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Actualités - ANALYSE

Le redécoupage, une idée tardive

Un défaut levantin ancestral: s’y prendre toujours à la dernière minute. Ainsi ce n’est qu’à deux petites semaines des municipales à Beyrouth que des voix se sont élevées pour réclamer la division de la capitale en deux sur le plan électoral, afin de préserver les chrétiens, nettement surclassés en nombre, d’une discrimination potentielle dans le partage des sièges au conseil municipal. «C’est bien trop tard, relève un ministre, et ceux qui crient au loup aujourd’hui auraient été mieux avisés d’intervenir en temps opportun, quand le projet de loi des municipales était encore à l’étude à la Chambre». Sur ce point, il semble avoir raison. Mais un peu moins sans doute, car la démocratie doit être respectée, quand il ajoute: «Non seulement ils n’en avaient rien fait mais ils avaient rué dans les brancards pour rejeter le droit de désignation d’un tiers des édiles dans les grandes cités que le gouvernement voulait se réserver aux fins justement de compenser tout déséquilibre confessionnel sorti des urnes». De fait, le chef de l’Etat avait à l’époque prévenu les parties opposées à la désignation qu’elles s’en mordraient les doigts. «Mais à y regarder de près, réplique une personnalité de l’Est, une fin donnée ne justifie pas tous les moyens et il n’est pas absolument nécessaire de désigner pour préserver les équilibres, quand on peut le faire en instituant des quotas par exemple — comme pour les législatives et comme pour les municipales de 1963 — si on ne veut pas redécouper une circonscription. On ne corrige pas une faute — les naturalisations massives de 1994 qui ont aggravé le décalage démoconfessionnel — par une autre, l’atteinte aux principes les plus élémentaires de la démocratie…». Toujours est-il que la division du Beyrouth électoral requiert, comme on sait, l’adoption par la Chambre d’un projet de loi après examen en commission et débat en séance. D’où nécessaire report du scrutin fixé au dimanche 7 juin. Le gouvernement refuse pour cette lumineuse raison: un renvoi sèmerait le doute sur le bon déroulement d’une opération qui est tout bénéfice pour l’image de marque du pouvoir libanais à l’extérieur, car elle semble accréditer la thèse qu’il est effectivement démocratique, libertaire et tout et tout… Evidemment, on peut relever qu’un tel argument n’a pas empêché que le scrutin soit reporté à Hadeth et à Baabda. Mais c’est un cas mineur qui n’attire pas tellement l’attention, étant largement couvert par le bruissement d’éloges qui a suivi le déroulement des municipales dans le Mont-Liban… Quoi qu’il en soit, le ministre cité précédemment relève qu’«on ne doit pas oublier non plus que le souci des équilibres confessionnels doit s’étendre, si l’on veut être juste, à toutes les villes dont la population est panachée: Tripoli, Saïda, Zahlé et même Baalbeck ou Tyr. La désignation mettait toutes ces cités à l’abri de toute discrimination qui pourrait être source de ressentiments et de heurts intercommunautaires». Ce à quoi l’opposant également mentionné répond que «les désignations auraient été également source d’animosité interconfessionnelle, car on y aurait vu un acte autoritaire de partialité dirigé contre telle ou telle communauté et les désignés auraient eu l’air d’usurpateurs… Ceci étant, si le redécoupage ne peut pas être généralisé dans les villes en question, il n’y aurait pas de mal à remettre sur le tapis l’idée des quotas…». D’autant que comme beaucoup de monde le lui fait remarquer, M. Hariri, qui promet qu’il n’y aura pas de panachage — de biffage plutôt — de la part des électeurs musulmans à Beyrouth, ne peut pratiquement rien en garantir. Surtout s’il n’y a pas une liste unique et que les contempteurs du chef du gouvernement, comme M. Najah Wakim et le Hezbollah pour ne citer qu’eux, arrivent à présenter des candidats. On sait en effet que le contentieux s’est alourdi du fait que M. Hariri affirme vouloir interdire l’accès de tout membre d’un parti au conseil municipal de la ville, ce qui a bien entendu provoqué un tollé et une levée de boucliers de la part des partis toutes tendances confondues. A ce sujet, un haririen affirme que «c’est l’opinion elle-même qui souhaite qu’on fasse barrière aux partis, car leur présence au sein du conseil municipal y transporterait les conflits qui les oppose et en paralyserait l’activité». «On ne voit pas, rétorque un opposant, en quoi le même schéma ne risquerait pas de se produire avec des indépendants, des hommes d’affaires par exemple, dont les intérêts seraient contradictoires et qui se mettraient réciproquement des bâtons dans les roues. De plus, dans un conseil municipal, on ne l’ignore pas, le vrai pouvoir de décision comme d’initiative est au président et il importe peu dès lors de savoir quelles sont les références politiques des membres».
Un défaut levantin ancestral: s’y prendre toujours à la dernière minute. Ainsi ce n’est qu’à deux petites semaines des municipales à Beyrouth que des voix se sont élevées pour réclamer la division de la capitale en deux sur le plan électoral, afin de préserver les chrétiens, nettement surclassés en nombre, d’une discrimination potentielle dans le partage des sièges...