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Actualités - REPORTAGE

Justice - Le feuilleton Pakradouni dans le procès Karamé Des contradictions , des explications, mais le flou demeure (photo)

Le troisième épisode du feuilleton que l’on pourrait intituler «L’homme aux mille facettes devant la cour de justice» n’est peut-être pas le dernier. Le procureur Addoum a demandé hier à la cour de procéder à une confrontation entre Karim Pakradouni (ancien numéro 2 des FL et actuel avocat de Geagea) et les témoins à charge Amale Abboud, José Bakhos et Robert Abi Saab. Une nouvelle façon de poursuivre le harcèlement de celui qu’il a qualifié dans un lapsus significatif d’inculpé. Pour Addoum, c’est clair, l’ancien numéro 2 des FL en sait bien plus qu’il ne le dit. Mais, en près de 16 heures d’interrogatoire, il n’a pas réussi à faire craquer le témoin, se contentant de mettre en relief ses multiples contradictions. Des contradictions qui sont d’ailleurs les principales caractéristiques de cet homme et qui ont fait de lui un personnage particulièrement médiatique au cours des 20 dernières années. Hier, face à un Samir Geagea boycottant les questions de la cour pour on ne sait quelle raison mais ne se privant pas d’interroger les témoins lorsque cela l’arrangait, Pakradouni a affronté seul les questions du procureur et des avocats de la partie civile et il n’a commencé à souffler qu’au moment où les avocats de la défense ont pris la parole. Une fois de plus, le procureur est revenu au rapport établi par les services des FL qui accusent les Palestiniens d’être derrière l’assassinat de Rachid Karamé, à cause de l’abrogation par le Parlement libanais de l’accord du Caire, le 21 mai 1987. Addoum présente une coupure de journal selon laquelle le Premier ministre Karamé avait boycotté cette séance parlementaire pour manifester son opposition à l’abrogation et Pakradouni modifie sa version. Selon lui, les Palestiniens auraient pu commettre l’attentat parce qu’à l’époque, la guerre des camps faisait rage entre eux et les Syriens par le biais du mouvement Amal et que Karamé était l’allié des Syriens. Au cours de l’audience précédente, le président Honein lui avait demandé pourquoi le contenu de ce rapport n’avait pas été publié dans les médias et Pakradouni avait déclaré que les FL n’avaient pas de preuves suffisantes pour accuser ouvertement les Palestiniens. Cela n’a pas empêché l’hebdomadaire des FL, Al Massira, de publier un éditorial le 6 juin 1987 (5 jours après l’attentat) accusant plus ou moins franchement les Palestiniens. L’article a été présenté à la cour par Me Robert Haddad (avocat de Geagea). Prié de dire comment cet article a pu paraître alors que les FL n’avaient pas suffisamment de preuves, Pakradouni répond que le fait de répandre des analyses faisait partie du rôle du département de l’information qu’il dirigeait. Me Dayé lui rappelle ses propos de la dernière fois concernant «une réunion écourtée» du conseil central des Kataëb, parce que Georges Saadé voulait se rendre au chevet d’Abdallah Racy, blessé au cours de l’explosion de l’hélicoptère. Pakradouni confirme ces faits, mais Dayé lui rappelle que Racy a quitté ce jour-là l’hôpital de Jbeil à 11h du matin pour se rendre à Zghorta où Saadé ne pouvait aller le voir. Pakradouni s’énerve : «Je vous répète la raison qu’il nous a donnée pour écourter la réunion. Je n’en sais pas plus». Dayé demande ensuite au témoin si, selon lui, c’est le boycott de Rachid Karamé (comme il l’avait dit précédemment) qui a affaibli le président Amine Gemayel ou l’intifada du 12 mars 85, menée par Geagea, Pakradouni et Hobeika. Pakradouni se lance alors dans une explication étonnante selon laquelle cette intifada avait pour objectif de dégager