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Actualités - REPORTAGE

Les femmes dans la mêlée municipale Médecon reconvertie dans le social, Ghada Abdallah Yafi souhaite aider les beyrouthins à apprécier leur ville (photo)

Se lancer dans la bataille des municipales à Beyrouth n’est certes pas une sinécure. Surtout lorsqu’on est une femme plutôt timide et qu’on veut mener la bataille sans label politique. Mme Ghada Yafi a malgré tout décidé de présenter sa candidature, forte d’abord du grand crédit de son père, Abdallah (ancien premier ministre et député) mais surtout de son immense désir d’aider les autres. Le service des autres justement, ça la connaît, puisqu’elle a choisi de faire carrière dans la médecine. Pour elle, c’est une vocation qu’elle souhaite désormais poursuivre à travers l’action municipale, afin de permettre aux Beyrouthins d’améliorer leur cadre de vie. On pourrait d’abord croire que cette femme menue, les yeux pétillants derrière ses grandes lunettes a surtout besoin d’être protégée. Mais une fois qu’elle commence à parler, l’impression se dissipe; elle s’exprime avec un tel enthousiasme qu’il en devient contagieux. Mme Yafi évoque simplement son enfance dans une famille tournée vers l’action publique. Même après la mort de son père, sa mère a gardé la maison ouverte, écoutant les doléances des gens et essayant de les aider. C’est sans doute pourquoi servir les autres est pour Ghada Yafi comme une seconde nature. Elle s’est longtemps épanouie dans la pratique de la médecine et elle a même occupé pendant de longues années le poste de directeur du centre de la transfusion sanguine rattaché au ministère de la Santé. C’est d’ailleurs à elle qu’on doit les premières campagnes de don de sang. Spécialisée dans l’hématologie, Mme Yafi a constaté un jour combien elle était impuissante à sauver les vies humaines, dans un Liban déchiré, où les médicaments étaient distribués au compte-gouttes et souvent en quantités insuffisantes pour un traitement. Elle a alors décidé de s’installer en France. Mais là-bas, la médecine perçue comme un job rentable ne lui a pas donné entière satisfaction. Elle a commencé par adhérer au groupe d’amitié islamo-chrétienne puis, lorsque ses enfants ont achevé leurs études scolaires, elle a décidé de rentrer au pays. Ses nombreux amis ont alors commencé à lui suggérer de présenter sa candidature au conseil municipal de Beyrouth. Au début, l’idée lui a paru absurde, d’autant qu’elle est plutôt timide, n’aime pas la publicité et ne dispose pas d’une machine électorale, indispensable dans une ville comme Beyrouth. Puis petit à petit, elle a commencé à examiner sérieusement la question. Pas du tout pour mener une carrière politique, mais parce qu’elle a pensé qu’elle pouvait assouvir sa soif de servir les autres à travers le travail au sein du conseil municipal. «Pour moi, dit-elle, la municipalité n’est pas un enjeu politique. Les résidents, notamment les classes les plus défavorisées, doivent en être les bénéficiaires». Pourquoi les classes défavorisées? Parce qu’à ses yeux, les autres ont toujours la possibilité d’améliorer leur cadre de vie et d’occuper leurs enfants. Les moins nantis, eux, n’ont que les stades municipaux, les jardins publics et les routes à leur disposition. Mme Yafi a d’ailleurs beaucoup d’idées à ce sujet, mais elle hésite à en parler, par modestie, «car, dit-elle,beaucoup de gens ont fait des programmes complets et en ce qui me concerne, je n’ai pas inventé la poudre». Ce ne sont donc pas les programmes qui manquent, mais les personnes capables de les exécuter. «A mon avis, ajoute-t-elle, il faut de la rigueur, du sérieux et de l’honnêteté». Elle a quand même le projet de créer de petites cellules pour organiser des ateliers de céramiques, de musique, d’informatique, de théâtre et de dessin. «Cela permettra aux gens de se rencontrer, de sortir de leur milieu fermé et surtout, cela pourrait offrir des possibilités aux classes défavorisées d’avoir des activités artistiques à des prix abordables». Ayant une formation de médecin, Ghada Yafi est sensible aux questions de la santé, et, si elle est élue, sa priorité ira à l’amélioration des dispensaires — qui deviendraient de vrais centres de consultations, toujours à des prix abordables (Mme Yafi n’aime pas ce qui est totalement gratuit, car il donne l’impression d’être mal fait) — et à l’établissement d’un système de soins d’urgence efficace et bien sûr, rapide. Pour la candidate Yafi, ce qui compte, c’est de motiver les autres et de persévérer afin de les aider à mieux gérer leur temps et donc à apprendre à être plus heureux. «Il faut essayer de soulager les gens, surtout dans les quartiers les plus défavorisés, précise-t-elle. Et c’est là que les municipalités doivent être les plus actives. Il faudra sans doute étudier les problèmes de chaque quartier en particulier. Mais le plus important est de faire participer les résidents eux-mêmes à toute action et à tout projet. C’est cela la véritable démocratie». D’elle-même, Mme Yafi dit qu’elle est totalement apolitique. «Je ne suis ni avec ni contre quelqu’un ou un courant. Ce que je souhaite c’est travailler dans le domaine social, pour le bien-être de tous». Mais elle est aussi contre le confessionnalisme. «J’ai été élevée chez les soeurs franciscaines et j’ai conservé avec elles des relations étroites». Selon elle, il faudrait replacer la religion dans son contexte spirituel. «Alors qu’aujourd’hui, souligne-t-elle, quand on parle de confession, on pense surtout intérêt». D’une voix douce, Mme Yafi affirme avoir pris pour devise cette phrase d’un penseur arabe: «Toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien -être et ceux de sa famille, notamment pour l’alimentation, l’habillement, le logement, les soins médicaux, ainsi que pour les services sociaux nécessaires..». La candidate a tellement répété cette phrase qu’elle la connaît désormais de mémoire, mais c’est avec son coeur qu’elle l’énonce.
Se lancer dans la bataille des municipales à Beyrouth n’est certes pas une sinécure. Surtout lorsqu’on est une femme plutôt timide et qu’on veut mener la bataille sans label politique. Mme Ghada Yafi a malgré tout décidé de présenter sa candidature, forte d’abord du grand crédit de son père, Abdallah (ancien premier ministre et député) mais surtout de son immense...