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Actualités - CHRONOLOGIES

PLACE DE L’ÉTOILE - Écoutes téléphoniques et piratage de lignes internationales au menu de la première séance - Les factures impayées de l’EDL : une obsession parlementaire

Oubliées les traditionnelles critiques sur la gestion gouvernementale du dossier social et économique, les problèmes d’infrastructure, les revendications régionales, l’accroissement de la dette publique et les difficultés financières de l’État. Oubliés les habituels discours à la gloire de la Résistance, l’hommage à la Syrie ou les mises en garde de toujours contre les «visées israéliennes». Pour la première fois, ces idées-maîtresses des interventions d’un nombre important de députés n’étaient pas au menu d’une réunion parlementaire. Celle qui s’est ouverte hier place de l’Étoile s’est plutôt distinguée par une insistance presque obsessionnelle sur un seul sujet : comment est-il possible d’accuser un député de ne pas payer ses factures ou de cautionner le piratage de lignes téléphoniques internationales ? Rares sont les députés qui ont reconnu avec Nassib Lahoud que la succession de crises qui secouent le pays et l’état minable de ses finances sont en grande partie le résultat d’un «non-respect» des lois. Rares aussi sont ceux qui ont eu la curiosité de s’enquérir et d’insister, comme Mikhaël Daher, sur les enquêtes relatives aux écoutes téléphoniques, aux mauvais payeurs des factures d’électricité ou au piratage des lignes téléphoniques internationales. Il y a eu, bien sûr, ceux qui ont exprimé leur ras-le-bol à cause de tous les problèmes qui se posent dans le pays et qui ont réclamé sans ambages le départ du gouvernement – il s’agit de M. Georges Kassarji – mais sans que cela n’affecte le déroulement de la séance, qui s’est poursuivie dans une ambiance bon enfant, même si des débats animés ont caractérisé l’examen de certains projets de loi, entraînant notamment des charges financières pour l’État. M. Boutros Harb avait raison : les interventions parlementaires ne sont qu’un moyen de défoulement. C’est Mikhaël Daher qui prend la parole en premier, après une minute de silence observée à la mémoire de l’ancien député Jaafar Charafeddine. Il réclame des informations sur l’enquête relative aux factures d’électricité impayées et à la fameuse liste de mauvais payeurs parmi les hommes politiques et d’autres personnalités du monde public et trouve que l’État a bien fait de confier le dossier aux autorités judiciaires. M. Daher insiste davantage sur les écoutes téléphoniques, qui se poursuivent, selon lui, et s’interroge sur les raisons pour lesquelles les décrets d’application de la loi sur les écoutes n’ont toujours pas été publiés. Le député du Akkar invite ensuite le ministre des Télécommunications Jean-Louis Cardahi à fournir à la Chambre toutes les informations en sa possession au sujet du piratage de lignes téléphoniques internationales et des personnes impliquées dans cette affaire. «Est-il possible de pirater des lignes internationales» ? M. Nicolas Fattouche est sceptique. Il ne s’attarde pas sur la question mais s’arrête sur le dossier de l’électricité pour faire remarquer que «le parquet de la Cour de cassation n’est pas compétent pour le suivre car il s’agit d’une affaire civile se rapportant à la gestion du secteur de l’électricité», et pour stigmatiser, comme MM. Yassine Jaber, Jihad Samad et Abdel Latif Zein, la diffamation dont sont victimes, selon lui, les hommes politiques. Pour M. Fattouche, «tous ceux qui ont tenté de ternir la réputation de la classe politique dans le pays doivent être poursuivis en justice» L’intervention de M. Jaber tourne exclusivement sur «la dignité du député» et sur le «coup qui lui a été porté à cause des accusations diffamatoires à propos de factures d’électricité impayées» : trois pages serrées pour expliquer cette idée. Si le député de Nabatyeh adopte un ton éploré pour crier son indignation, M. Samad choisit d’ironiser pour critiquer le directeur général de l’EDL, Georges Moawad, à qui il fait assumer la responsabilité de toutes les anomalies de la gestion du secteur de l’électricité. De son côté, M. Zein s’interroge sur les raisons pour lesquelles le chef du gouvernement ne publie