Rechercher
Rechercher

Actualités - OPINION

ÉVASION - Un rêve devenu réalité Cent Kilomètres à pied

Parcourir cent kilomètres à pied en deux jours avec un sac à dos, en défiant une chaleur écrasante et des centaines de voitures gênées par un piéton obstiné, n’est point une partie de plaisir. Pourtant c’est un rêve que je caresse depuis deux mois et qui est devenu réalité. Il y a quelques jours, donc, j’ai entrepris, sans tenir compte des conseils modérateurs des amis, de faire à pied la distance séparant Sabtieh (banlieue de Beyrouth) et Kfarzeina, mon village natal, situé près de Zghorta ; ce même village où a vu le jour Mgr Youssef el-Dibs, fondateur de l’école de la Sagesse qu’il a construite en 1875, si je ne me trompe. La première journée, la plus pénible parce que mes muscles n’avaient pas encore pris le pli, m’a conduit jusqu’à Byblos après huit heures de marche assidue entrecoupée de deux heures de repos. Les amis qui m’ont accueilli dans la ville de Hiram ont eu du mal à croire à mon équipée, malgré les preuves évidentes de ma fatigue, notamment le spectacle de mes jambes en piteux état. La deuxième journée m’a jeté exténué mais respirant encore chez des parents ahuris par une telle entreprise mais convaincus que j’en étais capable. Une seule fois j’ai maudit ma décision, c’est quand j’ai entamé la montée de Chekka-Kfarhazir, mais les dards du dieu soleil n’ont pu avoir raison de ma résolution. Une fois sur les hauteurs donc en fin de parcours, je me sentais pousser des ailes mais ce n’est qu’à 20 heures que j’ai pu pousser un «ouf» de soulagement. Pourquoi cette marche forcée ou forcenée diront quelques-uns? Pour plusieurs raisons en fait ; d’abord nos pères ont toujours parcouru à pied les sentiers de la montagne libanaise, derrière leurs ânes et leurs mulets, et leur santé était de fer ; pourquoi donc ne pas les imiter du moment que cela est possible. Ensuite pourquoi ne pas découvrir et admirer des endroits, près des côtes ou ailleurs, et prendre le temps de le faire? C’est uniquement en se déplaçant à pied que l’on remarque les petites mais admirables criques de la côté entre Beyrouth et Chekka, des joyaux aux eaux claires et turquoises du côté de Batroun. D’innombrables grottes apparaissent ça et là sur ce même parcours, moins féeriques mais aussi intéressantes à voir, des petites villas qui sommeillent parmi les bananiers et les citronniers. Les méandres de cette route côtière qui ne finit pas de serpenter entre les jardins verdoyants, et qui a eu la chance d’être remplacée par l’autostrade, mérite plus d’un détour pour ceux qui rêvent d’évasion et qui prennent le temps de respirer. Laisser ses quatre roues chez soi, ou avoir le courage de quitter les sièges capitonnés de sa voiture pour découvrir à pied les endroits inconnus ou les trésors cachés d’une nature reposante, n’est point un acte déshonorant mais bien au contraire signe de courage et un pas vers le bonheur. Jean-Jacques Rousseau, l’auteur des Rêveries d’un Promeneur Solitaire, souhaitait toujours d’oublier son crayon avant de s’embarquer dans une île déserte ; je vous souhaite, quant à moi, de vous libérer de votre téléphone portable, le hideux «cellulaire», avant de vous engager sur ces chemins fleuris.
Parcourir cent kilomètres à pied en deux jours avec un sac à dos, en défiant une chaleur écrasante et des centaines de voitures gênées par un piéton obstiné, n’est point une partie de plaisir. Pourtant c’est un rêve que je caresse depuis deux mois et qui est devenu réalité. Il y a quelques jours, donc, j’ai entrepris, sans tenir compte des conseils modérateurs des amis, de...