Rechercher
Rechercher

Actualités - CHRONOLOGIE

Assad à Paris : première journée placée sous le signe du Liban La France et la Syrie d'accord pour une stricte application par Israël de la résolution 425(photo)

«Le président Assad a longuement parlé du Liban, comme il le fait d’habitude»: cette petite phrase du porte-parole de l’Elysée constituait-elle une référence à la durée de l’intervention du chef de l’Etat syrien ou bien au maintien de ses positions sur la question? Toujours est-il que Catherine Colonna s’est empressée de préciser que l’exposé a été un rappel des positions de Damas sur la question et sur la situation dans le Sud libanais. Sur ce point en particulier, les vues de MM. Chirac et Assad sont en parfaite concordance: nécessité pour Israël d’appliquer à la lettre la résolution 425 du Conseil de Sécurité de l’ONU et appui sans réserve à la position de Beyrouth. Pour le chef de l’Etat syrien, ce premier tête-à-tête, quelques heures à peine après son arrivée dans la capitale française pour une visite officielle de trois jours, aura donc été consacré en majeure partie au Liban, une large place étant faite, comme de bien entendu, aux relations bilatérales et au processus de paix au Proche-Orient. Le président français a estimé au cours de cet entretien que la situation actuelle était «proche de l’impasse totale», selon la porte-parole de la présidence française. Jacques Chirac a notamment «exposé la proposition franco-égyptienne de conférence» qu’il avait lancé le 18 mai avec le président Hosni Moubarak. Le président Assad a fait «peu d’observations». Visiblement bien informé du contenu et des objectifs de l’initiative franco-égyptienne, il «n’en a pas refusé l’idée». «La France est déterminée à ne pas laisser le processus de paix s’effondrer car ce serait une situation trop dangereuse», a insisté Jacques Chirac qui, cité par son porte-parole, a rappelé que la France «soutenait les efforts en cours des Américains». «Mais, a-t-il relevé, le temps passant, nous approchons du moment où il faudra réfléchir d’une façon plus concrète à ce que les pays intéressés à la paix feraient en cas d’arrêt du processus en cours». Présentant la démarche franco-égyptienne comme «un moyen de sortir de l’impasse actuelle», avec pour «seul objectif» d’aider le processus de paix à se poursuivre, Jacques Chirac a expliqué qu’il s’agissait de réunir «toutes les bonnes volontés». La conférence, a-t-il indiqué, devrait «réaffirmer les principes qui fondent le processus de paix, réaffirmer la validité des accords conclus, la nécessité d’appliquer les résolutions pertinentes de l’ONU». L’initiative franco-égyptienne avait été lancée dans un contexte d’impasse qui prévaut toujours. Elle prévoit la convocation d’une «conférence des pays résolus à sauver la paix», une idée qui avait été aussitôt rejetée par Israël, accueillie tièdement par les Etats-Unis et dans un silence syrien marquant. C’est que Damas, indique-t-on sur les bords du Barada, craignant qu’une telle réunion fasse table rase du principe de l’échange de la terre contre la paix, préfère, à tout le moins pour l’heure, réserver sa réponse. Faute d’avoir une influence sur la crise israélo-palestinienne, les Quinze, mais surtout la France, pensent en revanche pouvoir être utiles à une reprise des pourparlers de paix syro-israéliens. A la satisfaction de Damas, Paris a reconnu que «seul un accord global incluant les deux volets syrien et libanais permettrait d’assurer une paix durable et la sécurité des populations de la région». Aujourd’hui, le Liban n’est plus considéré comme une pomme de discorde franco-syrienne, comme dans le passé. La période écoulée depuis la première visite de Hafez el-Assad en France permet de mesurer les progrès enregistrés dans les relations entre les deux parties. Désormais, les relations sont qualifiées de «stratégiques». La France n’a cessé depuis deux ans de donner des assurances à la Syrie, qui craint d’être isolée sur la scène régionale et qui voit dans une alliance — bénie par les Etats-Unis — entre la Turquie à sa frontière nord, et Israël au sud, une menace à sa position. Sur un autre plan, le chef de l’Etat