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Actualités - CHRONOLOGIES

L’ébullition dans les camps préoccupe le pouvoir

C’est un fait, inscrit en rouge dans l’agenda de l’histoire : en deux mots dimanche, par son serment devant l’Éternel, Ben Laden a pris figure dans l’ensemble du monde arabe et islamique de héros. Controversé sans doute, contesté par bien des emblèmes politiques ou religieux écoutés, mais populaire. Extrêmement populaire. Chez les Palestiniens encore plus que chez les Pakistanais. À tel point qu’aussitôt après son discours, le peuple palestinien opprimé, uni comme un roc depuis le déclenchement de son intifada il y a un an, s’est retrouvé divisé. Et même aux bords d’une guerre civile, la masse n’étant visiblement pas d’accord avec la ligne pro-américaine d’Arafat. Dont la finesse, l’habileté de vieux renard ne peuvent pas, dans un contexte aussi chargé émotionnellement, être bien comprises de la rue. L’on a vu de la sorte plusieurs cadres de son propre mouvement, le Fateh, proclamer leur désaccord avec lui. Et se rallier avec éclat à l’étendard du milliardaire séoudien autoproclamé nouveau Saladdin du monde arabe. Ainsi, Mounir Makdah, leader du Fateh à Ayn el-Héloué, cette fois dissident pour de bon, s’est lancé devant les caméras des télés locales dans une diatribe benladinienne d’une violence extrême. En circuit fermé, ses hommes ont organisé une manifestation incendiaire à l’intérieur du camp. Mobilisant les femmes et les enfants, peinturlurés comme des Apaches sur le sentier de guerre et qui titubaient sous le poids des Kalachs qu’on leur faisait porter. Mais au-delà de l’aspect spectacle folklorique, plutôt inoffensif et défoulatoire si l’on peut dire, ce soulèvement constitue un indice certain de mobilisation à plein. Ce qui ne laisse pas de préoccuper les autorités libanaises. Qui n’oublient pas qu’il y a deux ans, sous le règne du bon M. Hoss, les réfugiés avaient manifesté des velléités de s’exfiltrer des camps pour tenter des opérations contre les Israéliens en Galilée. Ils s’étaient alors fait rappeler à l’ordre par le chef du gouvernement, avec le concours évident des décideurs. L’envie d’agir a donc toujours existé, et cela est tout à fait compréhensible, pour les reclus palestiniens installés au Sud. Elle est aujourd’hui plus forte que jamais. Et dans le climat passionnel suscité par les frappes américaines en Afghanistan, cette pulsion peut devenir irrésistible. Or d’éventuels débordements ne peuvent pas faire l’affaire du Liban ni, a priori, de la Syrie. Du moins au stade actuel, marqué par l’attente des résultats de la bataille engagée par M. Bush. C’est pourquoi, il a été décidé, d’un commun accord, de placer sans tarder les camps dans un régime de quartier de haute surveillance. Et de faire plus particulièrement attention à Esbat el-Ansar, ce groupe d’extrémistes islamistes dirigé par Abou Mahjane qui reste classé par les Américains comme formation terroriste liée à al-Qaëda de Ben Laden. Le mouvement d’Abou Mahjane, on le sait, animait les cellules activistes de Dennyé liquidées l’an dernier par l’armée libanaise, qui y a perdu 15 hommes. Alors la même sempiternelle question se pose derechef : pourquoi le Liban, comme tous les autres pays d’accueil, ne prend-il pas le contrôle des camps palestiniens ? «Parce que notre situation, et la leur, est tout à fait différente, répond un cadre sécuritaire. Nul n’ignore que ce pays est composite, qu’il a subi les affres d’une guerre domestique de 15 ans déclenchée au départ à cause de la présence palestinienne. Pour investir les camps, il faut passer outre à un statu quo de consensus implicite entre plusieurs parties régionales et internationales. En clair : il y a, en cas de coup de force, danger de scissions intérieures, surtout dans cette période marquée par l’intifada comme par la tension avec les États-Unis. Et il y a danger de provoquer le net rejet tout à la fois des Syriens et des Palestiniens, qui sont en train de se rapprocher les uns des autres». Il convient d’ajouter sans doute à ces considérations que, comme la bande frontalière du Sud où l’on n’envoie pas l’armée afin d’y maintenir un front semi-ouvert, les camps palestiniens sont considérés par les décideurs comme une carte de pression sur Israël. Quoi qu’il en soit, ce même cadre certifie que «l’essentiel reste assuré. C’est-à-dire que nous tenons les camps à l’œil. Nous avons installé un dispositif de contrôle des accès si sévère, en le doublant d’une surveillance des communications radio, qu’il n’y a pas de débordements à craindre». Et de promettre qu’à la première occasion, «nous veillerons à mettre la main au collet des repris de justice réfugiés dans les camps». Par la négociation politique sans doute. Il reste que, selon un pôle influent, «la situation actuelle est dangereuse. Un incident isolé s’est produit à Tripoli où des enflammés ont fait flamber des pneus à proximité d’une église, dans une tentative de provoquer des remous confessionnels. Il faut étouffer dans l’œuf toute velléité des fanatiques et des agents stipendiés de dresser les communautés les unes contre les autres, ou les Libanais contre les Palestiniens. Les mesures prises par le ministre de l’Intérieur, M. Élias Murr, sont bonnes. Mais les dispositions sécuritaires ne suffisent pas». Que faut-il alors ? «Tout simplement, répond cette personnalité, une cellule de crise, un comité gouvernemental groupant le président du Conseil, les ministres de l’Intérieur, des Affaires étrangères, des Finances, de la Défense et de la Justice et, au besoin, d’autres ministres. Pour traiter le dossier dans son ensemble et conduire une politique réfléchie protégeant le pays des retombées extérieures». Et des menaces de voir la haine religieuse que prêche Ben Laden se propager sur la scène locale.
C’est un fait, inscrit en rouge dans l’agenda de l’histoire : en deux mots dimanche, par son serment devant l’Éternel, Ben Laden a pris figure dans l’ensemble du monde arabe et islamique de héros. Controversé sans doute, contesté par bien des emblèmes politiques ou religieux écoutés, mais populaire. Extrêmement populaire. Chez les Palestiniens encore plus que chez les...