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Actualités - REPORTAGES

Promenades, visites, repas, lecture et télévision

À leur âge, ils ressentent le besoin d’être assistés, car ils sont trop fatigués ou tout simplement trop vieux pour vivre seuls, mais ils refusent d’être un poids pour leurs proches, enfants ou petits-enfants. Ils ont trouvé en Longue Vie la maison de repos idéale, où ils se sentent chez eux, où ils jouissent de leur indépendance, où tout est étudié pour le bien-être des personnes âgées. Le quotidien de quelques pensionnaires, des souvenirs teintés de mélancolie, mais aussi des moments de bonheur où la solitude n’a pas sa place. Il est midi trente à Longue Vie. Dans la salle à manger, une dizaine de personnes âgées déjeunent dans un silence religieux, seules à table ou en compagnie d’autres pensionnaires. Quelques notes jouées au piano parviennent du salon proche, alors que la voix chantonnante du cuisinier retentit, poussant son chariot entre les tables recouvertes de nappes de vichy rouge et blanc immaculées. Tour à tour, il sert cette dame, ressert ce monsieur ou demande à cet autre si le plat est à son goût. Amabilité et patience sont de rigueur, car chaque pensionnaire vit, mange et dort selon son propre rythme, sans contrainte ni obligation. Attablée, seule, devant son repas, Mme T. mange calmement. Les cheveux noirs, bien coiffés, les sourcils dessinés au crayon, le rouge à lèvres bien appliqué, les ongles nets, elle sacrifie, comme tous les jours, à l’élégance, malgré son âge avancé. Même les boucles d’oreille sont de rigueur. Car la vieille dame est coquette et s’inquiète de savoir si le coiffeur qui vient régulièrement la coiffer s’est bien acquitté de sa tâche. «J’aurais préféré habiter avec l’un de mes fils, mais il trouve que je suis très bien ici, regrette Mme T. Il est vrai que je suis âgée, et j’ai besoin que l’on me serve, car tout me fatigue, et à la maison, personne ne peut me servir. Ici, je suis bien, et on s’occupe de moi. D’ailleurs, mes enfants et mes petits-enfants viennent me voir régulièrement, du moins ceux qui habitent le Liban». Elle raconte que ses distractions favorites sont les repas et la musique, car elle n’aime ni marcher ni lire. «Cela me fatigue», répète-t-elle. D’ailleurs, elle avoue avoir oublié l’anglais et ne se rappeler que l’arabe et le français. Une indépendance où la solitude n’a pas sa place À la table d’à côté, Mme M. termine son repas. Elle habite à Longue Vie depuis trois ans ; elle avoue y être très contente et ne manquer de rien. Elle a meublé et décoré sa chambre à son groût, apportant ses propres meubles, pour y être plus à son aise. «À la mort de mon époux, j’ai habité durant six ans ou sein de ma famille, avant de venir m’installer ici, pour être plus indépendante, raconte-t-elle, car je ne pouvais vivre avec ma fille adoptive dont le mari s’est approprié nos biens». Le regard de la vieille dame se voile dès qu’elle parle de sa fille, mais elle enchaîne aussitôt sur son indépendance au sein de sa nouvelle maison, et sur ses activités : la marche, la lecture, la télévision et les visites qu’elle reçoit. Parfois même, quand elle en a envie, elle sort et va rendre visite à sa famille qui n’habite pas loin, à Broummana. «Il est vrai que je suis triste quand je pense à mon passé, regrette Mme M., mais je me suis fait quelques amis à Longue Vie. Et puis, tout le monde est si gentil, sans parler du directeur qui est débordant d’amabilité». Assis dans sa chambre dans son fauteuil préféré, C. Cassia digère tranquillement son déjeuner, sirotant le café qu’un infirmier vient de lui servir. La première fois qu’il est venu à Longue Vie, avec son fils, c’était à la suite du décès de son épouse, pour voir à quoi ressemblait cette maison de repos. C’était il y 4 ou 5 ans, peut-être plus, il ne se souvient plus exactement. Ce jour-là, il a décidé de rester et depuis, il se sent chez lui. Nul besoin de demander à cet ancien agent maritime, aujourd’hui presque centenaire, quel est son passe-temps favori. Sa chambre, ou plus exactement son musée, qu’il a baptisé «À l’accroche-moi ça», regorge de photos accrochées aux murs, de découpages et de montages de photos humoristiques, suspendus au plafond par des fils, et de poèmes qu’il a lui-même composés. Au milieu de ce méli-mélo de célébrités et d’hommes politiques, les photos des siens, enfants et petits-enfants, occupent une place de choix. Même le corridor extérieur menant à sa chambre est tapissé de son humour et de sa bonne humeur. Seule note triste dans cet océan de gaieté, une phrase que C. Cassia a accrochée bien en évidence dans le corridor, pour que tous la voient, vieux et moins vieux : «Un vieillard qui meurt, c’est une bibliothèque qui brûle». Dehors, le soleil brille en cette journée de janvier. Mme T., son sac à la main, attend le chauffeur de la maison, qui doit l’emmener en promenade. Dans l’enceinte de la propriété, un infirmier promène deux vieillards octogénaires qui ne se quittent pas, marchant à leur rythme. À leur âge, la marche devient hasardeuse et l’infirmier les assiste d’une main ferme. Au bout de quelques minutes de marche, il leur tarde de fumer leur cigarette en lézardant au soleil, assis confortablement sur une chaise, activité à laquelle l’infirmier se plie, de bonne grâce. Le bavardage va bon train, la bonne humeur aussi, car il fait bon vivre à Longue Vie, même si l’on n’entend plus très bien ce que l’autre dit, et que l’oubli a effacé les souvenirs de la vie.
À leur âge, ils ressentent le besoin d’être assistés, car ils sont trop fatigués ou tout simplement trop vieux pour vivre seuls, mais ils refusent d’être un poids pour leurs proches, enfants ou petits-enfants. Ils ont trouvé en Longue Vie la maison de repos idéale, où ils se sentent chez eux, où ils jouissent de leur indépendance, où tout est étudié pour le bien-être...