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Actualités - REPORTAGE

Courant FL v/s familles traditionnelles Bécharré : candidats interchangeables pour un trésor à l'abandon (photos)

La première chose que la nouvelle municipalité de Bécharré devra faire, une fois entrée en fonctions, c’est de réglementer la circulation à l’intérieur d’une agglomération laissée dans un incroyable abandon, et dont les services municipaux vétustes, quand ils existent, sont à bout de souffle et ne fonctionnent que par la force de l’habitude. Dans des ruelles en pente, étroites, bordées de maisons, les voitures, tracteurs, camions, et tous-terrains de luxe se croisent, manœuvrent, dans le chaos le plus total. Les sens uniques, si pratiques pourtant, sont là chose inconnue. Dommage, car cette petite ville a des atouts que nulle autre agglomération du Liban ne possède. C’est la dernière avant la forêt des Cèdres du Liban, qui ont donné au drapeau national son symbole, elle domine la Kadisha, la «vallée sainte» aux gorges profondes encore toutes imprégnées des heures de gloire de la vie monastique maronite, centre de ski et de villégiature, château d’eau, village natal de Gibran Khalil Gebran, elle est tout cela, sans parler de son climat et de la beauté à couper le souffle du cirque de montagnes qui l’entoure. Et pourtant, son paysage urbain est laid et triste. Aujourd’hui, dimanche, c’est jour de boucherie, les venelles pittoresques, mais sales et désordonnées, sont encombrées des entrailles des animaux égorgés dont le sang se répand sur une chaussée, des artères qui pourraient devenir d’admirables promenades sont poussiéreuses et impraticables. C’est non seulement de l’ordre qu’il faut ici, mais de la culture. La nouvelle municipalité aura — presque — tout à faire, ou refaire, mais aura acquis, à bon marché, un inestimable trésor. La bataille municipale oppose deux listes appuyées, respectivement, par le courant des «Forces libanaises» et l’establishment politique traditionnel incarné par les députés Gebran Tok et Kabalan Issa el-Khoury. Mais à y regarder de plus près, les choses sont plus nuancées. Meilleur tacticien, le «courant FL» a pris de vitesse les politiciens chevronnés, et a formé une liste de dix huit membres dont la moitié au moins est composée de candidats pour ainsi dire «interchangeable». La réciproque est vraie, et dans la liste de quatorze membres formée par les chefs politiques traditionnels, figurent des personnes qui auraient parfaitement trouvé leur place dans la liste appuyée par le courant «FL». Il y a aussi quelques indépendants qui auraient pu faire l’affaire de l’une ou l’autre liste. Certains électeurs, d’ailleurs, corrigent par eux-mêmes, mais le panachage reste limité. Pour «percer» la liste «FL», une imitation du bulletin de vote portant les dix-huit noms a été imprimé, avec trois ou quatre modifications. Ruse classique que l’adversaire a contrée en imprimant une nouvelle liste, avec d’autres caractères. L’heure de vérité Ce que le courant «FL» a réussi, c’est de cristalliser autour de lui un certain nombre de personnes, jeunes pour la plupart — certains de ces candidats sont également, pour la première fois, électeurs —, qui souhaitent faire bouger les choses. De sorte que ceux qui votent aujourd’hui pour la liste appuyée par ce courant le font pour diverses raisons: les uns, déçus par les leaders traditionnels, se prononcent ainsi pour le changement ; d’autres, plus clairement, votent pour des raisons politiques. «Soyons francs, dit cet électeur sans détour, nous votons aujourd’hui pour Samir Geagea, pas pour une municipalité». Mais beaucoup contesteraient ce point de vue sommaire. Certes, il flotte dans le vote d’aujourd’hui un parfum d’heure de vérité, et des candidats de la liste «FL» le reconnaissent. «Le vote d’aujourd’hui sera un sondage, dit l’un d’eux. Nous allons savoir, ce soir, si Bécharré est à nous, comme