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Actualités - CHRONOLOGIES

Manifestation - La bataille pour les circonstances atténuantes se poursuit - Peine de mort : les ONG ne baissent pas les bras

Si leurs efforts aboutissent, les ONG qui militent contre la peine de mort auront réalisé une victoire spectaculaire. Ayant repris leur campagne sitôt l’annonce par le président Émile Lahoud de la reprise des exécutions capitales, les défenseurs des droits de l’homme ne baissent pas les bras. Et pour cause : ils sont confiants, aujourd’hui plus que jamais, qu’ils sont au bout de leurs peines. Leur combat a eu des échos non seulement à l’intérieur de l’Hémicycle, mais également au sein du Conseil des ministres et jusqu’au sein de l’Union européenne qui fait pression, dit-on, sur les responsables en faveur de la modification de la loi. Hier et pour la seconde fois cette année, les militants se sont regroupés par centaines place de l’Étoile pour entamer une longue marche jusqu’à la place du Musée. Dénonçant la peine capitale qu’ils taxent de «crime», les organisateurs n’ont pas lésiné sur les moyens visuels et graphiques. La mise en scène était impressionnante. Tout de noir vêtus, de dizaines de manifestants se tenaient alignés dans un ordre parfait. «Non au meurtre», disait l’écriteau qu’ils arboraient sur leur poitrine. Au premier rang, des bourreaux, le visage masqué, brandissaient des potences en bois desquelles pendaient les fameuses cordes. «Deux crimes ne font pas une justice», pouvait-on lire sur une des multiples banderoles. Plus loin, on réclamait à l’État la garantie des droits de la victime, et la réhabilitation des criminels. Plusieurs religieux sont venus à titre individuel rejoindre les parents des condamnés à mort, fidèles au rendez-vous. «Je suis convaincu que mon fils est innocent», s’écriait une femme en pleurs qui tenait en main la photo de son enfant. «C’est un analphabète. Il a été victime dans cette affaire. C’est toujours les enfants des riches qui s’en tirent à bon compte», affirme une dame blonde affolée à l’idée de perdre son fils de 28 ans. «Rien ne sert d’ôter la vie à une seconde personne, d’autant plus que cela ne servira ni à réformer la société ni à dissuader d’autres criminels, comme le prétendent les défenseurs de la peine capitale», commente Joanna, une étudiante en sciences politiques de l’USJ. Soha, une autre étudiante, relève elle aussi que toutes les statistiques ont prouvé que la peine capitale n’a jamais servi de leçon à qui que ce soit, que c’est en cherchant les mobiles du crime et en essayant de réformer le criminel que l’on parviendra à une solution. Explosion de joie En somme, ce sont les slogans et les arguments classiques en faveur de l’abolition de la peine mort auxquels le public a eu droit hier. Mais c’était, une fois de plus, le spectacle qui devait distinguer cette manifestation. Le trajet, que les organisateurs ont voulu silencieux entre le centre-ville et la place du Musée – en signe «de deuil de la justice, deux fois assassinée», la première fois lors du crime, la seconde fois lors de l’exécution –, devait se terminer par une explosion de joie une fois les manifestants parvenus au croisement du Musée. Là un groupe d’enfants, qui attendaient les manifestants, se sont avancés vers les bourreaux. Ils leur ont ôté les masques, les ont embrassés sur la joue, puis ont délié les cordes avant de s’en servir pour sauter. Un long communiqué, publié au nom de toutes les ONG participant à cette campagne nationale, devait donner les informations nécessaires. «Quarante-huit personnes ont déjà été condamnées officiellement depuis 1943 (mis à part les années de la guerre), précisait le texte du communiqué (…). Nous n’avons jamais cherché à traiter les causes du crime». Et les associations de faire appel aux responsables pour qu’ils reconsidèrent la manière dont les délits et les déviations sont traités au sein de la société, et trouvent des solutions de rechange au niveau de la législation et du système pénitentiaire. Le communiqué rappelle qu’une des réalisations de cette campagne a été l’appui du président de la Chambre Nabih Berry à la campagne en faveur de l’abolition de l’article 302, le projet devant être inscrit prochainement à l’ordre du jour pour être débattu au sein de la commission de l’Administration et de la Justice. Voté le 31 mars 1994, l’article 302 ôte aux juges la possibilité d’invoquer les circonstances atténuantes. Les associations qui militent contre la peine de mort demandent, dans une première étape, l’abrogation de ce texte de loi et la réhabilitation des circonstances atténuantes, quitte à obtenir, à long terme, l’abolition de la peine capitale dans le cadre d’un nouveau code pénal. Ils réclament surtout le gel de l’exécution de toutes les condamnations à mort en attente (14), en attendant que les condamnés bénéficient d’un nouveau procès. Outre la réaction positive de M. Berry, d’autres résultats concrets ont été obtenus depuis janvier dernier, tels que la décision du comité pour la modernisation des lois rattaché au Parlement, qui a également décidé d’abolir l’article 302. Plus important encore est le projet de loi présenté par le ministre de la Justice Samir el-Jisr, toujours en faveur de l’abolition de ce même article. Enfin, souligne le communiqué, l’Union européenne, qui soutient tous les efforts entrepris en ce sens, a récemment fait pression sur l’État libanais pour obtenir l’abolition de la peine capitale. Parmi les manifestants, on entendait même dire que la position de l’UE pourrait être la raison pour laquelle les décrets d’exécution n’ont pas encore été signés par le président de la République.
Si leurs efforts aboutissent, les ONG qui militent contre la peine de mort auront réalisé une victoire spectaculaire. Ayant repris leur campagne sitôt l’annonce par le président Émile Lahoud de la reprise des exécutions capitales, les défenseurs des droits de l’homme ne baissent pas les bras. Et pour cause : ils sont confiants, aujourd’hui plus que jamais, qu’ils sont au...