Le Vatican à l'heure libanaise, à la veille de la béatification de Hardini Hraoui qui a rencontré hier Scalfaro, sera reçu ce matin par le pape (photo)

Depuis hier, le Vatican et Rome vivent à l’heure libanaise. Au cours des dernières vingt-quatre heures, des milliers de Libanais, venant non seulement du Liban mais aussi de plusieurs pays d’émigration, ont afflué dans la capitale italienne pour assister demain, dimanche, Place Saint-Pierre, à la béatification par le pape Jean-Paul II du moine maronite Neemtallah Hardini. Cette cérémonie solennelle, qui coïncide avec le premier anniversaire de la visite du Souverain Pontife au Liban, aura lieu en présence , notamment, du patriarche maronite, le cardinal Nasrallah Sfeir, du patriarche syriaque-catholique, Mgr Antoine Hayek, du patriarche arménien-catholique, Mgr Jean-Pierre Kasparian, de l’évêque latin de Jérusalem, Mgr Michel Sabbah, du président Elias Hraoui et de deux délégations parlementaire et gouvernementale. Le chef du Législatif Nabih Berry s’est fait représenter par une délégation conduite par le député de Batroun Boutros Harb (le père Neemtallah Hardini était originaire de Batroun). La délégation parlementaire comprend en outre les députés Chaker Abousleiman, Samir Azar, Sayed Akl et Michel Moussa. La délégation gouvernementale est formée des ministres Michel Murr, Michel Eddé, Chawki Fakhoury et Nicolas Fattouche. Le chef du gouvernement Rafic Hariri s’est fait représenter par son épouse, Mme Nazek Hariri, et par son conseiller personnel, M. Daoud Sayegh. Le chef de l’Etat et les membres des deux délégations ont quitté Beyrouth hier vers 11 heures 30, à bord d’un avion spécial. Ils sont arrivés à Rome à 14h 45 (13h 45, heure de Rome). Le président Hraoui et la délégation gouvernementale ont été reçus en fin d’après-midi par le président italien, M. Luigi Scalfaro. Le Saint-Père leur accordera une audience ce matin, à 11h 30 (heure de Beyrouth). Selon des informations en provenance de Rome, non moins de 10.000 Libanais assisteront à la béatification. Le patriarche Sfeir sera chargé de demander officiellement au pape la béatification du père Hardini. Pendant la prière de l’offertoire, lors de la messe, un jeune cèdre sera offert au pape ainsi qu’une étole — étoffe que les prêtres portent autour du cou — avec un cèdre brodé en or et argent. Une délégation de l’Ordre libanais maronite offrira au pape un reliquaire en or et argent en forme de cèdre, avec des reliques du nouveau bienheureux. Des membres de la famille du moine sont également attendus à Rome. Le jeune Libanais André Najm, miraculeusement guéri de la leucémie en 1989 après avoir demandé l’intercession de Neemtallah Hardini, recevra la communion des mains de Jean-Paul II. Neemtallah Hardini est né en 1808 à Hardine, petit bourg de montagne au milieu des forêts de chènes, près de Batroun. Après avoir été ordonné prêtre en 1835, il passe le reste de sa vie à enseigner la théologie et le syriaque au couvent de Kfifane, dans la région de Batroun. Surnommé de son vivant le «saint de Kfifane», le père Hardini devient très connu parmi les chrétiens du Proche-Orient pour sa grande piété. En dépit d’une vie de prière très intense, au point qu’il lui arrivait souvent de passer la nuit à prier et à méditer, il s’est particulièrement occupé des pauvres. Après sa mort, survenue en 1858, à l’âge de 50 ans, sa dépouille intacte est exposée aux fidèles pendant 62 ans, jusqu’à l’ouverture du procès en béatification, en 1927. L’entretien avec Scalfaro Pour en revenir à l’entretien du président Hraoui avec son homologue italien, il a été axé essentiellement sur le dossier du Liban-Sud et de la résolution 425. Au début de la rencontre (qui a duré une heure), le chef de l’Etat a présenté au président Scalfaro ses condoléances pour les victimes des éboulements qui se sont produits ces derniers jours au sud de l’Italie. Après avoir évoqué l’accueil chaleureux qui lui avait été réservé au Liban lors de sa visite à Beyrouth en novembre dernier, le chef de l’Etat italien a abordé la conjoncture présente au Proche-Orient, déplorant le blocage qui se manifeste au niveau du processus de paix, notamment depuis l’arrivée au pouvoir de M. Benjamin Netanyahu. Selon l’Agence nationale d’information (ANI), le président Scalfaro a souligné sur ce plan qu’il n’est pas concevable que «la partie israélienne pose des conditions pour la relance des pourparlers de paix». L’ANI indique en outre que le chef de l’Etat italien a informé le président Hraoui que lors de son récent entretien avec le secrétaire d’Etat américain, Mme Madeleine Albright, il avait dénoncé l’attitude de Washington «qui pratique une politique de deux poids, deux mesures, pour ce qui a trait à l’application des résolutions du Conseil de Sécurité». De son côté, le président Hraoui a remercié vivement l’Italie pour l’aide qu’elle ne cesse d’accorder au Liban, précisant que «l’Italie a été le premier pays à apporter son soutien au Liban en signant avec lui un protocole d’accord en 1991, en dépit des difficultés auxquelles était confronté le pays». Evoquant la conjoncture actuelle au Liban, le chef de l’Etat a souligné que la position israélienne concernant la 425 «n’est pas crédible et ne constitue qu’un ballon d’essai». Après avoir réitéré l’appui du Liban à une paix juste et globale au Proche-Orient, le président Hraoui a plaidé en faveur d’un rôle accru de l’Union européenne dans la région, «afin que les pays arabes et le Liban puissent bénéficier d’un appui face aux agressions israéliennes». Le chef de l’Etat s’est, d’autre part, prononcé en faveur d’un «rôle actif du secrétaire général de l’ONU, M. Kofi Annan, pour ce qui a trait à l’application de la 425 et du mécanisme prévu par la résolution 426».