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Actualités - OPINION

L’essence d’une bataille

À quelques heures du congrès national pour la défense des libertés, un double hommage s’impose dans l’affaire de la MTV. À cette jeunesse, d’abord, qui est descendue dans la rue hier et samedi soir pour crier sa colère. Aux États-Unis et à la France, ensuite, pour leur soutien public et sans équivoques à ce qui constitue la raison d’être du Liban : le respect des traditions démocratiques. Certaines voix – qui sont le plus souvent télécommandées – se sont empressées de critiquer la position de Washington et de Paris concernant la portée que revêt la fermeture de la MTV, qualifiant cette position d’ingérence dans les affaires intérieures libanaises. Ces zélés de la République feignent-ils d’oublier que la sauvegarde des libertés publiques et individuelles constitue, à l’ère de la mondialisation, une valeur universelle qui transcende irrémédiablement les frontières nationales ? Mettre en garde contre les atteintes à cette valeur universelle, où qu’elles se produisent, est du devoir de tout pays démocratique et de tout homme libre. Comment expliquer, autrement, les élans de solidarité internationale qui se manifestent régulièrement dans le monde de la part des gouvernements, des organisations non gouvernementales, des intellectuels de tous bords et des simples citoyens, lorsque la dignité humaine et les libertés sont bafouées dans une quelconque région de la planète ? Ces responsables qui se montrent aussi pointilleux pour le respect de la souveraineté ont-ils jamais réagi pour voler au secours de l’indépendance libanaise et de l’autonomie de la décision nationale, régulièrement traînées dans la boue depuis plus d’une décennie ? Ignorent-ils, en outre, en ce qui concerne la position de la France, que le Liban est désormais lié à l’Union européenne par un accord stratégique de partenariat (euro-méditerranéen) dont l’un des principaux piliers est précisément le respect des droits de l’homme, et donc des libertés ? Paris n’aura fait que rappeler les engagements du Liban sur ce plan. L’attachement indéfectible à cette valeur universelle que constituent les libertés publiques est, au plan local, l’une des principales motivations qui poussent les étudiants et les jeunes Libanais à descendre dans la rue pour faire entendre leurs voix. Le week-end dernier, ils ont fait face à la brutalité injustifiable des forces de l’ordre alors que leur seul but était d’exprimer pacifiquement leur attachement à la liberté d’expression. Les dirigeants au pouvoir sont-ils dans l’incapacité d’apprécier à sa juste valeur l’engagement de cette jeunesse libanaise qui refuse de se laisser entraîner dans le désenchantement ou le désarroi et qui n’hésite pas à militer pour défendre une cause en laquelle elle croit ? Dans le cas de la MTV, le militantisme des jeunes est d’autant plus louable que l’enjeu aujourd’hui n’est plus seulement la sauvegarde des libertés publiques et l’édification d’un État de droit, mais, surtout, l’existence d’un « État » tout court. Car ce à quoi nous avons assisté ces derniers jours (et on ne le répétera jamais suffisamment) c’est l’exploitation pure et simple de l’appareil étatique, et plus précisément judiciaire, de la part de certains pôles du pouvoir pour se livrer à des règlements de comptes d’ordre politicien, familial et clanique. L’ensemble des forces politiques locales – toutes tendances et communautés confondues – est concerné par cette bataille. Compte tenu de l’importance d’un tel enjeu, des mesures d’escalade (pacifiques et non violentes) s’imposent. Pour défendre les libertés publiques face à la dérive milicienne du régime, sous la houlette des services, il est parfois nécessaire de croiser le fer. Et, surtout, d’éviter de tomber dans le piège de ceux qui tentent de retourner la situation en leur faveur en se posant hypocritement en défenseurs de la justice alors qu’ils ne se privent pas de manipuler la magistrature pour servir leurs petits intérêts. Ce sont ceux-là mêmes qui, en réalité, portent atteinte à la magistrature et non pas ceux qui mènent campagne pour mettre un terme à la politisation de la justice. Les développements des prochains jours seront cruciaux pour la tournure que prendra cette nouvelle bataille des libertés. Les personnalités et forces politiques qui participeront au congrès ce matin et qui ont appelé à la manifestation de demain ont la responsabilité, aujourd’hui plus que jamais, de sauver les spécificités du Liban. Et sa raison d’être. Michel TOUMA
À quelques heures du congrès national pour la défense des libertés, un double hommage s’impose dans l’affaire de la MTV. À cette jeunesse, d’abord, qui est descendue dans la rue hier et samedi soir pour crier sa colère. Aux États-Unis et à la France, ensuite, pour leur soutien public et sans équivoques à ce qui constitue la raison d’être du Liban : le respect des...