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Actualités - REPORTAGES

ORDRES RELIGIEUX - Les antonins célèbrent demain la fête de leur saint patron - Trois cents ans au service de l’Église et du Liban

Il y a trois cents ans, le premier ordre monastique maronite au Liban vit le jour à Mar Chaya, dans la région de Broummana, à l’initiative de l’évêque Gabriel de Blawza. Il fut voué à Saint-Antoine le Grand. Le 15 août 1700, la fondation de l’Ordre maronite antonin fut proclamée au cours de la première messe solennelle célébrée au monastère de Mar Chaya. Le nombre de moines antonins augmenta régulièrement au fil des ans. Au XVIIIe siècle fut créée la Congrégation des sœurs antonines. Aujourd’hui, l’Ordre antonin maronite compte vingt-trois couvents au Liban et la Congrégation totalise une centaine de moines-prêtres. À l’occasion du tricentenaire de l’Ordre antonin et de la fête demain, 17 janvier, de Saint-Antoine le Grand, une conférence ayant pour thème «le rôle culturel, social et national du couvent Saint-Antoine, Baabda» a été organisée au couvent des moines antonins de Baabda, à l’auditorium «père Joseph Chidiac», en présence de plusieurs personnalités religieuses, politiques et sociales. L’histoire de l’ordre religieux des moines antonins s’inscrit essentiellement dans le cadre de l’histoire du «courant» maronite. Nous sommes en 1693. À cette époque existaient, dans la région de Broummana, des vestiges d’un monastère construit au IXe ou Xe siècle par des moines de Saint-Isaïe, vraisemblablement originaires de Mésopotamie. Mgr Gabriel de Blawza (originaire du Liban-Nord), évêque d’Alep, dépêche à Mar Chaya trois moines avec pour mission d’y construire un monastère destiné à être le point de départ d’un ordre monastique. Mais on n’avait pas prévu la violente opposition des druzes de la région. En 1698, l’évêque relance sa démarche, sous la protection de l’émir druze Abdallah Bellamah, dont les petits-fils se convertirent par la suite à la foi chrétienne maronite. Le 15 août 1700, la première messe au monastère est célébrée par l’évêque Gabriel. C’est la date que les antonins considèrent comme celle de la naissance officielle de leur ordre qui fut voué à Saint-Antoine le Grand. Le premier problème qui se posait aux moines de la nouvelle congrégation était celui de la Règle, d’autant plus capital que cette Règle devait être observée par tous les monastères à venir. Les pratiques séculaires des couvents (psalmodie, chorale, prière silencieuse, travail manuel, abstinences et mortifications) constituaient une base qu’il fallait désormais structurer juridiquement. L’extension de l’Ordre À la fin du XVIIe siècle, il y avait au Liban des capucins, des franciscains, des carmes et des jésuites, mais il n’y avait aucune communauté de moines. Leur constitution fut approuvée par le patriarche maronite d’Antioche, Mgr Douaïhi, et adoptée par les moines de Mar Chaya. Le nombre de religieux augmentait à Mar Chaya, et au début du XVIIIe siècle il dépassait déjà les possibilités d’accueil du monastère. Commença alors l’extension de l’Ordre des moines antonins : Ghazir, Mar Abda el-Mouchammar, Qattin, Ehden, Baabda… Le 17 janvier 1740, le pape Clément XIIe promulgua le «Misericordiarum Pater», approbation formelle et définitive aux antonins. Quatre ans auparavant, l’année 1736 fut une date importante dans l’histoire de l’Église du Liban : c’est cette année-là que se tint le synode libanais, sous le pontificat de Clément XIIe, destiné à mettre en vigueur les décisions du Concile de Trente. Au XVIIIe siècle, la Congrégation des sœurs antonines vit le jour. Elle compte actuellement trois couvents. Le XIXe siècle fut assez agité et plusieurs moines trouvèrent la mort au cours de divers massacres. Les activités des moines antonins se sont faites de plus en plus importantes. Elle s’étendent aujourd’hui à tous les niveaux : religieux, national, pédagogique, culturel, social… Actuellement, l’Ordre antonin maronite compte vingt-trois couvents au Liban, et la congrégation totalise une centaine de moines-prêtres. Conférence à l’occasion du tricentenaire «Avant l’Université antonine, avant le collège et avant les autres institutions, au commencement était le couvent …». C’est par cette parodie de la Bible que le père antonin Sarkis Tabr a ouvert la conférence sur «le rôle culturel, social et national des antonins de Baabda», à l’occasion