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Actualités - INTERVIEWS

Interview express - Le député de Saïda réclame une « rencontre nationale pour le dialogue » - Moustapha Saad : Les SR et l’État ont commis une erreur

Moustapha Saad n’aime pas les SR. Sa famille, et lui tout particulièrement, portent pour toujours les stigmates de leurs actes. Pourtant, le député de Saïda, s’il ne peut s’empêcher d’afficher son dégoût profond de la caste militaro-sécuritaire, garde un calme olympien en évoquant ce dossier. Moustapha Saad ne croit pas en un Liban «de coexistence», mais en un Liban à «l’existence normale», pluraliste, uni et pacifique. Pour lui, parler de «reprise du dialogue» est inadéquat, parce que «le dialogue n’a jamais cessé d’exister». Mais ces rafles dans les rangs du courant aouniste et des Forces libanaises (FL) ne portent-elles pas un coup au dialogue et à la réconciliation ? «Ça n’a rien à voir. Les SR et l’État ont mal agi. Les FL sont un parti dissous. Tout parti dissous va être poursuivi par l’État et ses SR. L’erreur se situe au niveau des moyens employés par l’État pour résoudre le problème, devant le Palais de justice, par exemple. Le ministre Murr a affirmé qu’il n’était pas responsable des SR en civil qui ont interpellé et brutalisé les jeunes lors de la manifestation. Il n’empêche que c’est au gouvernement d’assumer la responsabilité de ce qui s’est produit, qu’il ait été tenu au courant ou pas. C’est à lui d’ouvrir une enquête et de prendre des mesures pour sanctionner les parties concernées. «Ces événements se sont répercutés négativement sur le Liban et sur sa réputation. Cela est inacceptable, et nous n’admettrons pas que cela se poursuive ou se reproduise». Pense-t-il qu’il y a eu un compromis au Conseil des ministres suite aux arrestations ? «Nous sommes contre le fait “d’emmailloter” certaines choses. Le gouvernement doit assumer ses responsabilités : c’est le pouvoir exécutif qui dirige toutes les institutions, à commencer par l’armée et ses SR !» La position de Hariri est difficile, non ? Il est bloqué… «En 1995, il y a eu des coups de feu tirés contre ma voiture lors d’une manifestation ouvrière à Saïda. L’incident a été enregistré sur cassette vidéo et j’en avais remis une copie au général Lahoud. À cette époque, il était encore commandant en chef de l’armée. Il l’a regardée et a su qui avait tiré les coups de feu contre ma voiture, mais ils n’ont pas bougé pour autant ! Le chef du gouvernement était Rafic Hariri, et c’est lui qui tenait les SR en main. Aujourd’hui, il ne les contrôle plus». Pour Moustapha Saad, il n’est donc pas question de trop s’apitoyer sur le traitement réservé aujourd’hui par les SR à Hariri. Et ce qui s’est passé au Parlement ? «J’étais absent lors du premier vote, avant le nouvel amendement. Le procureur général donne des ordres à tous les parquets au Liban. Pourquoi n’aurait-il pas le droit d’assister à une enquête ou d’en mener une ? Si je suis procureur général et que je donne l’ordre aux différents parquets d’arrêter telle ou telle personne, il devrait être de mon droit de l’interroger. Qui peut le plus peut le moins, vous ne pensez pas ? L’erreur, au Parlement, c’est d’avoir voté la première version, et non de l’avoir amendée il y a quelques jours». «En ce qui concerne les arrestations, je pense que le pouvoir aurait pu prendre des mesures sans pour autant créer tout ce cirque. Les SR veulent à tout prix montrer qu’ils sont forts ? C’est une mauvaise tactique. Ce n’est pas comme cela que l’on construit l’État de droit et des institutions et qu’on protège les libertés publiques et la démocratie, auxquelles nous sommes attachés. Mais nous sommes contre la surenchère et l’opportunisme qui font surface dès qu’il est question de protection des libertés. «Nous voulons bien faire face à tout projet de caste militaire. Ma famille a souffert des SR et de l’institution militaire depuis l’assassinat de Maarouf Saad en 1975 jusqu’à l’attentat qui m’a pris pour cible et qui a été fomenté par les Forces libanaises, à cette époque sous la direction d’Élie Hobeika, en coordination avec les SR et les Israéliens». Y a-t-il actuellement une tentative de militariser le régime ? «Sans doute. Les militaires y pensent. Mais le Liban n’est pas comme les autre régimes. Sa structure spéciale et le pluralisme qui y existe empêchent la militarisation et favorisent les libertés publiques et la démocratie. Ce serait autre chose s’il y avait une caste militaire équitable. Cela ne veut pas dire que nous ne sommes pas pour la