopération industrielle régionale. En fixant la barre plus haut, l’accord de partenariat aurait un impact négatif sur les échanges entre les pays du sud, estime Beyrouth. Les négociateurs libanais ont enfin demandé à bénéficier des mêmes facilités accordées aux travailleurs tunisiens ou marocains, comme le rapatriement des pensions pour accident du travail et autres bénéfices de la sécurité sociale. Au moment de l’interruption des discussions Bruxelles aurait manifesté son opposition à ce point, il semble qu’elle ait depuis modifié sa position, à condition que le Liban accepte en échange de rapatrier toute personne entrée illégalement dans l’Union après un passage au pays des Cèdres. Beyrouth serait opposé à cette condition.
Après le Maroc, la Tunisie, Israël... le Liban sera-t-il le prochain signataire d’un accord d’association avec l’Union européenne ? Beyrouth affirme qu’il s’agit d’un objectif prioritaire, pourtant, les pourparlers sont suspendus depuis deux ans. Les négociations entre le Liban et l’Union européenne pour la signature d’un partenariat euro-méditerranéen sont au point mort...