du tricentenaire de l’ordre. Avant l’ouverture des débats, l’assemblée a observé une minute de silence en mémoire des pères antonins Albert Cherfane et Sleiman Abi Khalil, disparus dans des circonstances mystérieuses en octobre 1990, lors de l’opération militaire contre le général Aoun, et considérés comme martyrs. La première intervention fut celle de Mgr Boulos Matar, évêque maronite de Beyrouth, qui a défini le sens de la vie monastique et apostolique. Il a notamment souligné l’importance d’une unité des archevêchés dans l’Église. «Les institutions monacales sont présentes pour servir le peuple de Dieu». Selon Mgr Matar, les divers rôles des moines dans la société se résument dans l’éducation et le prêche de la foi. «Nous sommes responsables de tout homme, chrétien ou non (…). Que les institutions monastiques soient des incarnations de l’Église, ou bien qu’elles ne soient pas», a-t-il conclu. Le professeur Hyam Mallat, responsable des Archives nationales, ainsi que le professeur Maroun Yazbeck se sont penchés – dans un témoignage parti du cœur – sur l’influence du couvent de Baabda sur les habitants des villes de Baabda et Hadeth. M. Mallat a relevé que le couvent fut pendant longtemps le lieu de rencontre des poètes, écrivains et intellectuels. Il a qualifié les moines antonins de piliers de la renaissance intellectuelle de la région : «L’effondrement des États commence par la dégénération de l’homme», a-t-il souligné. M. Yazbeck a exposé, quant à lui, la relation «filiale» et particulièrement altruiste et bienveillante, qui a depuis toujours existé entre les moines antonins et les habitants de Hadeth. Il a insisté sur le service des moines «non seulement en tant que prêtres chargés officiellement d’une mission, mais également en tant que frères pleins de miséricorde et d’amour». M. Yazbeck a également rappelé que le couvent Saint-Antoine était sous la juridiction de la municipalité de Hadeth, d’où la nécessité d’intégrer le nom de la ville à l’appellation du couvent. Le professeur Jean Charaf, historien, s’est penché sur «le rôle du couvent au niveau national et au niveau du développement». Il a souligné la générosité des antonins et leur rôle dans l’économie de la région. En effet, les moines avaient distribué, au XVIIIe siècle, leurs avoirs aux habitants des environs pour éviter la famine qui menaçait la région à l’époque. De plus, «c’est du salon de ce couvent qu’est sortie la première appellation “Libanais” dans son sens politique ; cela reflète la volonté de se dégager du joug ottoman». Les antonins brisent l’anathème L’allocution du père Antoine Daou (antonin) était surtout un hommage rendu au père Joseph Chidiac, «érudit, figure symbolique de l’Ordre antonin». En effet, c’est au père Chidiac que le collège de Baabda doit son existence ; il fut le catalyseur de toutes les activités du couvent de Baabda, dont les bienfaits se sont étendus à toute la région au début du XXe siècle. Le père Daou a également rappelé la première «rencontre œcuménique», à l’initiative des antonins de Baabda. Cinquante-trois ans avant la rencontre du pape Paul VI et du patriarche orthodoxe Athenagoras, sur le Tombeau du Christ, les moines antonins et le patriarche orthodoxe Gregorios Haddad ont brisé l’anathème entre les deux Églises. En 1912, en plein milieu du schisme entre les deux Églises catholique et orthodoxe, à l’époque où un anathème avait été imposé, le patriarche Haddad rendait visite à l’archevêché orthodoxe du Mont-Liban, situé à Hadeth. Les moines antonins ont alors rendu visite au patriarche. Leur rendant la politesse, le patriarche Haddad visita le couvent de Baabda le 9 février 1912, jour de la fête de Saint-Maron ; il fut accueilli en grande pompe par les moines, les instituteurs du Collège de Baabda, les élèves et leurs parents. Cela nous paraît banal aujourd’hui. Mais à l’époque des rivalités et du plus grand conflit dans l’histoire du christianisme, il s’agissait d’un événement d’une remarquable portée dont l’importance n’échappe à personne.
Il y a trois cents ans, le premier ordre monastique maronite au Liban vit le jour à Mar Chaya, dans la région de Broummana, à l’initiative de l’évêque Gabriel de Blawza. Il fut voué à Saint-Antoine le Grand. Le 15 août 1700, la fondation de l’Ordre maronite antonin fut proclamée au cours de la première messe solennelle célébrée au monastère de Mar Chaya. Le nombre...