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Actualités - INTERVIEWS

Entretien - Le chef du gouvernement exclut toute situation conflictuelle avec les États-Unis Hariri : « La structure économique du pays est en place. Nous sommes prêts à démarrer »

Le chef du gouvernement affiche un optimisme à toute épreuve en ce début d’année. Sur le plan économique surtout. De ses propos, il ressort que 2002 sera de loin meilleure que l’année qui vient de s’écouler parce qu’elle verra la concrétisation des mesures décidées pour doper. Des mesures que son équipe s’est attelée à préparer tout au long de l’année dernière et qui doivent normalement commencer en 2002 aussi à donner leurs fruits. Sur le plan politique, M. Hariri est moins loquace. Il ne veut surtout pas parler de ses divergences avec le chef du Parlement, Nabih Berry. Il préfère axer son discours sur la cohésion interne qui permettra, selon lui, au Liban de tenir, face aux nombreux défis qu’il est amené à relever. «Je ne veux pas m’engager dans une polémique» (avec le président de la Chambre), insiste-t-il à deux reprises, au cours d’une interview accordée à un groupe restreint de journalistes, dont la représentante de L’Orient-Le Jour. Avec la même fermeté, il met l’accent sur le fait que le Liban ne laissera personne le placer dans une situation conflictuelle avec les États-Unis, en évoquant le dossier du Hezbollah, tout en soulignant la solidité des rapports entre Beyrouth et Washington et en réaffirmant la position de l’État par rapport à la formation chiite. Le chef du gouvernement juge inutile de dresser le bilan de l’année qui vient de s’écouler. Et pour cause : «Les Libanais ont suivi de près tout ce qui s’est passé». Il semble, en revanche, placer ses espoirs en 2002. Rassurant, il minimise l’importance de la divergence de vues libano-américaine au sujet du Hezbollah et ne pense pas qu’elle se répercutera négativement sur la situation, économique notamment. «Le gouvernement a déjà fait connaître son point de vue sur le Hezbollah, qui est un parti résistant opérant dans le pays. À ma connaissance, aucun État n’a formulé d’objections à ce que le Hezbollah ait un rôle politique et social. Idem pour la résistance : Il est évident qu’aucun pays ne s’oppose non plus au rôle du Hezbollah en tant que formation résistante (opérant) à l’intérieur du pays (…). C’est ce qui intéresse le Liban. Tout ce qui est hors de ce cadre ne le concerne pas, surtout que rien ne confirme que (le Hezbollah) ait entrepris une action ne s’inscrivant pas dans le prolongement de son action de résistance, toujours à l’intérieur du pays», déclare M. Hariri. Qu’en est-il des pressions internationales exercées sur le Liban ? Les craintes émises à ce sujet sont de plus en plus nombreuses. «Le débat autour de l’action du Hezbollah et la position des États-Unis par rapport à cette formation n’ont rien de nouveau, dit le Premier ministre. Ce qui intéresse les Libanais, c’est qu’ils soient rassurés sur leur avenir, sutout après les événements qui ont suivi le 11 septembre. Nous savons parfaitement qu’après cette date, l’évaluation américaine des faits a radicalement changé. Cela nous contraint et contraint les Arabes à prendre position et à juger les faits en prenant en considération les développements qui se sont produits aux États-Unis, puis dans le monde, en raison de leurs répercussions sur la région. Les Arabes et l’islam rejettent le terrorisme et le dénoncent mais Israël a malheureusement réussi à coller aux Arabes et aux musulmans l’étiquette de terroristes, les obligeant à adopter une attitude de défense. Nous nous devons, par les actes et par les paroles, montrer à l’échelle internationale, sur le double plan politique et diplomatique, ce que nous sommes vraiment. Le Liban a, plus que d’autres, la capacité d’entreprendre cette mission». S’il parle des répercussions du 11 septembre sur le pays, c’est principalement pour expliquer que le Liban, à ses yeux, a les moyens de leur faire face : «En adoptant