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Actualités - ANALYSES

Administration - Un rapport accablant pour le Liban - Le plan de lutte contre la corruption est prêt. Reste la décision politique

«Nous en avons ras-le-bol de ceux qui nous volent notre avenir». Ce cri du cœur lancé par un étudiant résume à merveille l’état d’esprit des jeunes face au modèle que leur offrent leurs aînés, qu’ils agissent dans le secteur public ou privé. S’il y avait, en effet, un classement, le Liban viendrait dans le peloton de tête des pays où sévit la corruption. C’est en tout cas ce qui ressort du rapport publié par la société Information International, chargée par le Centre International pour la prévention du crime (relevant de l’Onu) d’établir un état des lieux de la situation au Liban. Rendu public hier, au cours d’une rencontre d’experts en la matière, ce rapport montre à quel point il est urgent d’agir. En présence d’experts internationaux, notamment des personnalités qui ont assisté à la lutte contre la corruption à Hong Kong et Singapour, la société Information International a rendu public son rapport sur l’état des lieux au Liban, qui est le fruit d’une enquête poussée dans les divers secteurs de la vie politique et sociale du Liban. Le constat est terrible et la plupart des personnes présentes, notamment le député Boutros Harb et l’ancien président du CSM, Philippe Khairallah, tous deux membres du comité national pour la lutte contre la corruption, ont presque eu honte. Mais, comme l’a souligné Jawad Adra, directeur de Information International, la société libanaise est schizophrène : tout le monde y dénonce la corruption et est conscient des failles du système, mais la plupart des gens font avec et s’intègrent au système décrié. Tous les secteurs sont atteints L’enquête poussée menée par la société a montré, après avoir défini la corruption selon les critères internationaux, que celle-ci est répandue dans tous les secteurs de la vie libanaise, au niveau du système confessionnel, privilégiant le clientélisme, de l’administration gonflée et manquant souvent de compétences, mais aussi dans les domaines de la justice, des douanes, des médias, des affaires et même des Ong, qui acceptent les subsides versées par des parties politiques et manquent de transparence. Par où commencer ? Cette question cruciale s’impose d’elle-même et la réponse est particulièrement difficile. Le ministre du Développement administratif Fouad Saad a essayé d’y répondre au cours de la séance inaugurale, présidée par le magistrat Ralph Riachi. Saad a exposé les grandes lignes du plan officiel de lutte sur la corruption tout en insistant sur la nécessité de procéder à une sensibilisation de la population au sujet de la corruption. Pour le ministre, tout projet de lutte contre la corruption doit passer par un vaste programme d’éducation. Mais il s’agit là d’un mécanisme à long terme et avant d’en arriver là, ce qu’il faut, selon lui, c’est une décision politique au plus haut niveau pour permettre l’application d’un plan anticorruption. L’ancien président du Conseil supérieur de la magistrature Philippe Khairallah, membre du comité national pour la lutte contre la corruption, formé par le gouvernement le 4/10/2000 est entré un peu plus dans les détails. Selon lui, cette lutte commence par une loi électorale équitable qui permette l’arrivée au Parlement de véritables représentants du peuple. Elle passe ensuite par la consolidation de l’indépendance de la justice, de manière à rendre les magistrats imperméables à toutes les pressions et les tentations et par l’assainissement de l’administration, en adoptant le principe de la transparence et en renforçant les organismes de contrôle. Khairallah a exposé un plan concret avec des mesures réalisables. Reste à savoir si le mécanisme d’application sera un jour mis en œuvre. L’exemple de Hong Kong M. Bertrand de Speville, ancien membre de la commission indépendante pour la lutte contre la corruption à Hong Kong a raconté son expérience dans cette terre lointaine. Selon lui, lorsque la commission a entamé son action, personne ne croyait à un éventuel succès. Et pourtant, cela a pris du temps, mais aujourd’hui, Hong Kong a, selon lui, vaincu la corruption. Même les puissants hommes d’affaires ont finalement reconnu que l’argent propre apporte un plus grand bénéfice. M. Speville a précisé que par certains côtés, le Liban semble avoir beaucoup de points communs avec Hong Kong et finalement, le plan de lutte contre la corruption peut être basé sur les mêmes principes. Il faut d’abord la volonté de gagner cette bataille, des lois adéquates, un assainissement de la police et les moyens nécessaires pour lancer ce programme. Parallèllement à ces mesures, il faut aussi lancer une campagne auprès de la population et établir un vaste programme éducatif pour que le peuple devienne le garant de l’intégrité. Les orateurs se sont succédé, développant les mêmes thèmes, avec de temps en temps, quelques détails supplémentaires. Des suggestions ont même été faites et un groupe de jeunes a exposé la campagne qui sera bientôt lancée dans les médias pour sensibiliser les citoyens aux dangers de la corruption. D’où vient cependant, cette impression pesante que toutes les belles paroles entendues seront très vite oubliées ? Le Liban serait-il plus difficile à gérer que Hong Kong ? Comme le constate le rapport de Information International, ici, l’équation de départ est viciée par le confessionnalisme. Les Libanais sont-ils prêts à y renoncer ?
«Nous en avons ras-le-bol de ceux qui nous volent notre avenir». Ce cri du cœur lancé par un étudiant résume à merveille l’état d’esprit des jeunes face au modèle que leur offrent leurs aînés, qu’ils agissent dans le secteur public ou privé. S’il y avait, en effet, un classement, le Liban viendrait dans le peloton de tête des pays où sévit la corruption. C’est...