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Actualités - OPINIONS

Les haches du dialogue - Réveille-toi Salomon, on te plagie.

En interdisant l’une et l’autre des démonstrations programmées pour hier mercredi, l’État s’est trouvé une belle occasion de faire preuve sinon d’impartialité, du moins d’un semblant d’autorité. Au rayon de l’impartialité, on aura prestement mis dans le même sac ceux qui réclament l’ouverture d’un pacifique et salutaire dialogue, en vue d’un rééquilibrage des rapports syro-libanais, et ceux qui ont eu recours à la menace – armée – pour empêcher tout dialogue. Quant à l’autorité, elle ne paraît pas avoir intimidé outre mesure les militants qui se sont bel et bien installés dans la rue hier, en plein centre de Beyrouth, pour conspuer les «traîtres»... Vouloir des relations enfin saines avec le voisin syrien et le clamer tout haut, c’est poignarder la Syrie dans le dos : ce grotesque mensonge est éminemment dangereux car il peut servir à justifier d’avance les plus graves abus. Ce mensonge, l’État libanais lui-même, tantôt par ses prises de position de commande et tantôt par ses silences coupables, n’a pas peu contribué à l’ériger. C’est de cette même et pernicieuse logique, c’est de cette inacceptable philosophie du chantage que procède tout le discours étatique des derniers mois, face à la vague croissante des appels au changement. À ceux qui, à l’instar du patriarche maronite et loin de toute violence, réclament un redéploiement des forces syriennes en retard déjà d’une décennie entière sur le calendrier de Taëf ; à ceux qui demandent l’arrêt des ingérences dans les affaires internes les plus intimement libanaises ; à ceux qui plaident pour un voisinage et une alliance dans l’honneur, à tous ceux-là, les responsables – et non les moindres – n’ont rien trouvé de mieux que de reprocher de faire le jeu d’Israël. De porter atteinte à la sécurité de l’État. Et, dernière trouvaille, de chercher à rallumer la guerre civile. Pouvait-on espérer que pareil terrorisme intellectuel ne finirait pas par faire de monstrueux petits ? Et s’il est des responsables qui ne lisent pas les journaux, ne regardent-ils pas pour le moins les images, en l’occurrence celles de ces encagoulés postés aux abords de certaines mosquées, de ces individus dûment armés, comme on les y a enjoints, de couteaux de cuisine et même de hachettes, ce qui est un moyen encore plus radical de trancher le débat ? Les incitations au meurtre que comportaient les tracts impunément distribués ces derniers jours constituent, par excellence, des menées sectaires expressément sanctionnées par la loi. Elles menacent gravement la sécurité de l’État avec laquelle on nous rebat les oreilles, bien plus gravement en tout cas que ces manifestations d’étudiants pour lesquelles on mobilise toute la maréchaussée. Toute cette frénésie, de surcroît, n’a pratiquement pas suscité de réaction officielle : le dernier conseil des ministres l’a superbement ignorée, le parlement a observé la même et douteuse consigne. Que le Liban soit actuellement enfermé dans un cercle particulièrement vicieux n’échappe bien évidemment à personne. C’est un fait – et le monde étranger ne se fait pas faute de nous le rappeler périodiquement – qu’ il n’existe pas de consensus entre les diverses instances libanaises sur la question de la présence syrienne : pour orchestrées qu’elles aient pu être, les dernières prises de position mahométanes sont venues le confirmer. De même, il y a fort à craindre qu’un départ contraint – et intempestif – des Syriens entraîne le chaos dans notre pays. Mais Damas détiendrait-il un tel pouvoir si les puissances, par lassitude, par confort ou pour des raisons moins avouables encore, ne s’était accommodées d’une telle situation qui, en l’absence de toute dissuasion sérieuse, confère finalement à la Syrie un droit de vie ou de mort sur le Liban ? Il n’est pas moins vrai que si l’État assumait réellement le rôle et la vocation qui sont les siens, cette malédiction géopolitique ne se transformerait pas en un périlleux débat national comme c’est le cas aujourd’hui. Le cercle vicieux serait considérablement moins étouffant et avec lui l’anxiété, l’angoisse, la peur ambiantes. Le plus triste est qu’il aurait suffi de bien peu pour couper court , dès le départ, à toute polémique, pour barrer la voie à la subversion ; oui, il aurait suffi qu’Émile Lahoud , sans un seul instant renier ses amitiés, prenne acte des hantises et des aspirations d’une grande partie des Libanais, qu’il apaise leurs craintes, qu’il les assure de sa volonté d’agir au mieux des intérêts du pays, point final. Mieux vaut tard que jamais : le président semble l’avoir touché du doigt qui, par deux fois cette semaine, a évoqué la primauté du dialogue et le refus de tout rapport de forces au sein de la population. Que l’État , cet État-là, ait ses options, ses engagements, ses contraintes envers l’allié syrien, c’est bien connu; mais tout à son sacerdoce syrien, l’État en était venu à oublier qu’il est après tout, et même avant toute chose, celui de tous les Libanais : aussi bien les contestataires que les zélateurs, sincères ou forcés. Et que plutôt que de paraître s’associer aux uns contre les autres, il se doit d’être le point de rencontre de toutes les sensibilités , le passage obligé de tous les dialogues.
En interdisant l’une et l’autre des démonstrations programmées pour hier mercredi, l’État s’est trouvé une belle occasion de faire preuve sinon d’impartialité, du moins d’un semblant d’autorité. Au rayon de l’impartialité, on aura prestement mis dans le même sac ceux qui réclament l’ouverture d’un pacifique et salutaire dialogue, en vue d’un...