syrien va mettre à profit les excellentes relations que son pays entretient désormais avec la France pour tenter d’obtenir une accélération des négociations devant mener à un accord d’association avec l’Union européenne. La coloration économique de la délégation qui accompagne M. Assad traduit le souhait de Damas de s’arrimer durablement à l’UE, dans le cadre du partenariat euro-méditerranéen. Des négociations sur un accord d’association, entamées en mai, s’annoncent longues et difficiles, alors que l’ouverture économique syrienne en est encore à ses premiers balbutiements. Troisième volet des contacts qui doivent se tenir à l’occasion de cette visite: les rapports bilatéraux franco-syriens. Des questions ayant trait aux relations commerciales et culturelles seront évoquées au cours des réunions appelées à se tenir aujourd’hui vendredi. Cela explique la présence au sein de la délégation du vice-premier ministre chargé des Affaires économiques Sélim Yassine, du ministre de l’Economie Mohammed Imadi, du ministre des Finances Mohammed Mahayni et de 18 hommes d’affaires conduits par M. Rateb Shallah, président de la Chambre de commerce et d’industrie de Damas et aussi de Mme Najah Attar, ministre de la Culture. Le cas Brunner Au cours du tête-à-tête d’hier, Jacques Chirac a soulevé le cas du criminel de guerre nazi Aloïs Brunner, soupçonné d’être caché sous un nom d’emprunt en Syrie. Cité par Catherine Colona, le président français a souhaité que la Syrie, «par la voie judiciaire, réponde à la demande faite par la justice française». Il n’a toutefois pas obtenu de «réponse précise» de la part de son interlocuteur. Pendant l’entretien Chirac-Assad, les ministres des Affaires étrangères des deux pays, MM. Hubert Védrine et Farouk el-Chareh ont tenu une longue réunion en présence des ambassadeurs français à Damas et syrien en France, MM. Charles-Henri d’Aragon et Elias Nejmeh. Divers sujets relevant des relations politiques et économiques ont été évoqués, notamment la restitution par la Syrie d’un bien-fonds propriété de l’Etat français situé à Damas et qui avait été saisi lors des nationalisations des biens étrangers en Syrie. Cette parcelle abritait une école française qui d’ailleurs sera réédifiée par les soins de la France. Arrivée à 15h — heure locale (16h heure de Beyrouth), le président Assad a été accueilli à l’aéroport d’Orly, au pavillon d’honneur, par le président Jacques Chirac. Après avoir passé en revue les détachements des trois armes et de la gendarmerie nationale, MM. Assad et Chirac sont partis en hélicoptère vers Paris. Le chef de l’Etat syrien, durant son séjour, est installé à l’hôtel Marigny, résidence des hôtes de marque de l’Etat français. En prévision de l’offensive diplomatique dont la première étape est constituée par sa visite en France — et qui sera suivie de deux autres visites tout aussi symboliques à l’automne, à Moscou puis à Beyrouth —, le président Assad avait pris soin de présenter son pays sous un jour nouveau. Au cours des derniers mois, il a ainsi libéré des prisonniers politiques et des détenus libanais, effectué de nouvelles nominations dans l’appareil militaire et accepté pour la première fois d’accueillir des bâtiments de guerre de la marine britannique. Malgré ces signes d’ouverture, la visite en France laisse une impression de malaise tant la Syrie continue de subir les effets de mauvaise image en Occident. «Peut-on tolérer l’emprisonnement de plus de deux mille prisonniers d’opinion dans un pays dont on veut faire un «partenaire stratégique?» s’interroge «Le Monde». L’éditorialiste du quotidien français «Libération» a lui aussi du mal à comprendre que M. Chirac «ait accepté de délivrer un certificat de bonne conduite à un homme qui se gausse des droits de l’homme comme de la démocratie».
«Le président Assad a longuement parlé du Liban, comme il le fait d’habitude»: cette petite phrase du porte-parole de l’Elysée constituait-elle une référence à la durée de l’intervention du chef de l’Etat syrien ou bien au maintien de ses positions sur la question? Toujours est-il que Catherine Colonna s’est empressée de préciser que l’exposé a été un rappel...