sécurité et l’unité du Liban.» Y aurait-il eu une tentative de coup d’État des FL ou des aounistes ? «Non, c’est exagéré. Si c’était le cas, ils auraient dû commencer par arrêter des généraux de l’armée. Un coup d’État peut-il provenir de l’extérieur de notre institution militaire ?» « Mettre fin aux immixtions » Moustapha Saad plaide par ailleurs en faveur «d’un congrès regroupant toutes les institutions de la société civile, toutes catégories confondues, pour définir quel Liban nous voulons». N’y a-t-il pas des efforts accomplis dans ce sens, avec notamment le congrès des libertés au Carlton ? «Les gens qui étaient au Carlton ne représentent pas tous les Libanais, à mon avis». Que pense-t-il des positions politiques de Walid Joumblatt ? «Je suis avec ses positions de base. Mais il utilise beaucoup la tactique. En principe, la tactique doit être au service de la stratégie. La tactique est devenue méthodique chez lui, au lieu de servir la stratégie». Et Rafic Hariri ? «Nous sommes contre l’esprit de la troïka et nous allons nous y opposer s’il en est de nouveau question. Cela supposerait un partage d’influences entre les trois présidents, ce qui serait contraire à l’État de droit et des institutions et au discours d’investiture du président Lahoud. Il avait d’ailleurs dit que la main du voleur serait tranchée. Le pays est victime d’un vol caractérisé et…». La suite se perd en un rire qui en dit long. Les derniers événements visaient-ils à «démissionner» Hariri ? «Je ne pense pas, contrairement à bien des gens, qu’il existe une relation entre les deux. Hariri aujourd’hui n’est plus le Premier ministre grandiloquent d’hier. J’ai été surpris de l’entendre dire sur NBN qu’il avait depuis longtemps mis en garde contre les SR. Cela est faux». Si ces arrestations ne sont pas un coup porté au dialogue ou à Hariri, à quoi riment-elles ? «Est-ce les aounistes et les FL qui vont la faire, cette réconciliation ?» Pourtant les FL se défendent en affirmant qu’elles se sont intégrées dans l’État… «Pourquoi ont-elles été dissoutes ?» Ils prétendent que c’était une décision politique, de même que l’ensemble du procès Geagea. «Cela dépend de la confiance qu’on a en la justice. Il y a des points d’interrogation autour de cette affaire. Je suis conscient du fait qu’il y a eu des erreurs au niveau de la justice et qu’il faut séparer le politique du judiciaire». Et de réclamer, au sujet de l’attentat dont il a été victime, «que la justice utilise les informations contenues dans le livre de Robert Hatem, alias Cobra : From Israël to Damascus, sans tenir compte de la position d’Élie Hobeika». «Hobeika est responsable de beaucoup de choses qui se sont produites au Liban. Il ne faut plus qu’aucune partie le protège. Qu’il affronte la réalité et la justice, à qui je fais assumer une responsabilité dans cette affaire. Il doit être sanctionné devant tout le peuple libanais. Lui et bien d’autres aussi». Que pense-t-il des slogans hostiles à la présence syrienne ? «J’ai des remarques à faire vis-à-vis de la Syrie. Mais c’est à l’État de les leur adresser, c’est à cela que doit servir le traité d’amitié et de coopération qui existe entre nous. Nous voulons de bonnes relations avec la Syrie, mais sur base de ce qu’a dit feu le président Hafez el-Assad : “Un seul peuple dans deux pays. Nous sommes pour la coordination stratégique, mais au niveau des affaires internes, il faut mettre fin aux immixtions». Une rencontre nationale pour le dialogue est-elle indispensable ? «Nous avons besoin d’une entente nationale véritable et de sincérité, ce qui n’existe pas à l’heure actuelle. Tout le monde est en train de mentir. Nous ne sommes ni complexés ni sectaires et nous sommes contre les cantons, quelle qu’en soit la confession. Un tel principe sert les intérêts d’Israël». «Il ne faut pas oublier non plus que les maronites ont joué un rôle prépondérant au niveau de l’arabité du Liban. Il faut le leur reconnaître. Au niveau de la justice et de l’égalité des chances, il y a de grandes erreurs qu’il faut rectifier à tout prix», conclut-il. Un constat constructif, empreint d’une grande sagesse. Et qui montre tout l’intérêt que Moustapha Saad porte au dialogue.
Moustapha Saad n’aime pas les SR. Sa famille, et lui tout particulièrement, portent pour toujours les stigmates de leurs actes. Pourtant, le député de Saïda, s’il ne peut s’empêcher d’afficher son dégoût profond de la caste militaro-sécuritaire, garde un calme olympien en évoquant ce dossier. Moustapha Saad ne croit pas en un Liban «de coexistence», mais en un...