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Actualités - CONFERENCES ET SEMINAIRES

CONFÉRENCE - Il a présenté son ouvrage au Salon Lire en français et en musique Bertrand Badie : La souveraineté, une fiction ?

Face à la mondialisation galopante et à la vague internationale d’ingérence dans les affaires internes des pays, la souveraineté n’est-elle plus qu’un concept fictif ? Bertrand Badie, professeur de science politique à l’Institut d’études politiques de Paris, et auteur d’un ouvrage au titre éloquent Un monde sans souveraineté, s’est penché sur ce thème dans le cadre d’une conférence donnée au Salon Lire en français et en musique. Une approche contemporaine pour un sujet qui passionne les Libanais, lancés justement dans une longue reconquête de leur indépendance. La nomination du Pr Ghassan Salamé au portefeuille de la Culture n’a pas fait que des heureux. Le Pr Bertrand Badie fait partie de ceux qu’elle dérange, puisqu’il a dû en quelques jours lui trouver un remplaçant à l’Institut d’études politiques de Paris où les deux hommes donnent des cours. Mais cela ne l’empêche pas d’être très heureux pour son confrère devenu ministre. La parenthèse anecdotique fermée, le Pr Badie explique devant une assistance particulièrement attentive l’évolution du concept de la souveraineté. Celle-ci est apparue pour la première fois au XIVe siècle lorsque le roi de France Philippe Le Bel «s’est proclamé empereur dans son royaume». Il s’agissait donc d’abord d’une revendication, d’un désir d’émancipation. Au XVIe siècle, Jean Bodin définit la souveraineté comme un phénomène institutionnel, pour protéger du désordre et de l’ingérence. Naît ainsi le droit de la souveraineté au lieu du droit à cette même souveraineté. Et comme chaque fois qu’il y a pouvoir, il y a résistance à ce pouvoir et la souveraineté allie finalement prétention et limites. Sa prétention est d’être absolue, mais elle est limitée par les engagements internationaux et par l’obligation de protéger les biens communs à l’humanité. C’est pourquoi la tendance actuelle est de la considérer comme un principe fictif. De nombreux facteurs confirment cette tendance. D’abord, la prolifération des États. Deux cents sont aujourd’hui membres des Nations unies, mais n’ayant pas tous la même puissance, le vote des plus faibles est un vote dépendant. D’autre part, en abolissant les distances, la mondialisation crée un monde de la communication immédiate et, en se déterritorialisant, celle-ci échappe au contrôle des États. L’interdépendance est le troisième facteur affaiblissant la souveraineté des pays. Aujourd’hui, une politique publique dépend avant tout des choix du voisin et toute décision interne doit tenir compte d’impératifs régionaux. Quatrième facteur, la résurrection des spécificités locales par réaction à la crainte d’une perte de l’identité nationale et enfin, dernier facteur, la dissociation entre le bien public et le bien souverain. Résultat, si la souveraineté revendicative reste éternelle en tant qu’aspiration des pays à la liberté, la souveraineté institutionnelle est de plus en plus bousculée. Une politique de responsabilité Selon M. Badie, on peut de moins en moins parler de souveraineté face à la vague actuelle d’ingérence dans les affaires des pays. C’est pourquoi la prise de conscience croissante de cette réalité devrait pousser les acteurs à compenser la politique de souveraineté par une politique de responsabilité, c’est-à-dire que les États devraient être conscients de leurs obligations envers l’humanité. «Dans un monde interdépendant, déclare M. Badie, il est utile qu’un pays s’occupe des affaires d’un autre. L’engouement de certaines diplomaties pour les droits de l’homme s’inscrit dans ce cadre, mais surtout répond aussi à une demande chez l’opinion publique». Le professeur reconnaît toutefois qu’en l’absence de juridiction pour contrôler les biens communs de l’humanité, ce sont les États les plus puissants qui font régner l’ordre selon leurs intérêts. C’est pourquoi, par exemple, la communauté internationale intervient au Kosovo et en Irak, mais non en Palestine. Toutefois, la confiscation de la souveraineté par la ruse est une source d’instabilité. Pour le professeur, le postsouverainisme est en train de se construire sur base de l’espace public international, qui met les États sous surveillance, grâce à l’opinion publique, aux médias et aux ONG. Même si aujourd’hui encore, un homme n’en vaut pas un autre, sa valeur dépendant de sa place géographique et de l’intérêt que son pays suscite chez les puissants, on se dirige peut-être vers une démocratisation des rapports, les médias faisant de tous les citoyens de la terre des témoins immédiats et donc peut-être plus tard des juges… Scarlett HADDAD
Face à la mondialisation galopante et à la vague internationale d’ingérence dans les affaires internes des pays, la souveraineté n’est-elle plus qu’un concept fictif ? Bertrand Badie, professeur de science politique à l’Institut d’études politiques de Paris, et auteur d’un ouvrage au titre éloquent Un monde sans souveraineté, s’est penché sur ce thème dans le...