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Actualités - REPORTAGES

Politique de réforme et de modernisation

Ce prince éclairé, ami du progrès et administrateur avisé, réussit pendant plus de trente ans à créer un Liban moderne, doté d’institutions solides, et à provoquer dans le pays une véritable transformation sociale et économique. Dans l’exécution de ses desseins, il mit une volonté, une méthode et un courage qui forcent l’admiration et le respect. Il serait injuste de ne pas reconnaître que, deux siècles avant Mohammed Ali d’Égypte, Fakhreddine fait déjà figure de précurseur et de promoteur de la renaissance arabe moderne. Dans cette politique de modernisation du pays, ce prince eut le mérite de choisir ses conseillers parmi les hommes compétents de toutes les communautés libanaises. Il eut recours aussi aux services d’experts, français et florentins, qu’il fit venir à ses frais et leur offrit des conditions matérielles très avantageuses pour l’époque. Parmi ces experts-techniciens se trouvaient un médecin, un architecte, un sculpteur, un maître maçon. Il demanda au Grand Duc de lui envoyer six ou huit familles de paysans italiens avec leur cheptel pour apprendre aux paysans libanais les systèmes et techniques agricoles d’Italie. C’est à l’époque de Fakhreddine II que fut introduite l’imprimerie au Liban, unique en son genre en Orient à cette époque. Les deux premières imprimeries furent importées de Rome par les moines maronites ; l’une en 1610 installée au couvent de Kozhaya, et l’autre dans celui des capucins. Elles imprimaient en arabe, en syriaque, en persan et en copte. Plan d’urbanisation Deir el-Qamar, Beyrouth et Saïda étaient les lieux de prédilection du prince. À Deir el-Qamar, sa résidence d’été, il fit construire un château qui devint le centre de la vie politique du pays. Une mosquée adjacente y fut érigée. Ces deux édifices témoignent aujourd’hui de la pureté de l’architecture libanaise à cette époque. Saïda dut son relèvement à l’émir. Cotovicus la visita en 1598 et la décrivit comme «lamentablement ruinée». Fakhreddine l’embellit, en fit sa capitale et y construisit un grand château dont les salons étaient enrichis de versets du Coran et de proverbes arabes écrits en lettres d’or. Les murs étaient décorés à l’arabesque avec des fleurs et des plantes peintes au naturel. Pour les commerçants français établis à Saïda, il construisit, vers 1620, un caravansérail appelé encore de nos jours «Khan al-Franj» (khan des Francs). «C’est un corps de logis, écrit le chevalier d’Arvieux, de six toises en carré couvert d’un fort beau dôme… Cette maison est solidement bâtie, très ornée et enjolivée (…)». «En un mot, dit-il, on remarque dans tout cet édifice le bon goût de l’émir Facardin et le plaisir qu’il y prenait (…)». Mais la plus belle réalisation de Fakhreddine dans le domaine de l’urbanisme reste la transformation de Beyrouth en centre de détente. Il en fit sa résidence d’hiver et «le temple favori de ses plaisirs». Il y aménagea de nombreux jardins à fleurs, fit planter autour de la ville une forêt de pins «pour purifier son air malsain». À proximité du port, Fakhreddine construisit en 1623 son fameux château «bâti à l’italienne» par l’architecte Cioli et qui a suscité l’admiration des visiteurs. Il a été minutieusement décrit par d’Arvieux, Magri, Fermanel, Henry Maundrell et Richard Pococke. Ce château était entouré d’une orangerie divisée en seize carrés arrosés par des canaux et doté d’un jardin zoologique à l’instar des palais du sultan à Istanbul, et d’une tour qui dominait la ville et le port. L’emplacement du château porte encore de nos jours le nom de cette tour «Sahat al-Bourj», ou celui de «Place des Canons» en souvenir des mortiers qui la surmontaient. Depuis la proclamation de la République en 1926, cette place devint la place des Martyrs. Fin tragique de Fakhreddine Ces travaux de modernisation du Liban n’étaient pas de nature à rassurer le sultan. À ces facteurs s’en ajoutèrent d’autres qui irritèrent profondément le grand seigneur. En effet, enhardi par ses victoires sur les troupes ottomanes à Anjar (1623) et par ses conquêtes sur ses adversaires du parti qaïssite, ébloui par la splendeur et la magnificence de sa cour, Fakhreddine commit l’erreur fatale d’accepter les lettres de créance de Verrazzano, nouveau consul de Toscane à Saïda, prérogative strictement réservée à son suzerain le sultan. Ses détracteurs le dénoncèrent alors comme entretenant des intelligences avec les Grands Ducs de Toscane, le Saint-Siège, l’Espagne et les chevaliers de Malte, tous ennemis jurés de la Sublime Porte. Pendant que la flotte ottomane bloquait les côtes libanaises, en 1632, l’armée de Mourad IV envahissait le pays. La répression fut terrible. Fakhreddine sollicita l’appui de son allié toscan. Son appel resta sans réponse. Fatigué, vieilli, affecté par la mort sur le champ de bataille de son fils aîné, de son frère et de l’élite de son armée, abandonné par son allié toscan, l’émir se rendit au commandant de l’escadre ottomane. Il fut conduit à Istanbul et exécuté, le 13 avril 1635, avec ses trois fils. Ainsi prit fin l’une des plus grandes aventures politiques de l’histoire du Liban moderne. La disparition de Fakhreddine engendra des troubles graves dans le pays. Ses successeurs manquaient de fermeté et se montraient incapables d’endiguer les ambitions des féodaux de se libérer de la tutelle du pouvoir central. Adel Ismaïl «Liban, l’autre rive».
Ce prince éclairé, ami du progrès et administrateur avisé, réussit pendant plus de trente ans à créer un Liban moderne, doté d’institutions solides, et à provoquer dans le pays une véritable transformation sociale et économique. Dans l’exécution de ses desseins, il mit une volonté, une méthode et un courage qui forcent l’admiration et le respect. Il serait injuste...