Actualités - BIOGRAPHIES
Dieu pour ses compatriotes
le 24 avril 1998 à 00h00
Constantin Caramanlis a été l’homme du retour de la Grèce à la démocratie, après sept ans de dictature des colonels, et l’artisan de l’ancrage du pays à l’Ouest. A l’origine de l’adhésion du pays à la Communauté européenne en 1981, il a marqué de son empreinte un demi-siècle de vie politique grecque. Au fil d’une carrière exceptionnelle, il a été douze fois député, ministre pendant huit ans, premier ministre pendant quatorze ans, deux fois président de la République. Dirigeant autocrate d’une droite partisane jusque dans les années 60, cet homme grand et droit, d’une fierté sourcilleuse, a réussi à s’imposer au-dessus de la mêlée, comme le garant de la démocratie, après avoir mûri et changé lors d’un exil volontaire de onze ans à Paris (1963-74). Hostile à la démagogie et au populisme entachant les mœurs politiques locales, il a souvent rappelé à l’ordre et au sérieux les Grecs, qui l’appelaient familièrement «Dieu». Né le 8 mars 1907 à Proti, un village de la Macédoine grecque près de Sérrès, au nord, alors sous domination ottomane, Constantin Caramanlis a vu, en presque un siècle, son pays mener six guerres, dont une civile, doubler sa superficie et tripler sa population. Avocat de formation, il fait son entrée en politique en 1928 dans le camp conservateur, avant d’être élu député pour la première fois en 1935. Sous l’occupation nazie, il rejoint les forces grecques en exil au Moyen-Orient. Nommé ministre du Travail en janvier 47, il enchaîne les portefeuilles économiques où il se fait remarquer pour sa compétence et est porté à la présidence du gouvernement par le roi Paul en 1955. A ce poste, qu’il conserve pendant huit ans, il lance le pays dans la course au développement et à la modernisation économique. Mais sur fond de retour en force de la gauche, qui en a fait sa bête noire, il se brouille avec le Palais et démissionne en juin 1963. Après la victoire électorale 5 mois plus tard de l’Union du Centre, il entame sa traversée du désert à Paris. Le De Gaulle grec C’est là qu’il est rappelé, en 1974, comme l’homme du recours — le compositeur de gauche Mikis Théodorakis lancera alors la célèbre formule «Caramanlis ou les tanks» —, à la chute de la junte qui s’était emparée du pouvoir en 1967. Après un retour en triomphe, il réussit à négocier sans heurt la transition démocratique, s’attirant alors le surnom de «De Gaulle grec». Il légalise le Parti communiste et lance le référendum historique qui met fin, par 70% des voix, à la royauté et instaure la république. Il créé aussi le grand parti conservateur de la Nouvelle-Démocratie et purge son camp des extrémistes de droite. Partisan de l’intégration européenne «pour échapper à la fatalité des interventions étrangères» et «assurer la stabilité des institutions démocratiques», il réussit à faire de la Grèce le dixième membre de la CEE en 1981, à contre-courant d’une grande partie de l’opinion publique et sous les hurlements des socialistes d’Andréas Papandréou. Soucieux de sortir le pays de sa dépendance envers les Etats-Unis, il multiplie aussi les ouvertures diplomatiques, inaugurant le rapprochement avec les pays de l’Est, notamment balkaniques, et arabes. Il claquera aussi la porte de l’OTAN en août 1974 (jusqu’en 80) pour satisfaire une opinion publique hérissée par la complaisance des Américains envers la junte et leur attitude dans l’affaire de Chypre. Un asile de fous Un an avant le raz-de-marée socialiste de 1981, il se fait élire par le Parlement à la présidence de la République, où il coopère sans heurts avec Andréas Papandréou, pourtant un de ses adversaires les plus acharnés. Mais face au refus de celui-ci de le reconduire pour un deuxième mandat, il se retire plein d’amertume en 1985 et compare en 1989 le pays, alors plongé dans un vaste scandale politico-financier, à un «immense asile de fous». Réélu après la victoire de la Nouvelle-Démocratie en 1990, pour redorer l’image du pays, il peaufine alors un profil de vieux sage désabusé, à cours de déclarations sibyllines contre l’«individualisme» ou le goût de la division de ses compatriotes. Il met aussi son prestige au service de la querelle menée contre la Macédoine, accusée par Athènes d’usurper un nom «historiquement grec». Après avoir cédé sa place en 1995 à Costis Stéphanopoulos, il se retire dans sa résidence d’une banlieue chic d’Athènes, où seuls quelques rares élus sont admis. Il assistera encore avec sa fin à la nomination de son neveu et homonyme à la tête de la Nouvelle-démocratie. (AFP)
Constantin Caramanlis a été l’homme du retour de la Grèce à la démocratie, après sept ans de dictature des colonels, et l’artisan de l’ancrage du pays à l’Ouest. A l’origine de l’adhésion du pays à la Communauté européenne en 1981, il a marqué de son empreinte un demi-siècle de vie politique grecque. Au fil d’une carrière exceptionnelle, il a été douze fois député, ministre pendant huit ans, premier ministre pendant quatorze ans, deux fois président de la République. Dirigeant autocrate d’une droite partisane jusque dans les années 60, cet homme grand et droit, d’une fierté sourcilleuse, a réussi à s’imposer au-dessus de la mêlée, comme le garant de la démocratie, après avoir mûri et changé lors d’un exil volontaire de onze ans à Paris (1963-74). Hostile à la démagogie et au...