une politique sage et en faisant preuve de cohésion interne, nous sommes capables de surmonter toutes les difficultés qui pourraient être appelées à surgir. Celles que nous affrontons pour le moment sont principalement d’ordre économique et politique. Et nous sommes aussi soumis à des pressions internationales». Le bien-fondé des mesures économiques Sur le plan économique, M. Hariri souligne le bien-fondé des orientations du gouvernement, en insistant sur le fait que le Liban a catégoriquement refusé de suivre les conseils de ceux qui lui proposaient d’adopter une politique similaire à celle qui a débouché sur les émeutes en Argentine et sur la dévaluation de la monnaie nationale en Turquie. «Nous avons été souvent critiqués à cause de notre plan politique et certains individus, certains États et institutions nous ont conseillés de prendre des dispositions différentes de celles pour lesquelles nous avons opté. Tout récemment, on nous a demandé pourquoi nous n’adoptons pas le modèle (économique) argentin et notre réponse a été qu’il est erroné et qu’il est générateur de troubles. Nous nous attendions aux émeutes mais pas de sitôt». Il est catégorique au sujet de la livre libanaise : pour lui, une dévaluation est «absolument hors de question parce qu’elle nuit à l’économie». «Une dévaluation équivaut à prendre l’argent du peuple pour réduire la dette publique. En ce faisant, on perdra le facteur confiance, qui est primordial en Orient et qu’il n’est pas possible de rétablir facilement», juge-t-il. M. Hariri rappelle les orientations économiques du gouvernement, en mettant l’accent sur la réduction de la dette publique, qui va être rendue possible à partir de cette année grâce au projet de privatisation. L’année dernière a servi à préparer ce projet. «Nous devions prendre tout notre temps. Nous ne pouvions pas brûler les étapes pour éviter tout problème qui naîtrait de la précipitation». Ce sont les télécommunications, dont la téléphonie mobile, l’électricité et l’eau qui seront confiés cette année au secteur privé. «Parallèlement, nous essayons de réduire les dépenses de l’État à tous les niveaux. Nous avons besoin de la coopération de tous». «Il y a aussi Paris II, enchaîne-t-il. Les préparatifs de cette réunion (de soutien au Liban) vont bon train et nous espérons qu’elle se tiendra dans les mois à venir». Pour lui, les craintes des Libanais concernant l’avenir économique du pays sont infondées. «Le Liban est passé par des périodes beaucoup plus difficiles et il a réussi à les surmonter», dit-il, avant d’énumérer les pays également secoués par une crise économique et d’insister sur le fait que la situation commence à s’améliorer. M. Hariri, qui s’étend longuement sur les avantages que le Liban tirera de la signature du projet d’association libano-européenne, insiste sur la croissance enregistrée en 2001. «Elle était négative et elle est devenue positive. Mais même si la différence est minime, elle reste significative, parce qu’il est extrêmement difficile pour un pays de passer d’un marasme à un début de croissance. Nous nous attendons à ce que 2002 soit meilleure que 2001 sur ce même plan». D’autant, ajoute-t-il, que les lois, établies pour encourager les investissements et développer le tourisme et l’industrie, sont également prêtes à être exécutées. «La structure économique du pays est en place. Nous sommes disposés à démarrer. Je pense qu’il est inévitable d’adhérer à toutes les mesures proposées par le gouvernement. Que ceux qui s’y opposent s’expriment devant l’opinion publique et assument la responsabilité de toute entrave». Est-il possible que la tenue de Paris II soit affectée par la position des États-Unis vis-à-vis du Hezbollah ? «Pas du tout. Nos relations avec les Américains sont bonnes et amicales et non pas conflictuelles. Un dialogue est engagé avec eux au sujet de certaines questions. Nous n’accepterons pas d’être mis dans une situation conflictuelle avec les États-Unis. C’est ce qu’Israël veut. Nous avons notre