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Actualités - CHRONOLOGIE

Laïcs contre hommes en noir

Cinquantenaire ou pas, le rabbin Eliahu Benhamo n’a pas plus l’intention de célébrer cette année la naissance de l’Etat juif qu’il ne l’a fait au cours des années précédentes. Le 30 avril sera pour lui une journée comme les autres. Une journée au cours de laquelle ses élèves seront penchés sur les livres ardus du Talmud ou occupés à prier. L’idée même qu’il pourrait en être autrement le scandalise. «Pourquoi un juif pratiquant célèbrerait-il la naissance d’un Etat qui ne respecte pas le shabbat et bafoue les principes de la Torah?», s’indigne le rabbin du séminaire talmudique d’Or Hahayim à Jérusalem. «Nous n’avons prévu aucune cérémonie car nous ne participons pas à des fêtes païennes. La Torah, le peuple juif et le pays d’Israël sont sacrés, mais pas l’Etat», explique le rabbin quadragénaire qui porte l’habit noir traditionnel des juifs d’Europe de l’Est, bien qu’il soit originaire d’Algérie. C’est le discours type des juifs ultra-orthodoxes, les «hommes en noir» qui s’étaient opposés il y a un siècle au mouvement sioniste parce qu’il était dirigé par des laïcs et qu’il «brusquait la volonté divine» en voulant créer en Palestine un Etat avant l’arrivée du messie. Au fil des ans, cette opposition de principe a beaucoup perdu de sa vigueur. L’aide de l’Etat est indispensable aux institutions ultra-orthodoxes. Néanmoins, les «hommes en noir» refusent toujours d’arborer le drapeau national et d’effecteur leur service militaire. Ce qui a changé en 50 ans, ce sont les rapports de force. Grâce à une démographie galopante, les ultra-orthodoxes, qui n’étaient qu’une infime minorité en 1948, sont aujourd’hui 300.000. Ils constituent 6% de la population juive, près de 30% de celle de Jérusalem. Leurs partis ont obtenu 14 sièges sur 120 aux élections en mai 1996. Ralliés à la droite par hostilité à la gauche laïcisante, ils sont le pivot de la coalition dirigée par le premier ministre Benjamin Netanyahu. Grâce à l’aide de l’Etat, quelque 100.000 élèves de tous âges étudient aujourd’hui dans leurs écoles, dont 35.000 étudiants qui ont effectué un «retour à la religion» ces dix dernières années. Beaucoup se retrouveront à l’âge de 30 ans pères de familles nombreuses, sans travail, dépendant totalement de l’aide de l’Etat. Le poids croissant des ultra-orthodoxes et l’ampleur de leurs revendications inquiètent les laïcs qui rechignent à financer des gens qui les considèrent comme des mécréants et, dans le meilleur des cas, comme des «enfants égarés». Les craintes sont d’autant plus vives que le retour en force d’un fondamentalisme juif s’accompagne d’une émergence d’un courant ultra-nationaliste religieux. Les sionistes religieux, porteurs de la calotte crochetée traditionnelle, sont pour leur part des partisans enthousiastes de l’Etat, mais leur nationalisme extrême les a transformés en champions de la colonisation juive. C’est en leur sein que se sont recrutés les éléments les plus dangereux comme Yigal Amir, le meurtrier du premier ministre travailliste Yitzhak Rabin en novembre 1995. Pour le politologue Ilan Greilsammer, le débat tourne finalement autour de la question de «l’identité» d’Israël. «Pas étonnant que le judaïsme traditionnel soit un repoussoir pour ceux qui n’en connaissent que deux formes: la religion figée des “hommes en noir” et le culte de la terre des nationalistes religieux», estime ce professeur de l’université religieuse de Bar Ilan. Mais, selon lui, les laïcs creusent eux aussi le fossé en ne rêvant que d’un pays «normal» coupé des racines juives, en «abandonnant tout idéal collectif» et en prenant pour modèle l’individualisme à l’américaine. (AFP)
Cinquantenaire ou pas, le rabbin Eliahu Benhamo n’a pas plus l’intention de célébrer cette année la naissance de l’Etat juif qu’il ne l’a fait au cours des années précédentes. Le 30 avril sera pour lui une journée comme les autres. Une journée au cours de laquelle ses élèves seront penchés sur les livres ardus du Talmud ou occupés à prier. L’idée même qu’il pourrait en être autrement le scandalise. «Pourquoi un juif pratiquant célèbrerait-il la naissance d’un Etat qui ne respecte pas le shabbat et bafoue les principes de la Torah?», s’indigne le rabbin du séminaire talmudique d’Or Hahayim à Jérusalem. «Nous n’avons prévu aucune cérémonie car nous ne participons pas à des fêtes païennes. La Torah, le peuple juif et le pays d’Israël sont sacrés, mais pas l’Etat», explique le...