on dit, ou si nous nous berçons d’illusions». Plus «idéologiquement», cet autre parle d’un «renversement des forces féodales qui nous dominent depuis plus de deux siècles». Mais, là aussi, les choses sont trop décrites en noir et blanc, car la simple volonté d’ouvrir la fenêtre, pour laisser entrer de l’air pur, est tout aussi forte. L’un des atouts de la liste «FL» est qu’elle comporte des représentants de toutes les grandes familles de Bécharré, et des familles qui, pour être moins grandes, n’en sont pas moins illustres. C’est la cause de l’un des principaux reproches faits à la liste «FL». «Les élections d’aujourd’hui ont provoqué un grand malaise au sein des familles, déclare une électrice membre d’une des grandes familles de Bécharré. On aurait pu l’éviter, par une liste consensuelle qui aurait tenu compte des diverses tendances présentes sur le terrain , mais ce consensus a été rejeté par la liste adverse». Est-ce la raison pour laquelle on avait l’impression, en cours de journée, que le taux de participation était moins élevé qu’ailleurs, surtout chez les femmes? A moins qu’une trop grande assurance n’ait démobilisé les électeurs. En tout état de cause, à Bécharré comme à Zghorta par exemple, deux lignes politiques adverses sont parvenues à diviser les solidarités purement familiales ou régionales, bien que l’inverse soit également vrai, puisque le tribalisme et le régionalisme ont également joué leur rôle mobilisateur. C’est dire combien les motivations de la bataille d’hier étaient enchevêtrées et parfois contradictoires. Il reste cependant qu’à la suite du vote de Bécharré, on aura une espèce de radioscopie de la situation sur le terrain. La campagne pour dépassionner, dépolitiser les municipales, a échoué. A Bécharré encore plus qu’ailleurs, celles-çi sont condamnées à rester, selon le mot de Jacques Chirac, samedi, «l’avant-poste de la vie politique». Sethrida Geagea ne contredirait pas cet avis. Nous la rencontrons au modeste domicile paternel de Samir Geagea, entourée de sympathisants, secondée par sa soeur et des fidèles. Elle souligne que la bataille ne doit pas être perçue comme «un règlement de comptes», mais comme l’une des batailles d’un courant qui a démontré sa force ailleurs, par exemple dans les milieux estudiantins et celui des professions libérales. Son souci est que le courant «FL» démontre sa capacité à se manifester démocratiquement et de façon policée, ce que rend possible la parfaite impartialité dont les forces de l’ordre font preuve. Elle assure qu’il existe un changement de l’attitude du pouvoir à l’égard du courant «FL», et approuve de la tête quand on lui demande si Samir Geagea, au fond de sa prison, est tenu au courant de la situation. Les sympathisants ont reçu la consigne, en cas de victoire, de ne pas manifester leur joie avec trop d’exubérance, sans doute pour ne pas aiguiser les antagonismes et réveiller de vieux souvenirs. M. Antoine Choueri, frère de M. Nadim Choueri, tête de la liste du courant «FL», a d’ailleurs effectué une démarche de rapprochement à l’égard de la liste adverse, et rendu visite à M. Kabalan Issa el-Khoury. Un séminaire de travail regroupant les représentants de toutes les forces actives de Bécharré, a été proposé par M. Choueri, en préambule à tout travail municipal. Nous quittons Bécharré et son magnifique cirque de montagnes, encore zébré de coulées de neige, par une route bordée de champs de coquelicots géants. Pour les opérations de décompte des voix, les scrutateurs préparent les piles électriques...
La première chose que la nouvelle municipalité de Bécharré devra faire, une fois entrée en fonctions, c’est de réglementer la circulation à l’intérieur d’une agglomération laissée dans un incroyable abandon, et dont les services municipaux vétustes, quand ils existent, sont à bout de souffle et ne fonctionnent que par la force de l’habitude. Dans des ruelles en...