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Actualités - OPINIONS

IMPRESSION - Automne

Septembre, sa mer étale, ses mouettes qui volent bas, un rien d’acier dans le bleu du ciel. Comme toujours, les vacanciers vident les plages imperceptiblement et remplissent les papeteries ; désertent les villégiatures et retrouvent les quartiers urbains de l’hiver. Derniers jours de montagne. La montagne continuera sans nous pour un temps. Déjà l’humus est plus gras et colle aux pas comme pour mieux les retenir. Il exsude des senteurs d’aquarelle, brindilles sèches des pinèdes et pics jaunis des peupliers. Le soleil, plus oblique, accentue les reliefs. Ce mamelon rose au crépuscule, de quel tumulte hercynien a-t-il surgi tout à coup ? La lumière vous a de ces artifices. On croit qu’elle révèle, mais elle voile à son gré. Voici que tombent les brumes attendues. Et qu’elle nous enveloppent, et que, marchant, nous avons l’air d’errer, fantômes sans contours, esprits. L’automne rend spirituel. C’est l’autre nom de la nostalgie. Dans les effluves rousses, ceux qui ne partiront pas cherchent leur bois. Les fagots serviront au charbon. Sous nos latitudes, les belles flambées sont rares et les cheminées une coquetterie récente. Ici, on se réchauffe aux braises des braseros. Comme d’habitude, les irréductibles aux visages de pierre ne quitteront pas leur seuil avant la première tempête. Ils formeront de leurs mains raidies une voûte au-dessus des cendres rougeoyantes où monte le café et craquent les premières châtaignes. Ils ne parleront pas, ou alors par borborygmes, expressions de pensées qui passent. Ainsi va leur vie. Dans la communauté du brasero, tout le monde sait ce que sait tout le monde. Rien à dire. Tout à l’heure, on verra les premiers oiseaux déserter la montagne. Ils formeront une première nuée avant la bruine et reprendront à rebours le chemin des citadins. Premiers jours en ville. Les maisons alanguies dorment encore sur les dernières chaleurs. Certaines ont abrité les amours secrètes d’amants en mal de nid. Elles ne diront rien. Forcément, on trouvera sur une table le dernier journal du mois de juin, quelques post-it, et comme tout cela vous paraîtra déjà loin. Bientôt on attaquera les armoires et il y aura le sac «à jeter», le sac «à donner» et le sac «on ne sait jamais» qui finira par rejoindre l’un des deux autres. On commencera avec détermination. On se prendra des pauses émues, quelques remords ou quelques regrets. On passera avec tout ça une éponge de détergent sur le passé. Puis on ira, en cas de progéniture, aux fournitures scolaires. Des rames entières de pages blanches vous rappelleront celles que vous avez tournées. Et tous ces stylos ergonomiques pour, après le bac, passer au clavier. Une idée, comme ça : jusqu’à quand se servira-t-on d’un stylo-plume ? On les voit d’ici, les stylos-plume, dans le sac «on-ne-sait-jamais». C’est fou comme de trier les objets cumulés vous donne des idées claires. Ça ne veut rien dire, cette date du 1er janvier qui tombe sur un butoir factice. Au premier janvier, rien ne s’arrête, rien ne commence. Ni les ans, ni les siècles, ni les millénaires. Et finalement, rien comme la douleur de septembre ne pousse la charrue du temps.
Septembre, sa mer étale, ses mouettes qui volent bas, un rien d’acier dans le bleu du ciel. Comme toujours, les vacanciers vident les plages imperceptiblement et remplissent les papeteries ; désertent les villégiatures et retrouvent les quartiers urbains de l’hiver. Derniers jours de montagne. La montagne continuera sans nous pour un temps. Déjà l’humus est plus gras et...