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Actualités - REPORTAGES

Restauration - L’édifice religieux se prépare à accueillir le moine espagnol Escobar Les travaux de rénovation ont fait perdre son aspect historique au monastère de Saydet Hawqa

Très rares sont les monuments archéologiques dont l’architecture n’a pas subi de modifications. Et plus rares encore sont les édifices religieux qui ont gardé leur authenticité. Car, en général, ces lieux sont utilisés d’une façon continue et subissent alors de grandes modifications. Toutefois, un monument de la vallée de la Qadisha avait échappé à ce sort, il s’agit du monastère de Saydet Hawqa. «Les phases de construction sont claires, le monument n’a pas subi de nouvelles interventions depuis le XVIIe siècle, explique l’archéologue Pierre Abi Aoun. En effet, abandonné par les moines au cours du XVIIIe siècle, son architecture a été préservée, du moins jusqu’au mois dernier, date à laquelle les premiers travaux d’aménagement de ce site ont eu lieu. Propriété privée de l’ordre de Saint-Antoine gérée par le supérieur du couvent de Saint-Antoine de Kozhaya, le monastère centenaire de Saydet Hawqa est sujet depuis trois semaines à de grands travaux de rénovation. l’objectif de cette opération est de rendre ce monastère habitable pour le moine espagnol Escobar qui l’a choisi parmi tous les sites de la vallée pour en faire l’ermitage qui l’accueillera jusqu’à la fin de ses jours. «Le père a montré le désir de devenir ermite dans la vallée sainte faisant ressusciter de la sorte de vieilles traditions bien ancrées dans ces lieux, explique le père Youssef Tannous supérieur du monastère de Kozhaya, il fallait alors aménager le site pour qu’il puisse s’y installer», poursuit-il. Toutefois, cet aménagement a défiguré l’architecture du monument historique classé sur la liste du patrimoine national et mondial. Or la loi libanaise et les chartes internationales de restauration interdisent d’effectuer des modifications capitales à l’architecture de tout site classé pour prévenir toute altération de son histoire. Et pourtant c’est exactement ce qui vient d’avoir lieu. Tout à Saydet Hawqa a été modifié et en premier lieu le sentier qui y mène. Au cours du siècle passé, les orientalistes avaient décrit le monastère de Saydet Hawqa comme étant un site accessible uniquement aux oiseaux, car construit dans la falaise. Le sentier qui y mène était tortueux, glissant et difficile à emprunter. Aujourd’hui, le sentier est large, sûr et construit en pierres. «Il faut assurer la sécurité de l’ermite et des pèlerins qui viendront le voir», affirme le père Tannous. Mais dans le temps, c’est bien ce sentier difficile qui avait assuré la préservation du monastère. Toujours pour le confort des visiteurs, des toilettes ont été construites à l’extérieur du monastère dans un abri sous roche qui avait servi de tombes durant les siècles passés... Certes, la nouvelle construction se veut à l’ancienne dans l’objectif d’être en harmonie avec le site, mais elle détonne par le choix même des pierres. De plus, les eaux usées sont directement rejetées dans la vallée alors même que l’Association pour la sauvegarde de la Qadisha cherche auprès de l’État libanais et des banques étrangères des financements pour traiter les eaux usées des villages et mettre un terme à la pollution dans la vallée sainte. Il y a quelques années déjà, les habitants du village de Hawqa avaient entrepris la construction de ces installations sanitaires mais la Direction générale des antiquités les avait obligés à les démonter. Aujourd’hui, il semble que les autorités concernées tentent de sauver les lieux mais le clergé fait la sourde oreille. Car, en plus des toilettes, une dalle en béton a été aménagée à l’entrée du monastère et la porte centenaire du couvent a été démontée, débitée en morceaux qui sont devenus les étagères d’une armoire de l’édifice... «D’après la forme de la serrure, le pivot et la crapaudine, et par comparaison, il nous est possible de dire que cette porte a au moins trois cents ans, souligne l’archéologue Pierre Abi Aoun, elle faisait partie de l’histoire et de l’architecture de l’édifice, et la loi interdisait qu’on l’enlève, poursuit-il. Mais elle a été retirée car elle n’assurait pas la sécurité de l’ermite à l’intérieur du couvent. «Pour moi personnellement, l’homme est plus important que le monument. Assurer la sécurité de l’ermite est une priorité. La porte a été remplacée par une autre plus solide et elle est tellement vieille qu’on ne pouvait pas la restaurer», affirme le père Tannous. Le problème de Saydet Hawqa ne se limite pas la restauration d’un site ou au démontage d’une porte centenaire. Il s’agit en fait de respecter les lois de restauration et d’aménagement des sites historiques, ces lois qui subissent de plus en plus d’atteintes au pays des cèdres. En fait, les propriétaires privés se permettent de travailler sur les sites sans l’autorisation de la Direction générale des antiquités et sans prendre en considération ses directives. «Saydet Hawqa est un monument religieux avant qu’il soit archéologique. Et il faut lui restituer son identité première en le faisant revivre. Alors, si des aménagements sont nécessaires, il ne faut pas hésiter à les faire même s’ils ne suivent pas les données archéologiques», insiste le père Tannous. Toutefois, nul ne peut nier à un monument religieux son identité. Car, dans la mémoire collective, il reste un lieu saint et les prières se déroulent toujours dans ces lieux même en ruines. C’est la foi des gens qui maintient les lieux sacrés en vie et l’archéologie en respecte l’identité. Un principe bien spécifié dans les lois de sauvegarde et de conservation qui permettent toutefois l’utilisation d’un monument. Ainsi, au lieu de présenter Saydet Hawqa sur les pancartes comme étant un ermitage récent, le monastère aurait pu être signalé comme le premier séminaire ecclésiastique du Moyen-Orient, sa véritable particularité qui fait son identité. L’histoire du Liban est forgée dans les religions et le nombre des édifices historiques religieux classés patrimoine national est particulièrement élevé. Or la plupart d’entre eux sont des propriétés privées. Si leurs gérants se mettent à les restaurer à leur convenance, on est en droit de s’interroger sur l’utilité des lois ?
Très rares sont les monuments archéologiques dont l’architecture n’a pas subi de modifications. Et plus rares encore sont les édifices religieux qui ont gardé leur authenticité. Car, en général, ces lieux sont utilisés d’une façon continue et subissent alors de grandes modifications. Toutefois, un monument de la vallée de la Qadisha avait échappé à ce sort, il...