pas la liste des mauvais payeurs que M. Moawad affirme lui avoir soumis. Lahoud : La souveraineté des lois Les remarques sur ce dossier n’ont rien de différent des déclarations qui avaient été faites antérieurement sur le sujet. Et dans l’hémicycle, on écoute d’une oreille distraite les députés se lamenter en se posant en victime d’une machination diabolique. Mais quand M. Nassib Lahoud prend la parole, après son collègue Wajih Baarini – qui soulève aussi l’affaire de l’électricité –, le silence se fait : le député du Metn venait de prononcer quatre mots magiques : le rapport du FMI. «Les Libanais n’avaient vraiment pas besoin de ce texte pour se rendre compte à quel point notre situation économique et financière est difficile et à quel point les règlements sont limités». Et de poursuivre : «L’État n’avait pas besoin que la Banque mondiale d’abord, le FMI ensuite et les différents experts le lui rappellent pour réaliser que “la situation risque d’entraîner un manque de confiance dans le pays” et qu’il importe de ne pas maquiller la vérité, encore moins de l’aggraver dans le cadre des luttes au sein du pouvoir». Après avoir constaté que le FMI n’a fait que «répercuter ce que les Libanais vivent au quotidien» ainsi que «les mises en garde répétées au cours des dernières années» au sujet des prévisions budgétaires «gonflées», il relève que les conseils «diplomatiques» du FMI «sont à l’antipode de ce qui se passe aujourd’hui sur la scène politique, où l’on ne respecte pas les lois». M. Lahoud énumère les scandales et les crises qui ont récemment secoué le pays avant de déclarer : «Ils sont tous le résultat de l’absence de toute souveraineté de la loi : si chaque responsable avait veillé à l’application des lois et à accomplir son devoir, toutes ces anomalies et ces crises ne seraient pas produites». Tout à fait fortuitement, M. Cardahi devait presque lui donner raison, un peu plus tard, en indiquant, en réponse aux questions de M. Daher, que depuis la fermeture des centraux téléphoniques illégaux, son département a réalisé en un mois des bénéfices supplémentaires d’un million et demi de dollars grâce aux communications internationales. Comme quoi, il suffisait d’un peu de bonne volonté… Mais lorsque M. Berry demande si le piratage se poursuit, le ministre répond : «Je ne peux pas être catégorique». Mme Nayla Moawad rappelle au gouvernement son engagement relatif à la nomination d’un conseil de l’Université libanaise et approuve les remarques de son collègue Mohammed Kabbara sur l’état d’abandon dans lequel Tripoli se trouve, en s’arrêtant particulièrement sur le risque d’effondrement des bâtiments de l’UL dans cette ville. Elle aborde également le dossier de l’électricité et s’étonne de ce que les deux milliards de dollars dépensés sur ce secteur depuis onze ans n’aient pas donné de résultats. M. Akram Chehayeb met en garde contre «une programmation des crises» et «plaide en faveur de l’ouverture d’un dialogue national» que les crises et les scandales successifs ont fait oublier. Kassarji réclame la démission du cabinet C’est au tour de M. Kassarji de prendre la parole. Un des principaux détracteurs du cabinet Hariri, il s’en prend vivement au gouvernement qu’il affuble du nom de «gouvernement de l’incapacité totale». Le député de Zahlé énumère une longue liste de dossiers sociaux, économiques et financiers que l’équipe Hariri a été selon lui, «incapable de régler», avant de réclamer son départ. «J’appelle ce gouvernement à démissionner. Nous voulons une équipe homogène», tonne-t-il. Tout aussi violent que lui, M. Ibrahim Bayan, député du Hezbollah, dénonce vivement le projet d’ouverture de branches du Casino du Liban dans différentes régions libanaises, en critiquant «la conception que le gouvernement a du développement équilibré». «C’est l’équilibre de la débauche qu’il souhaite», fulmine-t-il, en accusant l’équipe Hariri de vouloir «faire du Liban une buvette, un casino et un lieu de débauche». Les allocutions se succèdent et M. Harb prend la parole pour faire remarquer au président de la Chambre que les interventions parlementaires ne sont plus qu’une sorte de défoulement et pour proposer que le gouvernement réponde à chaque séance aux points soulevés par les députés. M. Berry