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Actualités - REPORTAGES

Société - De plus en plus de Libanais optent pour l’union non religieuse - Le mariage civil, une commodité - plus qu’une révolte contre les confessions

Ils sont de plus en plus nombreux, les jeunes Libanais qui s’envolent pour l’étranger afin d’y conclure un mariage civil. Mais ils en ont généralement assez d’être considérés comme des marginaux ou une sorte de secte mise au ban de la société. C’est déjà assez dur pour eux de subir les conséquences de leur choix. D’autant que quand ils ont des enfants, c’est un vrai casse-tête. Pour toutes les formalités, il faut avoir une confession déterminée et, mariage civil ou pas, les enfants sont inscrits selon la confession de leur père… Hadi est un sunnite de Beyrouth et sa famille compte de nombreux cheikhs, d’ailleurs elle appuie traditionnellement Dar el-Fatwa. Le jeune homme a étudié lui-même un an à l’université al-Azhar pour obtenir une formation religieuse. Mais il a rapidement abandonné cette voie pour celle de la laïcité. Et, pour rester cohérent avec ses nouvelles convictions, il est tombé amoureux d’une maronite de Bécharré. En matière de difficultés, on ne fait pas mieux. D’ailleurs Hadi a dû longtemps parlementer avec son beau-père avant de l’amener à accepter l’idée d’un mariage civil. En vérité, explique le jeune homme, «les gens ne savent pas vraiment en quoi consiste le mariage civil. Pour eux, un couple s’est marié et il faut le féliciter, d’autant qu’il a l’air de vivre comme les autres couples mariés». C’est un peu ce qui s’est passé pour Hadi et sa femme. En 1998, tous deux se sont rendus en Turquie et y ont conclu un mariage civil, alors que pour leur entourage, ils se sont unis et ont passé leur lune de miel en Turquie. Le jeune couple aurait souhaité continuer à vivre discrètement, considérant la nature de son union comme une affaire tout à fait privée. Malheureusement, la «tempête» Hraoui a éclaté entre-temps, provoquant un climat confessionnel exacerbé. Le projet Hraoui a attisé le climat confessionnel À cette époque, le président de la République Élias Hraoui, et pour des raisons connues de lui seul, avait brusquement décidé de lancer un projet de loi en faveur du mariage civil optionnel, provoquant une immédiate levée des boucliers dans les milieux sunnites religieux, rapidement imités par les instances religieuses chrétiennes. L’idée a été lancée si brutalement que si on voulait faire capoter le projet, on ne s’y serait pas pris autrement. Toujours est-il que le mariage civil est devenu un sujet de dissension, un peu comme l’abolition du confessionnalisme, qui ressort régulièrement, lorsqu’une partie veut embêter l’autre. D’ailleurs, lorsque le président Hraoui avait présenté son projet, le tollé était tel qu’à la demande de Dar al-Farwa, des centaines de personnes sont descendues dans la rue, réclamant le rejet du projet. Certains ulémas avaient même été encore plus loin, déclarant le mariage civil comme une démarche prohibée par le Coran. Pourtant, ceux qui connaissent le dossier sont catégoriques : autant le Coran est clair au sujet de la peine de mort, précisant que le tueur doit être tué, autant il reste vague au sujet du mariage. Mais la tension confessionnelle était telle que le climat général était alors à l’intolérance et à la condamnation. Se sentant rejetés par la société, Hadi et ses compagnons ont décidé d’exprimer haut et clair leurs convictions. Ils ont ainsi organisé une cérémonie au Théâtre de Beyrouth pour célébrer le mariage civil de six couples et des pétitions en faveur de ce genre de mariage ont commencé à être distribuées dans les universités. Pourtant, jamais autant qu’à cette époque, le mariage civil n’a été aussi difficile à atteindre. Chrétiens et musulmans ont resserré leurs rangs pour s’opposer à cette union «condamnée par la religion». Les hommes de religion de tous