Tous les dignitaires conservateurs iraniens étaient au rendez-vous hier pour le grand rassemblement qui a réuni des centaines de milliers de partisans du régime islamique et de son Guide suprême l’ayatollah Ali Khamenei. Sur le campus de l’université de Téhéran, qui a connu ces derniers jours des journées d’émeutes et de rassemblements sans précédent dans les annales du régime, la foule était venue apporter «son soutien à la révolution». Fait notable: aucun portrait du président réformateur Mohammad Khatami n’était visible sur le campus et à l’intérieur de l’université. Lui-même était absent de la manifestation. «Nous sommes là pour envoyer une gifle aux contre-révolutionnaires et à l’oppression mondiale et à sa tête les États-Unis», a lancé une femme en tchador noir accompagnée de son enfant de huit ans. «Il ne faut pas rêver, ici c’est l’Iran, le pays des lions», a affirmé Bijan, un jeune «bassidji» (milicien islamiste) portant un keffieh autour du cou et brandissant un portrait souriant de l’ayatollah Khamenei. Tous les dirigeants conservateurs du régime étaient assis à même le sol aux premiers rangs de la foule sur le campus de l’université, qui sert tous les vendredis à organiser la prière hebdomadaire collective. Les députés plutôt conservateurs, quelques membres du gouvernement et certaines figures de la faction radicale étaient parmi la foule. Le président du Parlement Ali Akbar Nategh-Nouri, chef de file des conservateurs, était assis aux côtés d’Ali Akbar Vélayati, l’ancien ministre des Affaires étrangères, et Ahmad Janati, président du Conseil de surveillance de la constitution. Parmi le gotha conservateur on trouvait également Hassan Amani, président de la puissante association professionnelle du Bazar de Téhéran, centre névralgique du commerce traditionnel en Iran. Des manifestants portaient des portraits de l’imam Khomeyni ainsi que quelques portraits de l’ancien président Ali Akbar Hachémi-Rafsandjani. Toutes les pancartes et banderoles portaient des slogans en faveur du Guide suprême et étaient hostiles aux États-Unis, à Israël et aux Moudjahidine du peuple, principal mouvement d’opposition armée basé en Irak. Certains manifestants portaient des linceuls blancs aspergés d’encre rouge-sang, signe de leur disposition à mourir en «martyrs». «Honte aux hypocrites, hypocrites hors de l’université», scandaient en faisant allusion aux Moudjahidine du peuple des milliers de manifestants au cri de «Allah-O-Akbar» (Dieu est le plus grand). Un enfant de six à sept ans, monté sur les épaules de son père portait une affiche sur laquelle on pouvait lire : «Les États-Unis sont responsables de tous les complots». Sur le grand boulevard Enghelab (révolution), au centre-ville et près de l’université, il n’y avait plus de place et la foule se déplaçait avec difficulté. Cette grande manifestation a été organisée à l’appel de l’Organisation de la propagande islamique (OPI), principal organisme de propagande du régime, pour déjouer les «complots des ennemis de la révolution, de la République islamique et son pivot le Guide suprême l’ayatollah Khamenei». Sur les innombrables affiches, on lisait également : «L’Amérique est notre ennemi de toujours» ou encore «L’unité est le message du Guide». La foule, arrivée dès les premières heures de la matinée à bord de centaines d’autocars affrétés pour la circonstance ou par leurs propres moyens, brandissait frénétiquement les bras aux poings fermés. La télévision, elle aussi tenue par les conservateurs, a donné une importante couverture de cet événement dont les images ont été diffusées sur fond de chants révolutionnaires.