Rechercher
Rechercher

Actualités - REPORTAGES

HISTOIRE - La médecine en pays de Canaan : les premiers balbutiements - Thérapie des dieux, thérapie des hommes - Par Hareth BOUSTANY

Comme tous les peuples sémitiques, les Cananéens étaient divisés en tribus et en clans, d’où une tendance aux regroupements individuels identifiés peu à peu à leur habitat respectif. Et l’on mentionnait plus volontiers les Arvadiens, les Giblites, les Sidoniens, les Tyriens, etc. Mais, à regarder de près le sens étymologique, on se rend compte que le terme «Canaan» signifie sédentaire habitant du Bas-Pays, par opposition à «Aram» : habitant du Haut-Pays. N’y aurait-il pas lieu, dans ce cas, de réviser nos conceptions et de penser que les habitants de la côte sont autochtones, ayant passé, par une évolution naturelle et logique, de l’âge de la pierre à celui du métal, plutôt que de s’obstiner à leur trouver à tout prix une origine étrangère ? Quoi qu’il en soit, nous pouvons distinguer deux groupes de Cananéens : les Méridionaux établis en pays de Canaan du Sud (l’actuelle Palestine), pays dépourvu de ports naturels, avaient pénétré à l’intérieur, s’adonnant à l’agriculture ; ils ont toujours été désignés sous l’appellation de Cananéens ; et les Septentrionaux, échelonnés entre le Mont Carmel et Ugarit Ras Shamra, région dotée d’innombrables échancrures et fermée à l’est par un écran montagneux, force leur fut donc de se jeter à la mer, perfectionnant l’art de la navigation. L’établissement de leurs ports – Tyr, Sidon, Gibel, etc. – témoigne aussi d’une grande perspicacité : un promontoire leur sert de tremplin, et les deux faces de ports au nord et au sud sont fermés par un chapelet de roches naturelles ou artificielles, et à l’intérieur desquelles ils ménagent ingénieusement un courant continu pour éviter l’ensablement. Après une période de cabotage, ils se sont lancés sur les navires de longue portée à la découverte du monde pour placer les produits de leur industrie. Les Grecs furent parmi les premiers peuples à créer des relations culturelles et commerciales avec les Cananéens ; ce sont eux qui, les premiers, leur donnèrent le nom de Phéniciens. La première mention de ce mot «Phéniciens» se trouve dans la Septante, qui est la traduction grecque de l’Ancien testament faite au IIIe s. av. J-C, alors qu’il ne se trouve pas dans l’original hébreu ; on le rencontre ensuite dans l’Évangile de saint Marc, le seul écrit en grec, alors que les autres évangélistes relatent que Jésus a guéri à Tyr une femme cananéenne. Ces Phéniciens, sociables de nature et sans doute altruistes, n’ont jamais rêvé s’imposer par la force. Ils n’ont jamais formé d’empire pour asservir les peuples. Le dialogue, pour eux, était beaucoup plus efficace que l’épée. C’est là que nous les voyons réaliser des efforts, non seulement pour transmettre leur pensée, mais aussi pour enregistrer cette pensée sur la matière, au moyen de l’écriture qu’ils ont rendue alphabétique, par un extraordinaire passage du concret de la chose à l’abstrait du son, réduisant les milliers de figures à un nombre très restreint et fixe de signes – 22 à 30 – ce qui eut pour résultat de la démocratiser, de la soustraire à l’accaparement des prêtres aristocrates et de la mettre à la portée de n’importe quel mortel. C’est justement cette tendance à la démocratie qui est à la base de leur régime politique, fait d’une heureuse synthèse d’aristocratie et de démocratie, se muant progressivement de la royauté à la république et formant des cités-États ; un tel système a été adopté par les villes grecques ou même copié par la République romaine. Toutefois, leurs quatre royaumes indépendants – Arad, Gibel, Sidon et Tyr – s’unissaient souvent en confédération pour faire face à l’agresseur. Cet esprit démocratique se ressent même dans leur religion : répugnant au culte de l’individu, les Phéniciens n’ont jamais appelé leurs dieux par leurs noms propres, mais toujours par des épithètes : Baal, seigneur, Adon, maître, Melek, roi, etc., on peut ajouter comme raison une certaine déférence ou une certaine crainte respectueuse dues à l’esprit sémite