Rechercher
Rechercher

Actualités - CHRONOLOGIE

Presse - La Sûreté générale retarde la distribution d’« Asharq el-Awsat » pour la deuxième journée Le ministre de l’Information en tête des protestataires contre la censure des journaux(PHOTO)

La distribution du quotidien arabe Asharq el-Awsat, édité à Londres, a été retardée hier pour la deuxième journée consécutive, le journal ayant été soumis, sur décision de la Sûreté générale, à la censure pour avoir fait état d’une tentative d’assassinat du président de la République, le général Émile Lahoud, le 28 décembre 2001, au large de Monte-Carlo. L’information avait aussitôt été démentie par le palais de Baabda. Le numéro de jeudi n’a ainsi pu être distribué que dans l’après-midi et celui d’hier n’était toujours pas disponible dans les kiosques en début de matinée. La décision de soumettre le quotidien à capitaux séoudiens à la censure préalable a par ailleurs fait l’objet de critiques de la part de plusieurs figures politiques et de plusieurs associations de la société civile. «Nous refusons catégoriquement qu’un journal détenant une licence délivrée au Liban soit soumis à une censure préalable et nous appelons à sa levée», a déclaré hier le ministre de l’Information, M. Ghazi Aridi, commentant l’affaire. «Le quotidien a commis une grosse erreur qui concerne le chef de l’État et en assume l’entière responsabilité, et il a en quelque sorte présenté ses excuses (...). Laissons la justice suivre son cours», a affirmé M. Aridi, qui s’est voulu rassurant après avoir reçu le président de l’Ordre de la presse, M. Mohammed Baalbaki, en présence du directeur du bureau d’Asharq el-Awsat à Beyrouth, M. Ibrahim Awad. «L’affaire est sur le point d’être résolue», a-t-il affirmé, appelant chacun des responsables à «assumer ses responsabilités». «Il s’agit d’un quotidien libanais, soumis à la loi libanaise sur les imprimés. Il convient par conséquent de résoudre la question conformément à cette loi», a poursuivi le ministre de l’Information. Puis, faisant allusion à la direction du journal, il a indiqué : «Ils assument la pleine responsabilité de ce qui s’est produit. Ils ont déjà présenté des excuses et ont avoué avoir commis une erreur, aveu qu’ils ont publié. Ils ont également fait état de leur volonté d’assumer leur tort, dans le cadre de leurs contacts avec les autorités. Devant moi, aujourd’hui, ils ont mis l’accent sur le fait qu’il ne sont pas au-dessus de la loi libanaise», a ajouté M. Aridi. Et de poursuivre : «Si ce qui s’est produit il y a deux jours est dirigé contre nous, ce n’est pas important. Il s’agit de quelque chose de grave à résoudre absolument, dans le cadre des dispositions légales». «Laissons la justice libanaise assumer ses responsabilités et appliquer la loi libanaise à ce quotidien», a-t-il souligné, rejetant catégoriquement le principe de la censure préalable et appelant à la levée des mesures de rétorsion prises par la Sûreté générale contre le quotidien, «qui possède une licence libanaise», a-t-il répété. «La censure n’a plus aucune portée avec l’avènement de l’Internet et des antennes satellites. Les informations sont désormais accessibles à tout le monde», a-t-il fait valoir, réitérant la nécessité d’appliquer la loi et souhaitant que cette question «soit réglée au plus vite». Il a enfin appelé les journalistes à «faire preuve d’un minimum de précision, d’objectivité et de respect pour les règles du métier (…)». S’exprimant par ailleurs à l’hôtel Monroe à Aïn el-Mreïssé, le ministre de l’Information est revenu sur l’affaire, estimant «qu’il ne doit y avoir au Liban ni pression sur les médias ou les libertés ni censure préalable», parce que «les principes de dialogue, de démocratie et de liberté sont à la base de l’existence du Liban». Réagissant à la décision de la Sûreté générale, le Parti socialiste progressiste s’est élevé contre ce qu’il a qualifié «d’atteinte à la liberté de la presse». «Ceci constitue un préalable et risque d’avoir de graves répercussions sur les libertés publiques», a mis en garde le PSP, qui