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Actualités - REPORTAGES

CAMPAGNE ANTITABAC - Une intervention riche en informations du Dr Coussa Koniski à Ninar - « Que cache la cigarette ? » - un homme averti en vaut deux...

Il est fascinant de constater qu’on n’en sait jamais assez sur la cigarette. Avec toutes les conférences et les programmes organisés sur ce thème, on se croirait muni de toutes les informations nécessaires. Mais non… on se surprend sans cesse à découvrir de nouvelles données. C’est ainsi qu’une conférence donnée par le Dr Marie-Louise Coussa Koniski à l’espace culturel libanais Ninar a constitué une mine d’informations aussi utiles que passionnantes. Mais la nouveauté ne résidait pas simplement dans les informations partagées avec le public. C’est l’approche adoptée par cette pneumologue, spécialiste des maladies respiratoires et des maladies du sommeil à l’hôpital Rizk, qui attirait particulièrement l’attention. En effet, aucun ton moralisateur ou volonté de faire peur dans les paroles du Dr Koniski, pourtant bien placée pour juger des méfaits du tabac sur la santé. Intitulée de manière significative «Que cache la cigarette ?», son intervention était principalement axée sur des faits qui portent sur la composition de la chose elle-même, ainsi que des chiffres et des sondages sur les fumeurs. Citant des statistiques, la conférencière fait remarquer d’emblée que «la grande majorité des adultes et des jeunes ne savent pas ce qu’est la cigarette». «Or, poursuit-elle, le consommateur a le droit d’être bien informé sur ce qu’il consomme, et de faire ensuite son libre choix». La première partie de la conférence du Dr Koniski est plutôt descriptive. Elle s’attarde sur la nicotine, substance contenue dans les feuilles de tabac, qui mène à une accoutumance aussi sûrement que l’héroïne ou la cocaïne, et qui procure un sentiment d’euphorie et de relaxation lorsqu’elle libère une matière appelée dopamine, associée à un sentiment de plaisir. Contrairement à la nicotine, d’autres substances toxiques comme le monoxyde de carbone (CO) n’existent pas dans le tabac, mais sont dégagées par l’action de la combustion. Ces substances sont souvent les plus cancérigènes. Ce sont donc les effets de bien-être que recherche le fumeur, et qui sont d’autant plus puissants que la nicotine arrive plus rapidement au cerveau. Celle-ci n’a en effet pas besoin de plus de sept secondes pour atteindre le système nerveux central. En deux minutes, le niveau de nicotine dont le fumeur a besoin est obtenu, sans oublier toutefois que ce taux varie d’une personne à l’autre. Ainsi, si ce taux de nicotine lui est assuré, le fumeur fume moins. Par contre, s’il en est privé pour un certain laps de temps, il procède par compensation : soit il consomme davantage de cigarettes, soit il modifie sa façon de fumer, inhalant plus profondément. «Contrairement à ce que l’on pensait, les effets de la nicotine sur l’organisme apparaissent très tôt chez le nouveau fumeur», précise le Dr Koniski. L’accoutumance se révèle donc autant un phénomène psychique (rechercher le plaisir), que physique (comme en témoignent les symptômes désagréables de manque que ressent le fumeur repenti). Le problème, c’est que les ennuis dus à la cigarette n’apparaissent que bien plus tard, dans un délai de 14 à 30 ans… Un filtre bouché ne vaut plus rien Mais pour savoir ce qu’est la cigarette, il faut examiner sa structure, et c’est exactement ce qu’a fait le Dr Koniski devant son auditoire : la cigarette est enroulée dans un papier poreux, rempli de feuilles de tabac hachées menu. Le boudin de tabac est terminé en principe par un filtre (il faut noter ici que 80 % des cigarettes aux États-Unis et en Europe sont filtrées, un taux bien supérieur que dans les pays en développement). Le meilleur filtre est composé de charbon actif et absorbe une bonne partie de la fumée (30 à 40 %), tout en retenant et condensant les particules et les gaz toxiques. Il ne filtre cependant pas beaucoup la nicotine et le CO. Les filtres sont généralement dotés de petits trous qui les rendent plus efficaces. Or, selon la spécialiste, les fumeurs ont la fâcheuse habitude (par inadvertance certainement) de boucher ces «trous» par leurs lèvres ou leurs doigts, ce qui sature le filtre et le rend inefficace. C’est ainsi qu’elle détruit le mythe des cigarettes dites «légères» : contrairement aux idées reçues, celles-ci contiennent autant de tabac que les «normales», alors qu’il n’existe pas de tabac «léger» en soi. La différence se situe donc au niveau du filtre. Or des études montrent que 58 % des fumeurs de «légères» bloquent partiellement le filtre et 19 % complètement, ce qui signifie que 80 % de ceux-là fument pratiquement des «normales». De plus, pour compenser la réduction de nicotine, ils inhalent davantage les autres substances irritantes. Et peu d’entre eux sont conscients de ces faits, croyant que fumer des «légères» leur évite des risques. Que se passe-t-il quand on fume ? La fumée est un aérosol complexe puisqu’elle contient dix milliards de particules par millilitre ! Ces particules ont une caractéristique dangereuse : elles sont de très petite dimension, voilà pourquoi elles restent plus longtemps dans l’air, constituant l’un des facteurs principaux de la pollution atmosphérique. Voilà pourquoi, également, elles pénètrent plus profondément dans le poumon sans rencontrer de résistance… Il faut préciser que l’effet de la fumée sur le corps ne se limite pas aux poumons, mais s’étend à tous les autres organes. La température de la fumée est un autre facteur de taille : au bout de la cigarette, elle atteint les 800 à 850 degrés Celsius. Elle est certes