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Actualités - INTERVIEWS

Entretien - Le professeur Sabbah el-Hajj insiste sur l'importance de la communication Deux priorités pour l'Etat : l'orientation économique et l'éducation des citoyens

Les questions budgétaires, actuellement en commission pour étude, sont à nouveau sur le devant de la scène politique, après avoir suscité les réactions hostiles que l’on sait de part et d’autre. Et l’on est en droit de se demander aujourd’hui, si l’actuel Cabinet a eu plus de chance que son prédécesseur pour «faire avaler la pilule» au citoyen, plus anxieux que jamais face à une crise économique qui frappe fort. Cependant, le problème se pose-t-il simplement au niveau des chiffres comptables, du déficit que l’on cherche à tout prix à juguler par des mesures teintées d’urgence? Ou serait-il plutôt au niveau de la manière dont l’équipe ministérielle communique sa politique budgétaire et économique et présente les solutions envisagées pour sortir le pays de l’impasse ? «L’orientation économique et l’éducation des citoyens aux questions budgétaires et autres doivent constituer le bréviaire par excellence de l’actuel Cabinet», nous confie M. Sabbah el-Hajj, économiste, homme d’affaires et professeur d’économie à l’Université américaine. Par «orientation», M. Hajj fait allusion aux objectifs vers lesquels devraient tendre l’économie d’un pays et qui sont d’autant plus importants pour le Liban, que ce dernier a perdu en cours de route sa vocation économique, plus particulièrement durant la guerre. Encore faut-il se demander si cette vocation avait été bien définie dans le passé, le secteur tertiaire ayant toujours été favorisé aux dépens des secteurs agricole et industriel. D’ailleurs, la politique économique du pays n’a-t-elle pas souvent été improvisée au gré des intérêts en jeu, et du contexte politique qui prévalait à telle ou telle époque de l’histoire du Liban ? . À ce sujet, Sabbah el-Hajj affirme «qu’il est temps aujourd’hui de définir le rôle que doit jouer l’économie libanaise à l’avenir et sa place sur le plan régional, car sans cela on ne peut voir clairement vers où l’on se dirige». Les contours de cette orientation, reprend l’économiste, devraient en principe apparaître très prochainement dans le cadre du plan quinquennal tant attendu. Le plus fondamental, estime-t-il, est de s’engager dans une direction précise et d’orienter les impôts et les taxes de façon à encourager certains secteurs. «Une fois l’orientation économique définie , la politique monétaire devra vivre en conséquence avec pour objectif de renforcer les institutions qui auront un rôle important à jouer et ce, en faisant pression sur les secteurs dits improductifs et qui n’ont aucun impact sur l’avenir économique du pays» . Dans une deuxième étape, poursuit l’économiste, il faudra passer à l’éducation des citoyens, cela devrait se faire non pas dans un sens autoritaire, explique-t-il, mais afin que le Libanais soit sensibilisé à la signification de certaines mesures prises dans le cadre d’une politique économique globale. En d’autres termes, c’est en faveur d’une «solidarité nationale» que prêche Sabbah el-Hajj. À l’instar de nombreux pays qui ont vécu des crises économiques sérieuses, et qui sont parvenus à redresser la situation à force de sacrifices et de cohésion nationale (plusieurs pays européens, dans l’après-guerre, le Japon et la Corée du Sud par la suite, etc.), les Libanais, toutes couches confondues, sont appelés aujourd’hui, à travailler la main dans la main, pour participer à la relance de l’économie. «Les citoyens doivent comprendre que la pollution générée par les voitures ainsi que les cigarettes sont néfastes pour leur santé, dit M. El-Hajj, en faisant référence aux taxes alourdies sur l’essence et le tabac». De même, qu’ils doivent comprendre le sens et la finalité de l’impôt qu’ils payent à l’État, qui n’est pas une sanction, mais une «contribution» au bien public. «D’ailleurs, n’est-il pas surprenant de constater que sur 265 000 sociétés répertoriées au Liban, 70 000 seulement sont inscrites au registre commercial dont 20 000 seulement paient leurs impôts», relève un observateur. De plus, note Sabbah el-Hajj, «les solutions à une crise ne se confinent pas à des chiffres comptables». Réduire le déficit en assurant une relance de l’économie dont dépasse la simple perception d’impôts et les moyens prévus pour assurer des rentrées à l’État. L’économie, ce sont, après tout, les hommes qui la régissent. D’où l’importance du facteur humain et de ses multiples ressources. M. Sabbah el-Hajj ira plus loin en disant : «Tous les ministères au Liban doivent avoir une ‘vision économique’ car tout relève de l’économie», note-t-il en relevant que les ministères doivent coordonner leur action et participer en chœur à la relance escomptée, d’où le rôle primordial du ministère de l’Information «qui ne doit pas se transformer en porte-parole de l’État, mais préparer les citoyens à la notion d’intérêt public», avance l’économiste en faisant allusion à l’importance d’une politique de communication que l’État est appelé à instaurer autour de certaines questions vitales. Tout cela pour dire, qu’en plus de considérations purement économiques, financières ou monétaires, l’État est appelé à faire preuve «d’innovation» et de créativité et «ne plus utiliser les moyens traditionnels adoptés dans les situations normales», note l’économiste. Tout en admettant que la marge de manœuvre dont dispose l’État est relativement étroite, M. Hajj avance l’idée qu’il faut que la politique monétaire et le budget soient établis sur une base productive qui puisse relancer l’économie. Car jusque là, affirme-t-il, «les gouvernements qui se sont succédé n’ont pas établi une politique financière à proprement parler mais uniquement une politique de perception d’impôt. Je m’attends à ce que le ministre Corm lance une politique financière beaucoup plus globale». Une politique qui aille dans le sens d’une stratégie de développement globale, en ayant toujours en vue «une bonne gestion de la terre, de la main-d’œuvre et du capital», afin de pouvoir assainir une économie en mal d’être. Un travail de longue haleine, mais auquel il faudrait peut-être commencer à s’attaquer.
Les questions budgétaires, actuellement en commission pour étude, sont à nouveau sur le devant de la scène politique, après avoir suscité les réactions hostiles que l’on sait de part et d’autre. Et l’on est en droit de se demander aujourd’hui, si l’actuel Cabinet a eu plus de chance que son prédécesseur pour «faire avaler la pilule» au citoyen, plus anxieux que jamais face à...