est de son avis et s’empresse, au terme des allocutions parlementaires, de demander au ministre de la Justice Samir el-Jisr de donner des précisions sur l’enquête relative aux écoutes téléphoniques. Auparavant, M. Harb avait demandé au gouvernement de rassurer les Libanais sur le sort de la livre et de déterminer l’identité de «ceux qui essaient d’empoisonner le climat politique en provoquant des tiraillements» au sein de la classe au pouvoir «ou de mettre fin aux rumeurs qui circulent à ce sujet». Les explications de M. Jisr sur les écoutes laissent les députés sur leur faim. En deux mots, il indique que l’enquête se poursuit dans les centraux et qu’il attend un rapport à ce sujet ainsi que la publication des décrets d’application de la loi sur les écoutes. Le député Misbah Ahdab veut prendre la parole mais M. Berry l’en empêche. Le temps imparti aux interventions parlementaires vient de prendre fin. Une longue discussion acerbe s’ensuit et se termine par un «asseyez-vous, habibi» sec, ponctué d’un geste de la main, adressé par le chef du Parlement au député. En deux heures, dix textes de loi sont votés. Le Parlement commence par corriger une faute d’inattention dans une loi votée puis approuve successivement six accords de coopération avec le Mexique, la Guinée, la Russie et la Banque islamique de développement. Un septième accord de coopération pédagogique avec le Mexique est renvoyé car il pave la voie à la conclusion d’autres accords corollaires sans l’aval du Parlement. Un débat constitutionnel D’autres textes de loi entraînent un long débat constitutionnel sur l’opportunité de leur examen en l’absence de la signature du ministre concerné. Excédé par ce genre d’incident qui se répète à chaque réunion, M. Berry avertit le gouvernement qu’il va dorénavant charger la direction des réunions de la Chambre de vérifier chaque projet de loi qu’il lui transmet, quitte à le lui renvoyer directement en cas d’absence d’une signature. La Chambre ajourne jusqu’aujourd’hui un projet de loi organisant la profession de changeur dans la mesure où le texte lui a été soumis sans exposé des motifs, ainsi qu’un autre concernant les tribunaux chérié parce qu’il ne porte pas la signature du ministère des Finances. Elle amende, au terme d’un long débat, le texte exemptant les hôtels, les restaurants et les appartements meublés du paiement de la taxe de 5 % durant les mois du shopping. Seuls les établissements qui ont perçu cette taxe durant le mois de shopping de février-mars dernier, sont tenus de le verser au ministère des Finances. Le débat s’engage ensuite, animé, sur trois autres textes qui entraînent de nouvelles charges financières pour le Trésor et qui seront tous trois renvoyés en commissions : il s’agit de deux projets de loi sur l’octroi de primes supplémentaires à des contractuels du ministère de la Santé et à des enseignants du secteur public et d’une proposition de loi de M. Michel Murr répartissant un milliards 5 millions de livres sur les municipalités du Liban dans le but de favoriser l’exécution de projets de développement. Le gouvernement est farouchement opposé aux trois. Les deux premiers textes avaient été élaborés sous l’ancien régime. Quant à la proposition de M. Murr, elle entraîne un débat élargi sur le rôle et les activités des municipalités et provoque de vifs échanges entre l’ancien ministre de l’Intérieur et M. Siniora sur le sort des fonds perçus par l’État pour le compte des municipalités. Parmi les textes votés hier aussi, un projet de loi sur les postes d’honneur au sein de la magistrature. Au total, le Parlement a voté 10 textes de loi et ajourné l’examen de trois autres. Il doit plancher ce matin, et peut-être même ce soir, sur sept autres, dont l’amendement du code de procédure pénale – voté par la Chambre et renvoyé par le chef de l’État- et des articles du code pénal sur la peine de mort .
Oubliées les traditionnelles critiques sur la gestion gouvernementale du dossier social et économique, les problèmes d’infrastructure, les revendications régionales, l’accroissement de la dette publique et les difficultés financières de l’État. Oubliés les habituels discours à la gloire de la Résistance, l’hommage à la Syrie ou les mises en garde de toujours contre...