diminuée de manière significative lorsqu’elle traverse le filtre et toute la longueur de la cigarette, bien qu’un grand nombre de personnes accroissent le risque lorsqu’elles fument toute leur cigarette. D’autre part, le Dr Koniski fait remarquer que la cigarette comporte plus de 6 000 composantes dont 65 seulement ont été étudiées ! On ne sait pas clairement aujourd’hui quelle est l’action de ces substances lors de la combustion. Certaines sont cancérigènes, d’autres irritantes, comme le benzène ou le cyanure, contribuant à l’augmentation de la fréquence des maladies respiratoires. Toutefois, selon les nouvelles législations, les matières les plus toxiques devraient être marquées sur la boîte ainsi que leur taux d’utilisation dans le produit. Courants primaire, secondaire et tertiaire Le Dr Koniski divise la fumée qui se dégage d’une cigarette en courants primaire, secondaire et tertiaire. Le courant primaire est celui qui a passé par toute la longueur de la cigarette, et par le filtre, avant d’être inhalé par le fumeur. Le courant secondaire consiste dans la fumée qui se dégage du bout de la cigarette sans avoir été filtré, particulièrement nocif pour les fumeurs passifs. Quant au courant tertiaire, ce sont les souffles rejetés par le fumeur lui-même après l’inhalation. «Mais au moins, dans ce cas, le fumeur aura eu la décence de les avoir filtrés avant de les faire ressortir», souligne-t-elle, non sans humour. «Ce sont les moins dangereux». Ce qui est nettement plus dangereux, par contre, c’est le tabagisme passif. Le courant secondaire, à lui seul, peut véhiculer jusqu’à cent fois plus de matières toxiques que la fumée filtrée ! Or il peut affecter un nombre de personnes dans l’entourage du fumeur ! «La cigarette met en moyenne dix minutes à se consumer, alors que la tabagisme actif représente environ 20 à 30 secondes de ce temps, le reste se transformant en courants secondaires», explique le Dr Koniski. Selon elle, «les effets nocifs du tabagisme passif sur la santé ne font plus de doute». Les enfants de parents fumeurs sont les premières victimes, ainsi que les personnes travaillant dans un lieu enfumé. Pour les enfants, on a recensé une augmentation de l’ordre de 70 % des maladies respiratoires, de 50 % des otites à répétition et une récurrence des attaques d’asthme (plus difficiles à cerner). Les femmes enceintes exposées au tabac peuvent voir le développement intra-utérin de leur bébé ralenti. Les parents fumeurs doublent les chances de mort subite du nourrisson. Par ailleurs, les risques d’accidents coronariens et de cancer des poumons sont plus élevés chez les fumeurs passifs que chez les sujets non exposés. Les femmes plus vulnérables que les hommes Le Dr Koniski déplore toutefois que, malgré la progression dans la fabrication de cigarettes, les méthodes de mesure des produits (dans un but de contrôle) n’aient pas évolué depuis 1967, et qu’elles ne correspondent pas à la réalité du fumeur. En effet, chaque personne inhale le tabac à sa façon, et selon ses besoins en nicotine. Les compagnies, selon elle, profitent de cela pour coller des labels à leurs paquets qui ne correspondent à aucune réalité, et donnent l’impression au fumeur d’aspirer moins de produits toxiques qu’il ne le fait en vérité. Les études sur le tabagisme passif ont certainement contribué à l’adoption d’un certain nombre de mesures comme l’interdiction de fumer dans les endroits publics, ou les explications plus détaillées sur les paquets. «Mais la route reste longue», souligne le Dr Koniski. Elle rappelle que cette industrie, qui est aux mains de cinq grandes compagnies mondiales, représente un chiffre d’affaires de 400 milliards de dollars par an. Elles n’hésitent donc pas à défendre leurs intérêts comme elles peuvent et, quand elles perdent des parts de marché dans les pays développés où des législations plus strictes sont appliquées, elles se tournent vers les pays en développement. Leurs cibles de choix : les jeunes et les femmes, qu’elles attirent en véhiculant une certaine image du fumeur, de la liberté, de la séduction. Or les expériences ont prouvé que les femmes sont physiquement plus vulnérables aux effets nocifs de la fumée que les hommes… «Des études démontrent que 83 % des fumeurs regrettent d’avoir commencé à fumer, révèle la pneumologue. Mais les industries de tabac ne vont pas les lâcher aussi facilement. Elles ajoutent des suppléments à leur produit pour le rendre plus attirant et augmenter le phénomène d’accoutumance. 600 de ces suppléments sont aujourd’hui permis par la loi, alors qu’on n’a aucune idée de ce qu’ils deviennent à la combustion». Certaines de ces substances sont destinées à masquer l’odeur, d’autres le goût âpre, d’autres encore dilatent les poumons pour que la fumée y pénètre plus profondément… «Or ces particularités ne sont jamais mentionnées sur la boîte, soutient le Dr Koniski. On est presque arrivé à créer un tabac génétiquement modifié qui contient doublement de la nicotine !». En conclusion, pour une meilleure prévention contre le tabac, rien de tel que la connaissance car «un homme averti en vaut deux». Et, surtout, agir sur les jeunes car, comme le montrent les chiffres du Dr Koniski, la plupart des fumeurs découvrent la cigarette très tôt, avant 18 ans (40 % de fumeurs dans cette catégorie au Liban).
Il est fascinant de constater qu’on n’en sait jamais assez sur la cigarette. Avec toutes les conférences et les programmes organisés sur ce thème, on se croirait muni de toutes les informations nécessaires. Mais non… on se surprend sans cesse à découvrir de nouvelles données. C’est ainsi qu’une conférence donnée par le Dr Marie-Louise Coussa Koniski à l’espace...