en général, pour qui un nom prononcé exige une présence réelle, une concrétisation du mot. Ils n’ont pas non plus élaboré de grands systèmes cosmogoniques, se contentant de personnifier les éléments de la Nature, tout en ayant un riche ensemble de mythes pour expliquer les différentes manifestations de la vie courante et les changements de saisons ; ce fut autant d’occasions pour manifester leur dévotion par des cantiques, des danses, des offrandes de primeurs et d’encens, des libations de miel, d’huile et de vin, des sacrifices d’animaux de tout genre. Tel culte avait pour but d’honorer les divinités certes, mais aussi de mériter leur bénédiction et de conjurer leur courroux. Et quelle calamité plus grande que d’être l’objet de la colère divine, qui se manifeste par les maux de l’esprit et du corps. Alors, il faut redoubler de zèle, recourir aux incantations et appliquer à la lettre les ordonnances des prêtres dictées par les dieux eux-mêmes et variant selon les cas. Le mal le plus courant et le plus simple sinon le plus bénin auquel peuvent être exposés ces marins ou ces voyageurs qui passent leur vie en plein air, c’est l’insolation. Pour peu que le dieu «Shemash» (le soleil) soit offensé, il les frappe de ses rayons. Et le remède est aussi simple : rien que l’eau pure, l’eau lustrale, sacrée, comme nous pouvons avoir écho de cela dans la légende de Gilgamesh : ce héros, serviteur de Shemash, va à la conquête des cèdres en compagnie de son ami Enkidou ; mais avant de se décider, ce dernier hésite : il craint le désert, il craint l’aventure, il craint surtout le terrible gardien des cèdres, Houmbaba, qui crache le feu ; rien que cette hésitation est déjà une offense à Shemash qui avait ordonné l’expédition, et Enkidou est puni… Une autre manifestation de la colère divine est la guerre. (Le songe de Keret, manière d’offrir le sacrifice)... Les transes de la fièvre, le délire, de même que les maux de l’esprit, la folie, la démence, etc. peuvent être interprétés comme la possession de l’esprit malin. Dernier remède : la trépanation pour chasser un tel esprit : (crâne découvert dans les fouilles de Khaldé). 1 – «Et maintenant, ô Mort, sois vaincue ; et toi, Sa’taqat, maintenant. 2 – Que la victoire soit ton alliée. Et Sa’taqat s’en alla. 3 – Elle arriva au palais de Keret. Elle arriva 4 – En pleurant. Elle entra 5 – En criant. Elle arriva à pied. 6 – Au-dessus des villes, elle vola 7 – Au-dessus des villages, elle vola, recherchant 8 – La guimauve, la tu’mal et le champignon, pour traiter 9 – Le malade à la tête. 10 – Elle revint à lui pour le faire transpirer 11 – Et voici que son appétit revient 12 – Son gosier s’ouvre pour les aliments. 13 – Et voici que la mort est vaincue. Et Sa’taqat, maintenant, 14 – Triomphe. Et voici qu’ordonna 15 – Le noble Keret, élevant la voix 16 – Et appelant : Écoute, toi, dame 17 – Hûriyyat, égorge un agneau, 18 – Que je mange ; et un jeune chevreau (récemment) sevré, que je déjeune, 19 – La dame Hûriyyat écouta 20 – Elle égorgea un agneau et il mangea, 21 – Et un chevreau sevré, et il déjeuna. Un jour passa. 22 – Et un second jour. Et voici que Keret revient à sa salle d’audience 23 – Et s’assied sur la chaise du royaume, 24 – Sur le trône de l’autorité de son royaume». (Ce texte est tiré de la Légende de Keret, roi des Sidoniens ; Tablette III, 6e colonne, vers 1 – 24). C’est l’un des rares textes écrits qu’on a pu retrouver dans les légendes d’Ugarit. Au point de vue thérapeutique, il est aussi intéressant par son contenu que par son actualité. En effet, jusqu’à présent les villageois libanais utilisent la guimauve pour ses vertus thérapeutiques et considèrent que la transpiration abondante résultant d’une telle médication est autant salutaire que curative.
Comme tous les peuples sémitiques, les Cananéens étaient divisés en tribus et en clans, d’où une tendance aux regroupements individuels identifiés peu à peu à leur habitat respectif. Et l’on mentionnait plus volontiers les Arvadiens, les Giblites, les Sidoniens, les Tyriens, etc. Mais, à regarder de près le sens étymologique, on se rend compte que le terme «Canaan»...