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Actualités - CHRONOLOGIE

Malaise face à l'alliance de l'humanitaire et du militaire

Jamais jusqu’à la crise actuelle du Kosovo les intérêts des militaires, des politiques et des humanitaires n’avaient été aussi entremêlés, une situation qui provoque parfois un malaise, un mois après le début des bombardements de l’Otan contre la Yougoslavie. Le Haut commissariat aux réfugiés (HCR) et les autres agences de l’Onu ont fait appel à un apport massif de la logistique des troupes occidentales pour les aider à faire face au brusque afflux de centaines de milliers de réfugiés venant du Kosovo. Pour l’agence dont le mandat est la protection des réfugiés et l’Unicef, le Fonds des Nations unies pour l’enfance, le choix était clair : l’Otan était le seul partenaire disponible, équipé de la machine nécessaire et prêt à apporter une aide immédiate et importante aux réfugiés. Une telle coopération est sans précédent à cette échelle mais elle n’est pas la première du genre, déclare Kris Janowski, porte-parole du HCR. Que l’Otan soit également partie au conflit ne pose pas un problème éthique, ajoute-t-il. D’une part, l’agence de l’Onu continue de secourir toutes les victimes, Serbes ou Albanais du Kosovo. «Et si nous avions refusé (l’aide de l’Otan), beaucoup de gens seraient morts en Macédoine et au Kosovo. La Macédoine aurait fermé sa frontière», aggravant le sort des populations fuyant l’épuration ethnique, ajoute-t-il. L’ensemble des effectifs du HCR dans le monde représente l’équivalent de trois bataillons, 4 000 personnes, et l’Unicef dispose d’une centaine de personnels dans les Balkans, contre 8 000 hommes de l’Otan en Albanie et 12 000 en Macédoine. «La dimension de la crise a rendu l’implication de l’Otan indispensable», estime le porte-parole de Médecins sans Frontières (MSF), Jean-Hervé Bradol, une organisation non gouvernementale qui a parfois critiqué le HCR sur le plan des principes. «Il y a beaucoup de situations dans le monde où on demande à une armée participant à un conflit d’aider les populations civiles. On leur rappelle même qu’ils ont des devoirs dans ce domaine», ajoute-t-il. Pour un autre acteur majeur de l’humanitaire toutefois, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), il est hors de question de s’allier à l’Otan car le principe d’indépendance est menacé. «On n’est pas contre un appui logistique des militaires en soi. Ce qui nous préoccuperait, c’est une association durable comme on la voit en Albanie et avec des militaires parties au conflit», dit son porte-parole, Urs Boegli. Le CICR reconnaît que son action, plus limitée, reste dans le cadre de ses moyens propres. Si un recours à l’armée est nécessaire, pourquoi pas des forces neutres ou l’Onu, demande-t-il. «Tout ça c’est de la philosophie. Nous avons besoin d’eux (l’Otan) pour sauver des vies. Ce n’est peut-être pas idéal mais ce n’est pas une tragédie», dit Patrick McCormick, un porte-parole de l’Unicef. L’agence pour l’enfance a cependant des réserves sur le rôle des soldats et aussi des gouvernements dans la crise du Kosovo. «Il y a un malaise des humanitaires à l’égard des militaires. Il ne faudrait pas que les militaires dictent aux humanitaires ce qu’ils doivent faire», dit un autre porte-parole, Marie Heuzé. Cet aspect est en train de s’arranger avec le retour des camps de réfugiés et des opérations sous le contrôle du HCR. Une autre objection va au rôle des gouvernements des pays de l’Otan qui ont pris en charge le tri des réfugiés qu’ils acceptent. «Ça n’aide pas le HCR à jouer son rôle», commente M. Bradol, de MSF. «Il ne faudrait pas une récupération des militaires qui voudraient se donner une bonne image en faisant de l’humanitaire à leurs conditions», renchérit Mme Heuzé, de l’Unicef. Pour le responsable de MSF, le plus gênant réside en fait dans le décalage entre le discours lénifiant de l’Alliance et la réalité. «La guerre a un prix en terme de souffrances pour les populations civiles. Le reste est de la propagande», dit-il.
Jamais jusqu’à la crise actuelle du Kosovo les intérêts des militaires, des politiques et des humanitaires n’avaient été aussi entremêlés, une situation qui provoque parfois un malaise, un mois après le début des bombardements de l’Otan contre la Yougoslavie. Le Haut commissariat aux réfugiés (HCR) et les autres agences de l’Onu ont fait appel à un apport massif de la...