point de vue concernant certains aspects de la politique américaine, mais nous ne sommes pas dans une situation de confrontation avec Washington». Place à la politique locale : À chaque fois qu’un petit problème se pose, il met en évidence la fragilité de la situation politique interne. Cela est nettement apparu à la suite des propos du chef du Parlement dans sa dernière conférence de presse. La mine du chef du gouvernement s’assombrit : «Je ne suis pas d’accord avec vous, dit-il. Je ne tiens absolument pas à m’engager dans cette polémique. Mais je dois vous dire que le système politique a prouvé qu’il est souple et solide. Que les Libanais se rassurent». Pour lui, la situation en 2002 sera également meilleure sur le plan politique. «Un an et demi après les législatives, la machine étatique a commencé à mieux fonctionner. De nombreux problèmes en suspens ont été réglés». Sans davantage de précisions. Il évoque lui-même les nominations, sans parler de son différend avec M. Berry à ce sujet, mais pour dire que «plus on s’éloigne des institutions, plus on croise des problèmes et plus on s’en rappoche et plus on les respecte, plus le règlement de ces problèmes devient facile». Si M. Hariri se montre franchement rassurant sur les perspectives économiques de 2002, «qui s’annoncent d’ores et déjà positives» – «le nombre des passagers de la MEA venant des pays arabes a augmenté en décembre de 25 % et de 15 % à partir de l’Europe, au moment où le tourisme chutait dans le monde», note-t-il – il se garde de se perdre en conjectures sur l’évolution de la situation régionale. «Nul ne peut prédire quoi que ce soit à ce niveau». «Ce qui est sûr, c’est que le Liban et la Syrie sont contre le terrorisme et sont disposées à coopérer avec la communauté internationale pour le combattre», renchérit-il. M. Hariri assure aussi, en réponse à une question, que le sommet francophone se tiendra comme prévu cette année au Liban. Il ne pense pas non plus que le sommet arabe qui aura lieu en mars à Beyrouth sera ajourné. Mais M. Berry pense qu’il serait préférable qu’il le soit... Et pour la deuxième fois, il répond sans attendre la suite de la question : «Je ne veux pas m’engager dans ce débat». Ce qu’on voulait lui dire c’est qu’il semble que Damas ne soit pas favorable à la tenue de ce sommet, de peur que des pays arabes ne s’alignent sur la position américaine relative au Hezbollah. «Je n’ai rien appris à ce sujet, bien que les contacts soient permanents avec la Syrie». « Je ne crains pas pour les libertés » Prié de dire s’il est satisfait de l’état des libertés publiques au Liban, il répond sans hésitation : «Oui. Je ne crains pas pour les libertés et je suis prêt à les défendre, sans réserves». M. Hariri note toutefois l’existence d’abus «commis par moments» et déplore qu’on puisse donner l’impression que les libertés sont étouffées ou que la justice est inexistante. «Certains veulement effectivement que les gens s’habituent à l’idée selon laquelle les libertés sont bafouées. Et lorsqu’on en parle sous le seul angle des abus, c’est qu’on est en train de faire leur jeu, ce qui n’est pas permis. Les libertés sont sacrées au Liban et si des abus sont commis, nous les éliminerons. Nous insistons sur ce point. Une même erreur peut se répéter mais nous devons continuellement la mettre en relief et insister dessus pour qu’elle ne se répète plus». La seule question à laquelle il ne répondra pas, à part bien sûr sa brouille avec M. Berry, se rapporte aux taxes douanières. À partir de quand et dans quelles mesures seront-elles abolies progressivement, après l’institution de la TVA, en février prochain ? Tilda ABOU RIZK
Le chef du gouvernement affiche un optimisme à toute épreuve en ce début d’année. Sur le plan économique surtout. De ses propos, il ressort que 2002 sera de loin meilleure que l’année qui vient de s’écouler parce qu’elle verra la concrétisation des mesures décidées pour doper. Des mesures que son équipe s’est attelée à préparer tout au long de l’année...