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Actualités - OPINIONS

Tout dépend du bon vouloir des dirigeants - Test décisif pour la loi vitale des équilibres

Comme le rappelle un mentor écouté, le Liban fonde son existence même sur la loi des équilibres. Une triple équation qui concerne les communautés, les régions et les pouvoirs. Dès lors, tous les dérivés doivent se fondre au sein d’une règle corollaire évidente : le consensus. Ce qui signifie tout simplement que les décisions doivent être prises à la suite d’un processus permanent, bien huilé, de concertations. Sans que nul ne tente jamais de faire cavalier seul. Pour ne pas déstabiliser la balance, provoquer des crises, désunir le pays et mettre en péril le principe de coexistence. Ce sont des bases élémentaires tellement simples que l’on a souvent tendance à les oublier. Même quand on a directement participé à leur mise en forme. Ce fut de la sorte le cas pour le premier président de l’indépendance. Tant que cheikh Béchara el-Khoury avait maintenu un fort lien de coopération avec le Premier ministre Riad el-Solh, le pouvoir, fort de sa cohésion, avait pu facilement faire face aux difficultés rencontrées comme à la contestation naissante. Mais après la disparition de Riad Bey, le régime avait suivi une pente descendante vers le népotisme et les abus. Le frère du président, surnommé le Sultan Sélim, s’était mis en tête de s’immiscer dans toutes les affaires de l’État, politiques, sécuritaires ou judiciaires. La tentation de la reconduction – déjà – avait porté le régime à falsifier les élections du 25 mai 1947. Il avait pu de la sorte se doter d’une majorité parlementaire de 55 voix et décrocher la timbale rêvée. Mais c’était une victoire à la Pyrrhus. Car par leur force populaire les opposants, qui n’étaient qu’au nombre de 7, ont réussi en 1952 à renverser le président, par une révolution blanche. La période suivante, rappelle cette personnalité, avait été marquée par une solide stabilité politique qui avait permis une prospérité sans précédent. Mais le président Camille Chamoun, sans doute lui aussi tenté par la reconduction quoique sans l’avouer, avait commis la même erreur que son prédécesseur. En écartant, lors des élections de 1957, des figures nationales comme Kamal Joumblatt, Saëb Salam, Ahmed el-Assaad ou Abdallah Yafi. Au profit d’hommes de paille. La manœuvre avait débouché, un an plus tard, sur une deuxième révolution. Cependant, le régime avait pu résister jusqu’au bout. Notamment parce que Sami el-Solh, Premier ministre, avait refusé de le lâcher. Malgré l’impopularité que cela lui valait au niveau de sa rue. Et cela, afin de préserver contre vents et marées le principe de partenariat communautaire. Il y eut ensuite, poursuit le vétéran, l’époque Chehab, marquée par une parfaite osmose entre le président et son Premier ministre, Rachid Effendi Karamé. Ils avaient tenté ensemble de mettre sur pied un État des institutions. En créant notamment, pour surveiller l’administration, des organismes de contrôle comme le Conseil de la Fonction publique, le Conseil de discipline ou l’Inspection centrale. Mais après la tentative de putsch du PPS, les SR de l’armée avaient déboulé en force sur la scène politique. Et il y avait eu de longues années d’un pouvoir parallèle, appelé dualisme. D’où encore une fois des élections tronquées en 64. Suivies d’autres, mieux régulées, sous le président Charles Hélou en 68. Avec pratiquement le même résultat intérieur au bout du compte : un renversement effectif du système chehabiste Deuxième Bureau en place, au profit du centre représenté par le président Sleiman Frangié. Qui lui aussi n’a pas tardé à se mettre en désaccord avec le chef du gouvernement, Saëb Bey Salam. Qui voulait faire limoger le commandant en chef de l’armée, après l’opération israélienne de liquidation de cadres palestiniens à Beyrouth, le 10 avril 1973. Le cabinet a démissionné et dès lors la stabilité interne a été rompue. Jusqu’à la guerre de 1975. C’est que bien auparavant, dès 1967, un élément redoutable avait pris corps : l’émergence des Fedayine palestiniens dans le Arkoub. D’où des convulsions qui ont provoqué une déchirure profonde au niveau des franges libanaises, le pays se retrouvant sans gouvernement durant de longs mois. Jusqu’à la désastreuse convention du Caire. Qui, selon la personnalité citée, a constitué pour le Liban le début de la perte de sa souveraineté et de son indépendance. S’arrêtant sur cette période agitée, le mémorialiste signale un fait important, peu connu. À certain moment, la Syrie avait demandé à installer des positions stratégiques d’artillerie face à Israël dans la Békaa. Mais le président Hélou, en plein accord avec le gouvernement, avait refusé. Pour que le Liban ne se trouve pas entraîné dans une guerre avec Israël dont il ne pourrait pas supporter les conséquences. Cet exemple prouve que lorsque les Libanais, dirigeants en tête, s’entendent autour de l’intérêt bien compris de leur pays, et de sa primauté, ils peuvent surmonter toute difficulté. Ainsi, c’est grâce à l’harmonie au sein du pouvoir, sous le président Élias Sarkis, que l’État libanais en tant que tel a pu survivre, dans les conditions les plus épouvantables que l’on pût imaginer. Le chef de l’État ne cessait de répéter à son Premier ministre, Chafic Wazzan : «Nous irons du même pied, ensemble, jusqu’au bout». Et cette unité, pour symbolique qu’elle fût, a finalement permis au Liban officiel, c’est-à-dire au Liban tout court, de ne pas disparaître. Cette leçon, fondatrice et magistrale, sera-t-elle retenue par les responsables actuels ?
Comme le rappelle un mentor écouté, le Liban fonde son existence même sur la loi des équilibres. Une triple équation qui concerne les communautés, les régions et les pouvoirs. Dès lors, tous les dérivés doivent se fondre au sein d’une règle corollaire évidente : le consensus. Ce qui signifie tout simplement que les décisions doivent être prises à la suite d’un...