Gemayel des multiples rôles qu’il souhaitait remplir : président de la République, chef des Kataëb, commandant des FL et responsable de la section du Metn-Nord au sein des Kataëb, afin qu’il puisse être un bon président. «Cette intifada était donc dans son intérêt ?», demande le président Honein et Pakradouni répond par l’affirmative Me Youssef Germanos de la partie civile revient sur la seconde hypothèse lancée par Pakradouni selon laquelle Ghassan Touma aurait exécuté l’attentat pour le compte des Israéliens. Il lui demande si une opération de cette ampleur qui a nécessité plusieurs mois de préparation peut être le fait d’une cellule infiltrée, sans que Geagea ne se doute de rien. Me Pakradouni répond : «L’infiltration peut se faire à plusieurs niveaux et son principe est d’être secrète». En réponse à d’autres questions, il rappelle l’étendue du conflit entre Ghassan Touma et Pierre Rizk (responsable des services de renseignements extérieurs des FL. Rizk aurait raconté au témoin Robert Abi Saab qu’avant de charger Touma de l’attentat, Geagea lui aurait demandé de l’exécuter, mais il aurait refusé en raison de ses relations avec l’Irak). Selon Pakradouni, les deux hommes se vouaient une animosité réciproque et ils s’adressaient à peine la parole au cours des réunions. De plus, les activités de leurs services respectifs étaient entièrement cloisonnées. Il voit donc difficilement comment Touma aurait pu raconter à Rizk son rôle dans l’assassinat de Karamé, comme l’a rapporté Abi Saab. «Comment sait-il tout cela, alors qu’il affirme que ses responsabilités se limitaient à la politique et à l’information ?», demande Addoum. Le témoin répond qu’il a participé à l’organisation des FL et qu’il en connaît donc le fonctionnement. Revenant sur ses relations avec les Palestiniens, Addoum lui demande pourquoi les FL ont-elles facilité le retour des Palestiniens en 1987, par le port de Jounieh si elles sont hostiles à l’implantation. Pakradouni répond qu’il s’agissait alors de permettre aux cadres d’Arafat de participer à la guerre des camps. Mais l’opposition des FL à l’implantation est un principe stable. La cour entend ensuite deux médecins, l’un âgé de 75 ans, le Dr Joseph Souto, et l’autre de 77 ans, le Dr Élias Sayegh. Les deux hommes ont établi des rapports sur l’état du corps de Rachid Karamé à la suite de l’explosion de l’hélicoptère. Mais comme ils sont vieux, l’audition se transforme en dialogue de sourds et les questions sont réduites au minimum. Le médecin brigadier à la retraite, Ali Halabi, n’apporte lui aussi aucun élément nouveau. Mais c’est avec l’ingénieur Farès Khabbaz que l’audience s’anime. Ce directeur technique à la société Liban Câbles a reçu quatre bouts de câble électrique, deux plus ou moins calcinés, ramassés dans le périmètre de l’hélicoptère, et deux autres intacts trouvés dans les stocks réquisitionnés chez les FL bien plus tard. Après avoir effectué une expertise en laboratoire, l’ingénieur a établi que les quatre bouts sont pratiquement identiques et sont utilisés pour les sonneries ou de petits appareils électriques ou électroniques. Il affirme que la compagnie pour laquelle il travaille en fabrique pour les centraux téléphoniques et pour les individus. On peut donc en trouver sur le marché… Fête de l’Indépendance oblige, la cour ne reprendra l’audition des témoins que le mercredi 25 novembre.
Le troisième épisode du feuilleton que l’on pourrait intituler «L’homme aux mille facettes devant la cour de justice» n’est peut-être pas le dernier. Le procureur Addoum a demandé hier à la cour de procéder à une confrontation entre Karim Pakradouni (ancien numéro 2 des FL et actuel avocat de Geagea) et les témoins à charge Amale Abboud, José Bakhos et Robert Abi...