Actualités - CHRONOLOGIE
La haute couture aux mains des groupes financiers
le 01 juillet 1999 à 00h00
Pour qu’elle puisse survivre, la haute couture a dû s’incliner devant le capital. Il en est ainsi du monde de la mode (même haute) comme du reste du marché : s’associer pour ne pas couler. Les plus prestigieuses griffes de la «haute» sont, l’une après l’autre, tombées entre les mains de puissants groupes financiers. La création va-t-elle rester ce qu’elle était? Au premier quart de ce siècle, il y avait en France 75 maisons de couture, totalement indépendantes, qui faisaient vivre 350000 ouvriers et 150 000 artisans. Les exportations de leurs créations représentaient 15% du total des ventes à l’étranger de produits nationaux. À la fin de ce même siècle, il n’en reste que 14 maisons et quelques créateurs dont les modèles se rapprochent de la haute couture. Le reste fait partie ou plutôt est sous la coupe de la haute finance. Christian Dior, Givenchy, Céline, Kenzo, Louis Vuitton sont tombés dans l’escarcelle du géant LVMH (le groupe puissant Louis Vuitton-Moët Hennessy) qui, en 1987, a même financé une nouvelle maison, celle de Christian Lacroix. En 1988, la maison Nina Ricci, qui depuis sa création était une affaire de famille, s’est associée à Sanofi, filiale du groupe Elf. En 1989, la griffe est rachetée par Puig (Espagne) également propriétaire de Paco Rabanne. Mais les nouveaux propriétaires ont abandonné la couture pour se concentrer aux parfums dont ils développent activement les perspectives. Yves Saint-Laurent a résisté vaillamment juqu’à 1993. Dirigée par Pierre Bergé, la maison est passée à son tour sous le contrôle de Sanofi-Beauté. À l’heure actuelle, elle est de nouveau à vendre... Emanuel Ungaro a, lui aussi, cédé sa maison au groupe italien Salvatore Ferragamo. Disparues faute de bénéfices L’une après l’autre, les grandes maisons disparaissent sous leur forme initiale, faute de bénéfices ou de successeurs prêts à assumer plus des «contre» que des «pour». Schiparelli, Madeleine Vionnet, Jacques Esterel, Peer Spook ont ouvert les premiers la marche vers la sortie. Quand on évoque la question avec le président de la Chambre syndicale de la haute couture, Didier Grumbach, il affirme que la prospérité d’une griffe ne dépend pas de la couture mais paradoxalement du parfum. Il doit se baser, sans doute, en toute connaissance de cause, sur le cas de la maison Thierry Mugler, dont M. Grumbach fut longtemps le dirigeant. La griffe appartient aujourd’hui au groupe Clarins, son ancien licencié en parfumerie, qui a lancé avec un tapage médiatique sans précédent et un succès égal, Angel, le premier parfum de la griffe. Jean Patou, une griffe célèbre des années 20 et 30, après le départ de Christian Lacroix, n’a plus de production «couture», ni «haute», ni prêt-à-porter. Elle ne perdure que grâce à ses parfums. C’est effectivement à croire que les maisons de couture se doivent, pour survivre, s’adosser sur les ventes assurées par les parfums «stars». Ce qui traduit le fait que le secteur «cosmétiques», c’est-à-dire produits de beauté, de maquillage et parfums, s’avère beaucoup moins vulnérable par temps de crises économiques que la couture. Déjà en 1986, Yves Saint-Laurent, ayant pressenti ceci, avait racheté ses parfums à la firme américaine Squibb, regroupant toutes ses activités sous une même enseigne afin de mieux les rentabiliser. Mais la palme dans ce domaine revient à Chanel. Son célèbre N° 5 est né en 1921. Il n’était alors vendu que dans les boutiques de la griffe. C’est trois ans plus tard, en 1924, après sa rencontre avec les deux frères Wertheimer, propriétaires des parfums Bourjois, qu’elle monta avec eux la société des parfums Chanel. De terribles divergences allaient opposer les associés, mais elle finit par leur vendre sa maison de couture qu’elle dirigea toutefois elle-même jusqu’à sa mort, en 1971. La maison Chanel, propriété toujours de Bourjois, est à l’heure actuelle la preuve du flair extraordinaire de sa fondatrice et un exemple de réussite économique en faveur de l’importance économique du parfum. La grande menace qui plane sur le paysage de l’industrie du luxe maintenant c’est le développement d’un marketing aux méthodes «à l’américaine», au dépens d’une création de haut vol. Les financiers rêvent de succès tonitruants et de gains consécutifs, déclenchés par des méthodes et des matraquages publicitaires qui n’ont rien à voir avec la qualité qu’ils dispensent à travers les articles qu’ils proposent. Or, si le N° 5 se vend jusqu’à ce jour partout dans le monde, 78 ans après sa création, c’est qu’il s’agit d’une création hors pair et non pas l’effet d’un lancement fantasmagorique ou d’une campagne publicitaire planétaire qui fait sa réussite... Une très vieille vérité prétend qu’on ne peut pas tromper tout le monde, tout le temps...
Pour qu’elle puisse survivre, la haute couture a dû s’incliner devant le capital. Il en est ainsi du monde de la mode (même haute) comme du reste du marché : s’associer pour ne pas couler. Les plus prestigieuses griffes de la «haute» sont, l’une après l’autre, tombées entre les mains de puissants groupes financiers. La création va-t-elle rester ce qu’elle était? Au premier...
Les plus commentés
Aoun et Salam refusent de céder aux conditions de Berry
La remise par Netanyahu d'un bipeur en or à Trump confirmée
À Beyrouth, Morgan Ortagus inaugure l’ère américaine