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Actualités - REPORTAGE

Femmes...Maha el-Khalil Chalabi, un combat incessant pour Tyr(PHOTO)

Fille de Kazem el-Khalil et fille de Tyr, Maha el-Khalil Chalabi a grandi avec dans le sang et dans l’âme un attachement viscéral pour cette terre, ce petit coin de paradis qui a vécu l’enfer, celui de la désolation. Pour lui, pour elle et les générations futures, elle se bat sans relâche depuis trente ans afin de lui redonner ses titres de noblesse et lui conserver son visage d’antan. out chez Maha al-Khalil Chalabi évoque la mer de sa tendre ville de Tyr, les portes, bleues, les murs, les tissus, les rideaux ouverts sur le grand bleu, on pourrait même retrouver ses parfums, les fenêtres fermées. Tout rappelle son attachement à chaque pierre, les meubles, les tableaux, les petits détails éparpillés dans sa demeure libanaise. Tout en elle respire enfin le beau, cette force tranquille qui révèle bien des combats et des déceptions. Elle avoue, d’emblée : « Je suis une personne dynamique et entreprenante ; je n’ai pas peur des grands projets. L’être humain n’obtient rien s’il n’a pas de grands rêves et de grands combats. » Cette femme au regard doux et ferme n’a pas peur des mots et ne les mâche pas, même si elle les enrobe d’une certaine amabilité de rigueur. « J’ai l’apparence extérieure d’une femme douce et gentille. Mais je sais exactement ce que je veux et où je veux arriver. » On l’aura compris à son discours et surtout à son action menée depuis 1972 : Maha el-Khalil Chalabi ne craint pas les tempêtes – il ne faut pas oublier que la mer est sa complice – et qu’elle reste déterminée à sauver et sauvegarder Tyr, malgré toutes les difficultés qu’elle n’a cessé de rencontrer depuis le début de sa petite guerre. « Nous ne pouvons passer ce court laps de temps, la vie, sans mettre notre petit grain de sable au service de notre patrimoine. » Ce n’est guère la nostalgie, mais plus l’urgence de protéger ce patrimoine qui donne à Madame Chalabi des ailes. « J’ai grandi à Tyr, confie-t-elle, mon père nous a inculqués l’amour de notre ville natale. J’ai suivi de très près les excavations entreprises par l’émir Maurice Chéhab dès 1962 et je me sens encore plus attachée à cette ville en voyant l’énorme potentiel socioculturel et économique qu’elle renferme. » Les chemins du cœur Le discours de Maha el-Khalil Chalabi regorge de toutes les sensibilités qu’elle a développées tout au long de sa vie riche et enrichissante. Diplômée en sciences sociales et sciences politiques à l’USJ, elle aime l’art et la culture sous toutes leurs formes, peinture, piano, ballet, jusqu’à retrouver les auditoriums de fac en 1984 et présenter à l’École pratique des hautes études de la Sorbonne une thèse de troisième cycle intitulée « Rapports Occident/Orient, analysés à travers les voyageurs de Tyr du XVIe à la fin du XIXe siècle ». Voilà pour la théorie. Pour la pratique, la liste est longue, l’énergie insatiable et les motivations sont nombreuses. Elle est membre fondateur d’associations caritatives dont l’Œuvre de promotion des femmes dans les camps palestiniens et l’Association des dames du Liban-Sud. Femme de tête et femme de grand cœur, elle démarre son engagement pour Tyr en 1972 en créant le Festival international de Tyr. «J’ai alors arrêté mes activités caritatives pour m’y consacrer. Deux ans durant, j’ai travaillé à reconstituer les courses de chars romains pour en faire une tradition. » Le premier festival est prévu pour l’année fatidique de 1975. La guerre éclate, Maha el-Khalil Chalabi quitte le Liban pour Paris. « Je suis partie avec ma famille quand j’ai bien compris que nous allions vivre une période très longue de conflits. » Vingt-sept années d’exil, « 27 années de crimes, et le crime continue. Pourtant, je ne me considère pas du tout loin du pays ; j’ai deux résidences et deux bureaux qui fonctionnent en parallèle.» Son activité culturelle se transforme alors en combat qu’elle mène jusqu’à ce jour. Le 5 mai 1980, elle fonde l’Association internationale pour la sauvegarde de Tyr, accréditée comme ONG auprès de l’Unesco, qui reconnaît la nécessité de sauvegarder l’ensemble du site archéologique. L’organisation sera rejointe par le Parlement européen, le Sénat américain, la Ligue des États arabes, la Chambre des Lords et la Fédération mondiale des villes jumelées qui ont classé d’une même voix Tyr au rang de patrimoine universel, ce qui a permis de lancer une campagne internationale, à l’instar de celles de Venise ou d’Abou Simbel, comprenant un programme de développement culturel, artisanal et touristique. De plus, elle a créé une société, Artyr, qui offre à travers ses produits, meubles, art de la table une relance de l’artisanat phénicien. Nullement amère, ni impatiente, bien que, comme le dit si bien le proverbe libanais, « une main ne peut pas applaudir toute seule », Maha el-Khalil Chalabi se révolte, avec le sourire, mais ne désespère pas. « Au Liban, on ne me laisse pas faire ce que je veux. Le droit à l’action et à la contribution nous est bloqué, c’est ironique quand on pense que la première démocratie du monde est partie de Tyr ! » On ne peut qu’applaudir, des deux mains. Carla HENOUD
Fille de Kazem el-Khalil et fille de Tyr, Maha el-Khalil Chalabi a grandi avec dans le sang et dans l’âme un attachement viscéral pour cette terre, ce petit coin de paradis qui a vécu l’enfer, celui de la désolation. Pour lui, pour elle et les générations futures, elle se bat sans relâche depuis trente ans afin de lui redonner ses titres de noblesse et lui conserver son visage...