a par ailleurs déploré la publication d’une telle information, laquelle «porte atteinte à la réputation du Liban». Le secrétaire général du Parti national libéral (PNL), Élias Bou Assi, a de son côté estimé que le quotidien «avait assez porté préjudice à lui-même en publiant cette information». «Cela ne justifie cependant pas les mesures prises à l’encontre du journal, à moins qu’il ne s’agisse d’un bras de fer invisible entre deux parties», a-t-il ajouté, déplorant toute atteinte aux libertés publiques. Le secrétaire général du Renouveau démocratique, Bassem Jisr, a quant à lui estimé que l’information «n’avait pas été publiée de mauvaise foi» et que l’affaire devait être réglée «devant les tribunaux». «La loi interdit toute censure sur la presse», a-t-il souligné, commentant les mesures prises à l’encontre du quotidien. Les précisions de l’avocat Pour sa part, l’avocat d’Asharq el-Awsat, M. Ibrahim Kanaan, a lui aussi réclamé hier la levée des mesures de rétorsion, affirmant que «l’information à la base de la sanction avait été publiée de bonne foi et que le journal avait publié une rectification, des excuses et le démenti du palais présidentiel. On ne corrige pas une erreur par une erreur». «De toute façon, selon le décret législatif 104/77, c’est au Conseil des ministres, sur proposition du ministre de l’Information, de soumettre un quotidien à la censure préalable», a-t-il souligné, s’étonnant que la décision ait été prise par la Sûreté générale. Concernant les opinions selon lesquelles l’information serait de mauvaise foi, M. Kanaan a affirmé que ce n’était pas le cas et qu’il revient aux tribunaux de trancher. «Il s’agit d’une question juridique, pas sécuritaire», a-t-il précisé. L’association Reporters sans frontières a pour sa part protesté dans une lettre adressée au chef de l’État contre la censure préalable imposée au quotidien arabe. «Nous nous inquiétons particulièrement de cette mesure, qui nous semble indiquer la volonté de la Sûreté générale d’étendre son contrôle sur la presse», a déclaré Robert Ménard, secrétaire général de l’organisation. Le président de la Fondation des droits de l’homme et du droit humanitaire (FDHDH), Waël Kheir, a estimé que la censure allait à l’encontre des principes de jus cogens, parmi lesquels figure la liberté d’expression. «Si l’information est de mauvaise foi, l’affaire doit aller devant les tribunaux. Il n’est possible en aucun cas de prendre des mesures exceptionnelles à l’encontre d’un seul média», a-t-il ajouté. L’association pour la défense des droits de l’homme, Nouveaux droits de l’homme (NDH-Liban), a affirmé, dans un communiqué, que «la censure, sous toutes ses formes, est considérée comme une violation de la liberté d’expression telle que définie par l’article 19 de la Déclaration universelle des droits de l’homme et garantie par la Constitution libanaise». «Les autorités libanaises ne peuvent réagir aux dérapages potentiels de la presse qu’à travers les mesures juridiques, conformément à la législation libanaise et aux engagements internationaux du Liban, signataire du pacte international relatif aux droits civils et politiques», a poursuivi l’association. «L’indifférence des autorités vis-à-vis des violations des droits de l’homme a un impact certain sur la réputation du Liban, laquelle ne s’améliorera que si les responsables des violations sont jugés par les juridictions compétentes», a-t-elle conclu. Enfin, M. Ghassan Moukheiber, président de l’Association pour la défense des droits et des libertés (ADDL), s’est dit «choqué» par la décision d’instaurer une censure préalable à l’encontre du quotidien arabe, estimant qu’il s’agit là d’une «illégalité absolue».
La distribution du quotidien arabe Asharq el-Awsat, édité à Londres, a été retardée hier pour la deuxième journée consécutive, le journal ayant été soumis, sur décision de la Sûreté générale, à la censure pour avoir fait état d’une tentative d’assassinat du président de la République, le général Émile Lahoud, le 28 décembre 2001, au large de Monte-Carlo....