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Actualités - BIOGRAPHIE

LIRE EN FRANÇAIS ET EN MUSIQUE - Rencontre avec l’auteur du roman « Le lys et le flamboyant » Henri Lopes : Je suis un Sans Identité Fixe

Invité du Salon du livre 2000, l’ancien Premier ministre du Congo, Henri Lopes, n’a voulu parler que de son expérience littéraire, et surtout de métissage et d’identités, thèmes de son dernier roman «Le lys et le flamboyant» (Éd. Seuil, 1997). Car, pour lui, la politique n’a pas été un choix, «mais j’ai quand même vite pris du recul par rapport à elle. L’essentiel est l’écriture». «Je ne suis pas un Africain typique. Mon nom, ma couleur de peau n’indiquent pas que je suis Congolais. Et à une époque où on met beaucoup en valeur les identités – quelquefois d’ailleurs au péril d’un certain nombre de valeurs – j’ai l’habitude de dire que je n’ai pas une identité, mais des identités. Je me considère comme un SIF, sans identité fixe». C’est ainsi que se présente Henri Lopes, qui se reconnaît trois identités. La première est originelle ; elle le rattache à ses ancêtres les Bantous. «C’est une identité que j’assume, que je n’ai pas choisie mais dont je suis fier, et qu’il a fallu redécouvrir. Car quand on a été colonisé, on est toujours à la recherche de son identité», dit-il. Mais s’il en restait simplement à son identité originelle, il pourrait sombrer dans la xénophobie. «C’est pourquoi j’ai besoin de “mes ancêtres les Gaulois” –au sens large, de toutes les races, de toutes les nationalités, de toutes les langues –, que j’ai rejetés pendant un moment. C’est là mon identité internationale». Enfin, sa troisième identité est son identité personnelle. «Parce que je pense que je ne peux être un écrivain que dans la mesure où j’ai un ton particulier, un style particulier». Pour lui, le fait qu’il soit métisse le prédispose à beaucoup insister sur ces trois identités, qui sont «comme les trois cordes d’une guitare. Il faut en jouer des trois en même temps, en mettant davantage l’accent tantôt sur l’une, tantôt sur l’autre. Mais si l’une de ces trois cordes venait à se casser, la musique deviendrait disharmonieuse». Très jeune, Henri Lopes a eu des envies d’écrire. Lors de ses premières amours, il écrit des poèmes «qui n’étaient pas très beaux, affirme-t-il dans un sourire. Mais c’est surtout la rencontre du mouvement de la négritude – cette littérature qui a sonné la trompette de l’identité africaine et noire et qui nous a donné le droit d’écrire – qui m’a ouvert les yeux et fait comprendre que j’appartenais à une communauté qui n’avait pas encore écrit, dont les paysages et personnages ne se trouvaient pas dans la littérature et qu’il fallait leur donner une place». En même temps, plus il lisait ces auteurs qui ont été ses maîtres, plus il se rendait compte que par rapport à ce qu’il était lui-même, il y avait quelque chose qui n’avait pas été dit. «Je crois que l’écrivain est amené à écrire lorsqu’il sent qu’il lui manque encore quelque chose. C’est l’apport qu’il prétend apporter, le côté où il manque de modestie. Et quelque modeste qu’on veuille être, il y a un moment où il faut avoir une espèce de toupet, une espèce de foi en soi pour pouvoir écrire, et créer de manière générale». De la poésie au roman Après un petit tour du côté de la poésie, dans sa jeunesse, Henri Lopes s’arrête et passe à la nouvelle. «J’ai trouvé que la poésie était un genre noble et que je n’avais plus le droit d’écrire en poésie que dans la mesure où j’étais sûr que ce que je voulais dire ne pouvait pas se dire autrement». Mais pensant que la nouvelle était plus simple, il s’aperçoit que «c’est comme la miniature. Il faut avoir de bons yeux, des doigts qui ne tremblent pas». Finalement, il passe au roman, «qui correspond le mieux à mon souffle». Le roman l’attire également pour une autre raison. «Étant gamin, j’aimais rêvasser, et lorsque je jouais avec mes camarades, c’était toujours dans des mondes imaginaires, explique-t-il. Mais j’aimais aussi jouer seul, parce que je me créais mes propres mondes, dont j’étais le seul maître, le seul à en tirer les ficelles. Et pour moi, le roman, c’est un peu cela. Le romancier est un prophète, qui clame une certaine vision du monde en solitaire. Il se propose d’amener les autres à lui. Il est en même temps dieu, dans la mesure où il crée un monde peut-être pas à son image, mais à l’image de ce qu’il voudrait que le monde soit, ou que le monde entende». Les auteurs qu’il préfère sont, «pour l’inspiration, Rainer Maria Rilke. Et pourtant, je ne connais bien de lui qu’une seule œuvre, Lettres à un jeune poète. Pour le reste, je suis très attaché à Flaubert». Et dans les contemporains, il cite Marguerite Duras, Le Clézio «et Modiano, qui est bien plus jeune que moi, mais que je considère comme un mentor. Sa force est qu’il sait créer des atmosphères, précise-t-il. À la fin d’une journée, lorsque vous ouvrez un roman, souvent vous n’avez plus assez d’énergie pour vous concentrer. Pour Modiano, même si vous êtes épuisé, vous ne pouvez pas vous arrêter». La langue française n’a jamais eu autant de chance qu’aujourd’hui, pense-t-il. «C’est la première fois qu’il y a 200 millions de personnes qui parlent le français. Et je crois que nous, les Africains, – et les Libanais aussi – sommes extrêmement actifs, non pas simplement parce que nous parlons français, mais parce que nous écrivons en français». Il aime à comparer la littérature à un jardin aux multiples fleurs. «Dans le jardin de la littérature française, il y a des fleurs qui n’existaient pas, et nous apportons un certain nombre de couleurs et de parfums, qui sont nouveaux», ajoute-t-il. Est-il optimiste pour la littérature francophone ? «Oui, parce que je crois que même si elles ne sont pas toujours de qualité, les littératures qui viennent des autres pays que la France apportent des vents nouveaux, qui sont nécessaires. Elles dépoussièrent un peu une littérature qui, avec tout le respect et l’amour que j’ai pour la littérature française, a quand même tendance à être un peu nombriliste». Natacha SIKIAS
Invité du Salon du livre 2000, l’ancien Premier ministre du Congo, Henri Lopes, n’a voulu parler que de son expérience littéraire, et surtout de métissage et d’identités, thèmes de son dernier roman «Le lys et le flamboyant» (Éd. Seuil, 1997). Car, pour lui, la politique n’a pas été un choix, «mais j’ai quand même vite pris du recul par rapport à elle....