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Actualités - CHRONOLOGIE

Une démocratie épistolaire

On fait tellement confiance aux hommes politiques en Inde que le chef de l’État a exigé des partis qui veulent former le nouveau gouvernement des lettres signées prouvant qu’ils ont bien le soutien dont ils se targuent. Il faut dire que s’ils ne portent pas la veste, préférant la tunique traditionnelle, les hommes politiques de la plus vaste démocratie du monde la retournent facilement, expliquent les analystes politiques. «La crédibilité de l’homme politique indien est au plus bas» depuis l’indépendance de 1947, affirme avec sévérité N. Bhaskar Rao, directeur du centre d’études des médias. «Ils n’ont aucun engagement, ni idéologie, pas de sens des responsabilités. Le seul principe est de satisfaire les nécessités immédiates», dit-t-il. «Le retournement de veste est de rigueur». Une situation facilitée par l’éclatement politique du pays, représenté par 40 partis au Parlement sans majorité où beaucoup ont un casier judiciaire ou sont sous le coup d’accusations de corruption et autres. Certains n’hésitent pas à faire des déclarations grandiloquentes avant de les désavouer même si elles ont été enregistrées par la télévision. La coalition de 18 partis dirigée par les nationalistes hindous qui a chuté samedi dernier et le Congrès, principale force d’opposition qui tente de former un gouvernement de rechange avec le soutien de multiples alliés, se sont accusés mutuellement d’avoir débauché des parlementaires. Le président K.R. Narayanan leur a demandé de prouver par écrit qu’ils avaient assez de soutien pour un gouvernement stable. Le Congrès a promis de le faire avant vendredi mais avait du mal à rassembler les signatures nécessaires. Les nationalistes hindous ont, eux, remis au président des lettres signées prouvant le soutien de 270 des 545 députés à la chambre. L’une d’entre elle mentionnait le cas d’un député de la majorité sortante ayant «juré sur la tête de sa femme et de ses enfants qu’il ne rejoindrait pas le camp du Congrès» et qui a «semble-t-il été détourné par des cajoleries et autres tentations». Pour mettre un peu d’ordre, une loi de 1980 prévoit que des députés ne peuvent faire défection que s’ils constituent au moins un tiers des parlementaires d’un parti. Sans grand effet, d’autant que certains partis actuels n’ont qu’un seul député. L’éditorialiste du Hindustan Times comparait jeudi les tractations politiques indiennes «à un feuilleton américain sans fin: Santa Barbara». M. Rao se veut optimiste: «Au niveau où nous sommes tombés, les choses ne peuvent que s’améliorer». Pour le commentateur B.G. Verghese, l’Inde fait l’apprentissage de la démocratie comme d’autres pays l’ont fait. Il cite l’instabilité politique de l’Italie et de la quatrième République française. «Je ne considère pas cela comme un problème», dit-t-il. «Chaque société démocratique doit évoluer, cela prend du temps».
On fait tellement confiance aux hommes politiques en Inde que le chef de l’État a exigé des partis qui veulent former le nouveau gouvernement des lettres signées prouvant qu’ils ont bien le soutien dont ils se targuent. Il faut dire que s’ils ne portent pas la veste, préférant la tunique traditionnelle, les hommes politiques de la plus vaste démocratie du monde la retournent...