Rechercher
Rechercher

Actualités - CONFERENCES INTERNATIONALES

Repenser le rôle de l'université francophone à l'ombre de la mondialisation

Le 3e Forum de l’an 2000 ayant pour thème «Mondialisation et Francophonie», organisé dans le cadre de la XIIe Assemblée générale de l’AUPELF-UREF, s’est achevé hier matin par la tenue de la troisième table ronde (après les deux premières de mercredi dernier) axée sur «l’université reconfigurée». Parrainé par plusieurs médias d’expression française (en l’occurrence «L’Orient-Le Jour», «Le Monde», Arte, France Télévision et Radio France, en sus de Flammarion), ce colloque s’est tenu au Palais de l’UNESCO en présence de plusieurs recteurs, doyens et professeurs des universités francophones. La table ronde d’hier avait pour but de lancer un débat sur le rôle que pourrait avoir l’université francophone dans le cadre du processus de mondialisation actuellement en cours. L’université devrait-elle «assimiler la mondialisation et s’y intégrer» ou plutôt «inventer de nouveaux modes de travail». Les établissements d’enseignement supérieur francophones ne devraient-ils pas moderniser leurs modes de savoir et améliorer leur maîtrise des nouvelles technologies de l’information? Premier à prendre la parole au cours de ce débat, M. Eric Junod, recteur de l’université de Lausanne, a axé son intervention sur le thème «nouvelle géographie universitaire, nouveaux partenaires». M. Junod a notamment évoqué sur ce plan le contexte actuel de mondialisation et les impératifs de la loi du marché. Dans ce cadre, il est naturel que les étudiants et les chercheurs s’orientent de préférence vers les établissements qui offrent les perspectives d’ouverture, d’emploi et de carrière les plus larges. Dans un contexte international de concurrence à outrance, souligne en substance M. Junod, les universités francophones se doivent d’élargir le cadre de recrutement de leurs professeurs et de leurs étudiants. Il est dans leur intérêt, en outre, de s’associer en réseaux multilatéraux avec d’autres établissements d’enseignement supérieur, de manière à concilier la mise en commun de leurs ressources avec leur intégration dans leur voisinage immédiat. Il paraît évident que de tels partenariats et la mise en place d’antennes à l’étranger conduisent à une redéfinition de la géographie universitaire. Le président de l’Université de Bordeaux I, M. Michel Combarnous, s’est interrogé pour sa part sur la question de savoir «quelle formation, quels diplômes et quels modes de financement» devraient adopter les universités francophones pour faire face à la mondialisation et relever les défis actuels auxquels le monde moderne est confronté. M. Combarnous a évoqué sur ce plan les formations nouvelles que les universités francophones pourraient offrir aux étudiants pour répondre aux besoins des pays du Sud et relever les défis d’un marché qui se mondialise de plus en plus. Le cursus universitaire et la nature des diplômes qui devraient être délivrés dans ce cadre ont été, notamment, passés en revue, de même que les instruments de financement qui devraient être mis en place afin d’assurer aux établissements francophones d’enseignement supérieur les moyens de leur politique à l’ombre de la mondialisation. L’Université Virtuelle L’une des innovations et l’un des principaux projets de l’AUPELF-UREF, l’Université Virtuelle Francophone (UVF), a fait l’objet de deux interventions présentées par MM. Dominique Lecourt, professeur à l’Université Paris VII, et Eugène Mangalaza, recteur de l’Université de Toamasina (Madagascar). M. Lecourt a notamment souligné que les Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication (NTIC) ont pour impact une nouvelle diffusion du savoir. Ces nouvelles méthodes d’information apportent à l’évidence tous les éléments d’une véritable révolution pédagogique marquée par une modification radicale de la nature des rapports enseignant-enseigné. M. Lecourt a évoqué à ce sujet les moyens de s’adapter à ces nouvelles technologies, notamment au niveau des universités, des enseignants, des chercheurs et des structures académiques mises en place pour envisager collectivement un nouvel outil au service de tous. Pour sa part, le recteur de l’Université malgache a mis l’accent sur l’importance que revêt l’Université Virtuelle pour les étudiants et les chercheurs des pays du Sud. M. Mangalaza a notamment souligné sur ce plan, à titre d’exemple, que la médiathèque virtuelle revêt une grande importance pour des pays comme le Madagascar en raison des perspectives inespérées que ce nouvel instrument de travail offre, d’autant que les prix des livres universitaires sont inaccessibles pour les étudiants malgaches. M. Mangalaza a, d’autre part, prôné l’établissement de réseaux entre les universités d’Océanie, plus particulièrement entre le Madagascar, l’Ile Maurice et les Iles Seychelles, à