bords ont multiplié les déclarations incendiaires, chacun y allant de sa propre interprétation des textes sacrés, mais tous unis dans le rejet et l’intolérance. Quelques voix dans le désert… Comment lutter contre cette vague déferlante de fanatisme religieux ? Certains hommes religieux ont essayé de le faire, notamment l’uléma chiite Mohamed Hassan el-Amine qui a déclaré que le mariage civil n’était pas du tout contraire à la religion. Chez les sunnites, il faut se référer au cheikh Abdallah Alaylié (aujourd’hui décédé) pour trouver une fatwa autorisant le mariage civil, qui n’est donc pas considéré comme contraire à l’Islam. Cheikh Alayli avait même été plus loin, estimant qu’une musulmane pouvait épouser un chrétien. Des voix aussi tolérantes se font désormais rares et l’ambiance générale était à la condamnation du mariage non religieux. Pourtant, des centaines de jeunes optent actuellement pour ce type d’union. Ils vont à Chypre, en Turquie, en France ou ailleurs et choisissent de s’unir devant les hommes. Est-ce à dire qu’ils ne croient pas en Dieu ? Hadi rejette vivement cette hypothèse. L’option du mariage civil ne signifie nullement que les époux sont athées ou rejettent la religion. C’est souvent pour eux, une question de commodité et un acte de foi dans les lois civiles. «Les tribunaux religieux ont généralement des procédures très complexes, précise le jeune homme, alors qu’il est tellement plus simple d’adopter des lois civiles qui considèrent les citoyens égaux dans leur statut». S’il avait le choix, Hadi considèrerait le mariage civil obligatoire et l’union religieuse optionnelle. «Il faut unifier les lois du statut personnel, ce serait tellement plus simple pour les citoyens et tellement plus unificateur au niveau populaire. Mais je sais que par les temps qui courent, c’est absolument impossible». Tout ce qu’il souhaite aujourd’hui, c’est préserver son mariage des crises. «Oui, j’ai contracté un mariage civil et je l’ai déclaré clairement, mais je me demande pourquoi on ressort périodiquement le sujet, pour en faire un nouveau thème de polémique. Puisque le système fonctionne comme cela, qu’il continue. Nous n’en demandons pas plus. Nous voulons simplement qu’on nous laisse vivre en paix, la nature du mariage, c’est après tout une affaire privée». Les mariés civilement en ont assez d’être considérés comme un groupe à part, une sorte de secte mystérieuse, à la limite du démoniaque ou d’être utilisés comme enjeu dans les luttes politiques, voire même politiciennes. Ils sont déjà assez de mal à faire accepter leur union à leur entourage qui par ignorance écoute les voix fanatiques et en arrive parfois à considérer le mariage civil comme une sorte de concubinage. Et lorsque les enfants arrivent les choses se compliquent encore plus. Au Liban, toute personne doit avoir une religion et pour avoir une religion, il faut être enregistré auprès des tribunaux religieux. Or, ceux-ci ne reconnaissent pas les unions civiles et les parents se trouvent face à un casse-tête : soit contracter un mariage religieux soit enregistrer leurs enfants tout en sachant que leur mariage n’est pas reconnu par les instances religieuses. Reste une troisième solution : ignorer complètement les procédures religieuses et se contenter d’enregistrer les enfants sous une religion déterminée auprès du ministère de l’Intérieur. Dans tous les cas, le choix est difficile, même si, de prime abord, l’union civile paraît plus facile. En somme, au Liban, chassez la religion, elle finit toujours par vous rattraper.
Ils sont de plus en plus nombreux, les jeunes Libanais qui s’envolent pour l’étranger afin d’y conclure un mariage civil. Mais ils en ont généralement assez d’être considérés comme des marginaux ou une sorte de secte mise au ban de la société. C’est déjà assez dur pour eux de subir les conséquences de leur choix. D’autant que quand ils ont des enfants, c’est un...