l’instar des réseaux de l’AUPELF-UREF. Mettant en relief les possibilités quasiment infinies qu’offre Internet pour la recherche universitaire, M. Mangalaza a plaidé en faveur de la fourniture d’équipements modernes aux universités du Sud afin qu’elles puissent, le cas échéant, contribuer au développement de la connaissance scientifique universelle, aux côtés des universités du Nord. Reconquérir l’excellence Sur le thème «Garder, conquérir et reconquérir l’excellence», M. Bachir Souleymane Diagne, philosophe et professeur à l’Université Cheikh Anta Diop (Sénégal), s’est notamment interrogé sur le fait de savoir s’il faudrait «garder l’excellence qui est la nôtre ou conquérir, plutôt, une nouvelle excellence». «Reconquérir l’excellence revient à préciser l’idée que l’on s’en fait», a souligné M. Diagne qui a évoqué dans ce cadre le cas de nombreux étudiants sénégalais qui ont comme idéal l’enseignement universitaire américain. Il a dénoncé à ce propos «le dogme qui fait de la formation universitaire américaine la meilleure au monde». Evoquant les impératifs de la demande de l’entreprise et du marché, M. Diagne a fait état du «nouveau rêve qui consiste à rechercher l’excellence en Amérique du Nord». «Cela implique la nécessité de reconquérir l’excellence au niveau de la francophonie», a-t-il souligné avant de préciser que «reconquérir l’excellence ne signifie nullement que celle-ci devrait être concentrée au Nord». «Les lieux d’excellence, a ajouté M. Diagne, peuvent être virtuels de manière à ce que l’excellence soit accessible à tous, grâce aux techniques modernes de la communication. L’enseignement à distance est une solution au sous-encadrement et au sous-équipement des universités du Sud, de même qu’elle permet de résoudre le problème dû au fait que les étudiants du Sud ne peuvent pas facilement se déplacer» vers d’autres pays. Dernière à prendre la parole, Mme Lise Bissonnette, directrice du quotien québecois «Le Devoir», devait évoquer le dossier de «la responsabilité civique des enseignants et des chercheurs». D’entrée de jeu, elle a préféré modifier le thème de son intervention en posant plutôt le problème du rôle de l’université dans la cité, soulignant que l’université est ancrée profondément dans les rouages de l’économie de marché. «Est-elle encore en mesure, dans de telles conditions, de promouvoir les valeurs de liberté», s’est-elle notamment interrogée avant de souligner qu’à son avis les universités européennes sont plus conscientes de leur rôle véritable que les universités nord-américaines, lesquelles sont devenues beaucoup plus «des acteurs de la demande sociale que des acteurs du changement social». Mme Bissonnette a évoqué, à titre d’exemple, le cas du recteur d’une université anglophone canadienne qui se plaignait des contraintes financières auxquelles sont confrontées les universités nord-américaines. La directrice du «Devoir» a déploré sur ce plan que l’université ait été amenée progressivement à abandonner son rôle critique, précisant à ce propos que les recteurs des universités n’ont pas beaucoup de marge de manœuvre dans ce domaine. «Ce ne sont pas les recteurs qui sont en jeu, puisque le nouveau rôle de l’Université transcende les recteurs», a-t-elle souligné avant de rapporter le cas de certains chercheurs trop critiques qui ont été considérés par les bailleurs de fonds des universités comme des «gêneurs». «Même les universités, a-t-elle indiqué, pressent parfois ses professeurs et ses chercheurs de ne pas être trop gêneurs ou médiatisés». Et Mme Bissonnette de poursuivre: «Il n’est pas normal que les universités deviennent des centres de bailleurs de fonds alors que les cafés philosophiques poussent ailleurs. Il ne suffit pas d’introduire la culture générale dans les cours, mais il faudrait plutôt repenser le rôle de l’université et inciter un retour à l’effervescence intellectuelle. Il faut que l’université retrouve son inspiration. Ces dernières années, certains universitaires ont été contraints de quitter leurs postes pour fuir le climat stressé des universités».
Le 3e Forum de l’an 2000 ayant pour thème «Mondialisation et Francophonie», organisé dans le cadre de la XIIe Assemblée générale de l’AUPELF-UREF, s’est achevé hier matin par la tenue de la troisième table ronde (après les deux premières de mercredi dernier) axée sur «l’université reconfigurée». Parrainé par plusieurs médias d’expression française (en l’occurrence «L’Orient-Le Jour», «Le Monde», Arte, France Télévision et Radio France, en sus de Flammarion), ce colloque s’est tenu au Palais de l’UNESCO en présence de plusieurs recteurs, doyens et professeurs des universités francophones. La table ronde d’hier avait pour but de lancer un débat sur le rôle que pourrait avoir l’université francophone dans le cadre du processus de mondialisation actuellement en cours. L’université...